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La révolution cubaine et le castrisme : liquidation avant travaux

Par Kolya Fizmatov (11 décembre 2016)
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Le communiqué de notre parti sur la mort de Fidel Castro1 interroge. Saluer le symbole anti-impérialiste et internationaliste est évidemment une bonne chose. Défendre la révolution cubaine face aux inquisiteurs bourgeois, toujours si soucieux de la « démocratie » et des « droits de l’homme » là où les capitaux occidentaux ne font pas la loi, est également une évidence.

Mais on ne peut minimiser les profondes divergences qui séparent les communistes révolutionnaires du « castrisme ». On ne peut pas mentionner le désaccord avec le « soutien à la bureaucratie soviétique » et « les conceptions des révolutionnaires cubains quant à la démocratie politique » comme s'il s'agissait de points secondaires. Car ils découlent en fait d'une conception radicalement opposée de la révolution : à Cuba, malgré d'indéniables aspects progressistes (mais d'autres réactionnaires, comme la persécution des homosexuel-le-s), le régime n'était pas socialiste et ce ne sont pas les masses qui dirigeaient, ni hier, ni aujourd'hui.

De ce point de vue, les productions de la FTQI et de ses membres en France, les camarades du CCR, sont assez surprenantes, comme cet article d'hommage à Castro qui critique certes à juste titre sa politique et son refus de l'auto-organisation des masses... mais prétend d'abord et avant tout qu'il aurait été « à la tête d'une révolution socialiste triomphante » et même que « Cuba a montré que la victoire des masses ouvrières et paysannes était possible et que la lutte pour la terre et l’indépendance nationale ne pouvait triompher que par le programme et les méthodes de la révolution socialiste »2... « Le programme et les méthodes de la révolution socialiste » sans l'auto-organisation des masses : vraiment ?

La révolution cubaine a certes été un espoir dans l’Amérique latine et, plus largement, dans tous les pays dominés. Elle contrariait toutes les idées reçues. Selon l’orthodoxie stalinienne de la « révolution par étapes », la révolution dans les colonies ou semi-colonies devait être simplement anti-impérialiste et démocratique, avec une classe paysanne alliée à la bourgeoisie. Ce n’est qu’une fois la bourgeoisie parvenue au pouvoir que le développement économique était censé pousser la classe ouvrière à s’affirmer, puis à prendre le pouvoir. A Cuba, c’est un mouvement armé qui a brisé la bourgeoisie et les grands propriétaires terriens pour conquérir l'indépendance nationale et le progrès social. La collaboration de classes et la direction linéaire de la révolution n'étaient pas à l'ordre du jour.

Mais elle a aussi abouti à une situation non prévue par la théorie de la révolution permanente de Trotsky. C’est en effet la petite bourgeoisie qui mène le mouvement anti-impérialiste cubain, alors que selon Trotsky, la libération nationale ne peut être accomplie sans la direction socialiste des ouvriers s'appuyant sur la paysannerie. Castro le nationaliste, qui luttait contre la mainmise américaine sur l’île, s’est retrouvé poussé par les masses vers une réforme agraire, puis l'expropriation des capitalistes. Il faut cependant souligner que Trotsky avait envisagé comme une possibilité « peu vraisemblable », mais non inconcevable, que, « sous l'influence d'une combinaison tout à fait exceptionnelle de circonstances (guerre, défaite, krach financier, offensive révolutionnaire des masses, etc.), des partis petits-bourgeois (…) puissent aller plus loin qu'ils ne le veulent eux-mêmes dans la voie de la rupture avec la bourgeoisie » (Programme de transition). Mais il affirmait que cette possibilité ne pouvait être « qu'un court épisode dans la voie de la véritable dictature du prolétariat ». Or le régime cubain s'est avéré être plus qu'un court épisode. D’une part, Trotsky a sous-estimé la capacité de la petite-bourgeoisie à se mettre à la tête des masses pour rompre avec la bourgeoisie pro-impérialiste, d’autre part les rapports de forces internationaux de la « guerre froide » ont joué un rôle, essentiel dans le cas de Cuba.

Durant tout le processus anti-impérialiste révolutionnaire, profitant du faible degré d’auto-organisation des masses, Castro et ses fidèles ont pu s’en prétendre les représentants tout en instaurant une dictature fortement personnalisée. La bureaucratie fait appel au peuple pour soutenir les mesures qu'elle prend et non pour qu'il construise son propre programme. Seul face à des États-Unis de plus en plus menaçants, Cuba se tourne vers l’URSS. S’il s’était agi seulement d’un accord tactique d’ordre matériel, technique et militaire, il n’y aurait rien à redire. Mais cela est en réalité allé de pair avec une allégeance politique et stratégique globale. Dès lors, à la bureaucratisation locale s’ajoute la stalinisation (plus aucune tendance tolérée dans le mouvement révolutionnaire) et la militarisation (les officiers deviennent les portes paroles de la révolution). Personnalisation encore plus caricaturale qu’en URSS : après des décennies, Fidel Castro ne trouve personne d’autre à qui passer le pouvoir que son propre frère ! La répression policière intérieure soutient volontiers celle à l’extérieure, comme lors du Printemps de Prague de 1968, Castro se faisant alors ouvertement le complice de la contre-révolution.

Pourtant, malgré sa faiblesse numérique, la classe ouvrière cubaine disposait à la fin des années cinquante d’une certaine expérience, suite notamment à la grève générale de 1933 avec constitution de soviets (malheureusement non reprise par la suite, notamment à cause du poids des réformistes et des staliniens dans le mouvement ouvrier cubain comme ailleurs). De nouveau, en 1959, la classe ouvrière s'organise via la grève générale pour faire tomber la dictature de Batista mais se positionne plus comme un soutien à la guérilla que comme une force autonome. Conséquence : alors que les ouvriers ont mis dehors la bureaucratie syndicale, Castro impose un stalinien à la tête du syndicat principal, malgré la défiance de la base. On voit le coût important à la conciliation de classe et du volontarisme militaire qui se substituent à la classe ouvrière pour la prise du pouvoir.

La trajectoire de l’île est en fait comparable à celle d’un autre pays dominé au milieu du XXe siècle, la Chine : même prise de pouvoir militaire avec l’appui de la paysannerie mais sans intervention indépendante de la classe ouvrière. Même processus qui conduit une révolution d’abord démocratique et nationaliste à un affrontement avec l’impérialisme. Dans les deux pays, les nationalisations sont une conséquence du refus de la bourgeoisie de coopérer avec le nouveau régime. Elles n’ont rien de socialistes, le pouvoir économique n’est pas remis aux travailleurs mais confisqué par la bureaucratie. Actuellement, l’ouverture de l’île aux capitaux étrangers, le rétablissement partiel de la propriété privée des moyens de production, la fin du monopole d'état du commerce extérieur, et le rôle de la bureaucratie dans cette transition laissent présager d’autres similitudes avec la Chine. Dans ce contexte il n’est vraiment pas pertinent de proclamer « Cuba a tenu ! » comme le fait le communiqué du NPA.

Certes, les États-Unis n’ont réussi ni à renverser, ni à étouffer le régime. Les Cubain-e-s ont ainsi échappé à l’emprise des impérialismes tant prévalent dans la Caraïbe, que ce soit par l’administration coloniale directe (Puerto Rico, Guadeloupe Martinique) ou par l’assujettissement à une misère abjecte (Haïti). La population est soignée et éduquée. L’île entretient le souvenir du Che et du soutien (depuis longtemps révolu) aux guérillas latino-américaines et africaines.

Mais le régime castriste se dirige vers un capitalisme à parti unique comme en Chine, et les acquis sociaux de la révolution s'effritent. Les inégalités explosent, la prostitution se développe avec les flux de touristes. Cela nous appelle à réfléchir sans verser dans la nostalgie d’un certain romantisme révolutionnaire. Loin du castrisme, la révolution socialiste ne peut être menée que par les travailleur/se-s et les masses opprimées s'auto-organisant et prenant en main leur propre présent.


1 https://npa2009.org/communique/mort-de-fidel

2 http://www.revolutionpermanente.fr/Fidel-Castro-et-son-apport-dans-l-histoire

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