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    Royaume-Uni: La percée spectaculaire de Corbyn déjoue tous les pronostics. Pour le vote Labour ! Pour dégager les conservateurs !

    Les élections législatives du 8 juin semblaient pliées : Les Conservateurs devaient triompher, le Labour de Corbyn devait se diriger vers une défaite historique, ouvrant la voie à une reprise en main du Labour par les sociaux-libéraux blairistes. Mais rien ne se passe comme prévu, et les élections du 8 juin pourraient déboucher sur une victoire inattendu des travaillistes, qui déstabiliserait la bourgeoisie britannique.

    La faute majeure de Corbyn : sa campagne contre le Brexit

    L’aile gauche du Labour a toujours été contre l’Union européenne, l’analysant à juste titre comme une arme de destruction massive contre les droits des travailleurs/ses. En 1983, le Labour s’était engagé à quitter l’UE s’il gagnait les élections. Corbyn soutenait cette position depuis toujours. Mais il a capitulé devant l’aile droite du Labour en faisant campagne (a minima néanmoins) pour le Remain. Il a ainsi laissé le quasi-monopole de la lutte contre l’UE à la droite et à l’extrême-droite xénophobe et libérale, même si les principales composantes de l’extrême gauche (le SWP et le Socialist Party) ont mené une campagne internationaliste et anticapitaliste pour le Brexit. Avec ce choix, Corbyn a perdu sur tous les tableaux : il ne s’est pas rabiboché avec la droite du Labour qui le déteste et qui le tient pour responsable de la victoire du Brexit en ayant mené une campagne trop molle pour le Remain ; et il s’est coupé d’une grande partie de la base ouvrière du Labour, notamment celle du nord industriel qui a voté massivement pour le Brexit. Au niveau national, le vote de classe est flagrant : 64% de la classe ouvrière a voté pour le Brexit, alors que 57% des cadres ont voté pour le Remain1.

    Après la victoire du Brexit, Theresa May s’est sentie en position de force pour convoquer le 18 avril des élections législatives anticipées pour le 8 juin. Alors qu’elle ne bénéficie aujourd’hui que d’une majorité de 5 sièges (330 sièges sur 6502), tous les sondages pronostiquaient un raz-de-marée conservateur le 8 juin. Mais la publication du manifeste du parti travailliste a changé la donné, en relançant la campagne du Labour de Corbyn.

    Le nouveau manifeste du Labour : une rupture avec le social-libéralisme… qui ne peut conduire qu’à une impasse sans rupture avec le capitalisme !

    Corbyn a présenté le « manifeste » du parti travailliste3 le 16 mai. Il avait déjà largement fuité dans la presse quelques jours auparavant, provoquant les cris d’orfraie des chiens de garde du capital, présentant Corbyn comme un affreux communiste.

    Par ce manifeste, le Labour se dote d’un programme qui rompt avec le social-libéralisme promu par Blair et ses successeurs (Gordon Brown et Ed Miliband) :

    • redistribution des richesses : hausse du salaire minimum à 10 livres sterling par heure d’ici 2020 ; écarts de salaire de 1 à 20 dans les entreprises publiques et celles qui vivent des commandes publiques, hausse des impôts pour les 5% les plus riches

    • défense des droits des travailleurs/ses : interdiction des contrats « zéro heure »4 ; permission donnée aux syndicalistes d’accéder librement aux lieux de travail ; abolition de certaines lois qui restreignent les libertés syndicales (Trade Union Act) ; gratuité des recours devant les tribunaux ; création de 4 jours fériés supplémentaires

    • nationalisations : renationaliser les entreprises ferroviaires (privatisées en 1993) quand les franchises arriveront à leur terme ; renationaliser La Poste (privatisée en 2013) ; créer un réseau d'entreprises publiques de l'eau ; aller vers un service public de l'énergie (en concurrence avec le privé), créer un réseau d'entreprises publiques de l'eau ; création d'une banque publique nationale d'investissement pour financer les petites entreprises, et les coopératives ; objectif d’étendre la propriété publique aux « biens et services essentiels »

    • services publics : création d’un grand service public de l’éducation sur le modèle du NHS (service public de la santé) ; disparition des frais d’inscription à l’université ; plan de construction de logements ; investissement public dans les infrastructures (transports, énergie, communication)

    • mesures sociétales : extension du droit à l’avortement en Irlande du Nord, mesures contre l’oppression des femmes et des LGBTI

    • politique étrangère : stopper les interventions militaires extérieures « agressives »

    Le programme se veut anti-austérité, anti-raciste, anti-guerre, et pour l’extension des droits sociaux et la redistribution des richesses. C’est une rupture majeure par rapport aux années Blair. Néanmoins, le programme est moins à gauche que celui de 19835, qui prévoyait de nationaliser une grande partie des moyens de production. Ici, les nationalisations sont très limitées. Corbyn est revenu aussi sur son idée de nationaliser le secteur bancaire. Le manifeste s’emploie (contrairement à celui de 1983) à rassurer les patrons : même s’il veut augmenter légèrement l’impôt sur les bénéfices des grandes entreprises, il déclare vouloir maintenir les taux à un bas niveau par rapport aux autres pays. Il s’agit donc de veiller au maintien de la compétitivité de l’économie britannique. Il veut récompenser les patrons vertueux (ceux qui augmentent les salaires, ceux qui privilégient l’investissement au versement de dividendes, etc.). Il veut développer les exportations en promouvant le libre-échange, en s’engageant à baisser les obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce international. Il veut respecter le Brexit… tout en disant qu’il veut « garder les bénéfices du marché unique » !

    En 1974, le Labour était arrivé au pouvoir en promettant « un basculement fondamental et irréversible » du rapport de force en faveur des travailleurs/ses. On a vu ce qu’il en a été : des attaques sur la monnaie, une « grève » de l’investissement des patrons… et le gouvernement a du capituler faute de vouloir s’attaquer à la propriété capitaliste. Aujourd’hui, Corbyn ne tire aucune leçon de ces échecs, et promet au contraire de ne prendre aucune mesure contre la sacro-sainte loi du marché. Dans le cadre d’un capitalisme en crise, il n’y a aucune marge de manœuvre pour mettre en œuvre des réformes progressistes qui pèseraient inévitablement sur le taux de profit des capitalistes. Mais même si ces marges de manœuvre existaient, il faudrait prendre des mesures de contrôle des échanges extérieurs, de contrôle des changes, pour tenter de neutraliser le sabotage capitaliste. Corbyn s’engage d’ores et déjà à ne rien faire contre les patrons ! L’exploitation capitaliste est ignoble et destructrice de vie. Ne pas s’attaquer à la propriété des moyens de production, c’est la laisser perdurer.

    Le manifeste suscite l’enthousiasme des jeunes et des catégories populaires

    Alors que les éditocrates hurlaient au communisme, au fait qu’un programme aussi à gauche allait effrayer le bon peuple, c’est exactement le contraire qui s’est passé. La percée du Labour coïncide avec la publication du manifeste. L’institut Yougov donnait les 11-12 mai6 les Conservateurs à 49% et le Labour à 31%. Les 30-31 mai, le même institut donnait7 les Conservateurs à 42% et le Labour à 39%. L’écart est passé de 19 points à 3 points en moins de 3 semaines. On n’a jamais vu un basculement des forces politiques en aussi peu de temps.

    Les travailleurs/ses et les jeunes appuient les mesures les plus à gauche du Labour : 52% des Britanniques soutiennent la nationalisation du rail, 50% la nationalisation de La Poste, 49% la nationalisation du secteur de l’énergie, 71% la suppression des contrats « zéro heure », 65% la hausse des taxes sur les plus riches, etc.

    Parmi les jeunes de 18 à 24 ans, 50% disent vouloir voter pour le Labour contre 16% pour les Conservateurs (10% disent ne pas vouloir voter et 15% ne savent pas). Plus d’un million de jeunes se sont inscrits sur les listes électorales depuis le 18 avril, ce qui montre une aspiration dans la jeunesse à rompre avec le modèle néolibéral. Entre le 11 mai et le 30 mai, le Labour progresse de 5 points dans les catégories aisées et de 10 points dans les catégories populaires. Dans ces dernières, le pourcentage de ceux et celles qui déclaraient vouloir s’abstenir ou ne savaient pas pour qui voter régresse : cela profite au Labour. Le Labour progresse fortement dans le Centre et le Nord de l’Angleterre, qui risquaient de basculer dans le giron conservateur (suite au vote massif pour le Brexit dans ces régions).

    Les sondages ne sont pas le seul indice de l’engouement autour de Corbyn. A chaque meeting de Corbyn, des milliers de personnes se rassemblent. A contrario, le manifeste des conservateurs ne promettait que du sang et des larmes pour les plus pauvres et des cadeaux aux plus riches. Face à la controverse autour de la « taxe de la démence »8 (qui aurait contraint des personnes âgées à vendre leur maison pour avoir droit aux soins), May a du faire machine arrière et s'est mise à promettre plus de justice sociale... mais sa crédibilité est très faible. Elle n’a pas enrayé sa mauvaise dynamique.

    Une opération du type « Macron » en préparation pour tenter de neutraliser Corbyn : la mobilisation populaire sera décisive

    Corbyn a un gros problème et l’essentiel de l’appareil travailliste ne pense qu’à une chose : se débarrasser de lui. La majorité des députés seront élus grâce à lui et à son orientation… mais lui seront hostiles. La création d’un nouveau parti est en discussion, car ils savent qu’ils ne seront jamais majoritaires auprès de la base du Labour : ce nouveau parti pourrait réunir non seulement l’aile droite du Labour, mais aussi les conservateurs pro-européens et les libéraux démocrates9. La bourgeoisie est aujourd’hui orpheline d’un parti pro-UE et libéral… Elle ne dispose pas encore d’un Macron qui fusionne l’extrême-centre10.

    Des discussions ont déjà eu lieu entre des députés travaillistes et des députés conservateurs en vue de la création d’un nouveau parti intitulé « Les Démocrates ». Les blairistes collectent actuellement de l’argent auprès des grosses fortunes du pays, et préparent la scission du Labour au parlement britannique.

    Si le Labour remporte les élections, on peut donc prévoir que la droite du Labour agira de concert avec les conservateurs et les libéraux démocrates pour bloquer la formation d’un gouvernement Corbyn. Cela peut ouvrir une situation de crise politique aiguë. Il faudra alors que des mobilisations massives imposent que les résultats des urnes soient respectées et que le programme du Labour soit immédiatement mis en œuvre. Dans toutes les entreprises où des licenciements sont prévues, il faudra appeler à des mobilisations pour la nationalisation de ces entreprises. Corbyn a ouvert la boîte de pandore des nationalisations, il faut s'appuyer là dessus pour aller plus loin.

    L'ensemble de l'’extrême gauche britannique fait une campagne active en faveur du vote Corbyn. Nous saluons ce positionnement que nous partageons malgré toutes les limites et les impasses du manifeste de Corbyn. Une victoire de Corbyn est désormais possible. Tous les commentateurs conviennent (à regrets…) que Corbyn a été le grand vainqueur des entretiens du lundi 29 mai à la télévision. Mercredi 31 mai, il a aussi fait forte impression lors d’un débat télévisé que May a boycotté. Pendant ce débat, un rassemblement de 4.000 personnes avait lieu à Bristol contre les coupes dans les dépenses de santé, preuve que la dynamique autour de Corbyn n’est pas qu’électorale.

    Comme celui de Mélenchon, le programme de Corbyn n'est pas applicable dans le cadre du capitalisme en crise. Mais la victoire de Corbyn peut ouvrir la voie à de puissantes mobilisations pour que les travailleurs/ses ne soient pas volés de leur victoire. Pour pouvoir rompre avec l'austérité, il faudra alors s'attaquer au cœur du système : la propriété des grands moyens de production et les institutions capitalistes. Un gouvernement Corbyn ne s'y attaquera pas mais la victoire de Corbyn peut enclencher une dynamique qui y conduise. Les anticapitalistes révolutionnaires auront un rôle clé à y jouer, en menant la bataille contre les réformistes qui chercheront toujours à s'arranger avec les bourgeois pour maintenir l'ordre capitaliste. Un projet communiste attractif pour les travailleurs/ses, d’une société sans classe, sans exploitation, sans oppression, avec pour centre démocratique l’auto-organisation, doit être défendu comme alternative à l’impasse du programme de Corbyn.


    1 Cf. http://lordashcroftpolls.com/2016/06/how-the-united-kingdom-voted-and-why/

    2 330 sièges pour les Conservateurs ; 232 pour le Labour ; 8 pour les Libéraux démocrates ; 56 pour les SNP (nationalistes écossais) ; 1 pour les Verts et UKIP ; et le reste pour les partis d’Irlande du nord et du Pays de Galle

    3 On peut le lire ici : http://www.labour.org.uk/page/-/Images/manifesto-2017/labour-manifesto-2017.pdf

    4 Le salarié est rémunéré uniquement pour les heures travaillées, il doit pouvoir se rendre disponible à n'importe quel moment de la journée sans savoir quelle sera sa durée de travail

    5 Qu’on peut lire ici : http://www.politicsresources.net/area/uk/man/lab83.htm

    6 Cf. https://d25d2506sfb94s.cloudfront.net/cumulus_uploads/document/1b8yww4g1l/SundayTimesResults_170512_VI_W.pdf

    7 Cf. https://d25d2506sfb94s.cloudfront.net/cumulus_uploads/document/imdk9bjaff/TimesResults_170531_VI_Trackers_W.pdf

    8 Cf. http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/royaume-uni-sous-pression-may-abandonne-sa-taxe-sur-la-demence-719943.html

    9 Parti centriste (équivalent du Modem français), libéral sur le plan économique et sociétal, pro-UE : sa base sociale est constituée des couches supérieures du salariat

    10 L'expression « extrême centre » est utilisée par Tariq Ali (https://www.versobooks.com/books/1943-the-extreme-centre) pour désigner la convergence programmatique des partis institutionnels de gauche et de droite autour d'un agenda néolibéral.

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