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    Pourquoi un parti ?

    Par Lucas Battin ( 8 juillet 2017)
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    Du ras le bol

    Qu’est-ce qui nous pousse, qui pousse les gens à se révolter, à vouloir changer les choses ? Il y a les bases matérielles : un travail dur, mal payé, mal reconnu, une inégalité crasse entre les femmes et les hommes, des oppressions contre les LGBT, contre les racisé-e-s, des grands projets inutiles, nuisibles et destructeurs de notre milieu de vie, la catastrophe écologique, etc. Les raisons des combats, les raisons de luttes, les raisons de défense des intérêts de la classe des exploité-e-s, des opprimé-e-s par ce système si violent, ne manquent pas !

    Comment réagissons-nous à cela ? Comment fait-on quand on veut changer le monde ? On discute, on vote, on manifeste, on fait grève, on se syndique, pour diverses raisons, on rejoint des collectifs, sur des points particuliers, des fronts, et même parfois on rejoint un parti.

    Mais quel parti ? Il en existe une multitude, des partis institutionnels, des partis d’adhérent-e-s, d’autres plus radicaux, et même révolutionnaires. Beaucoup de personnes révolté-e-s disent être dégoûté-e-s par «les partis», ou bien ne pas croire en la forme parti, alors qu’ils et elles sont de tous les combats pour changer le monde.

    Dans ce texte nous allons essayer de montrer que si on veut «changer le monde» d’une façon révolutionnaire1, un parti clairement communiste révolutionnaire est très utile et même central, ce qui est un de nos combats à la Tendance Claire au sein du NPA.

    Qu’a pu élaborer Marx ?

    Il est intéressant de revenir à Marx sur ce sujet car il a produit des réflexions très profondes à ce sujet. Il a d’ailleurs œuvré toute sa vie à la construction d’organisations ouvrières, de la Ligue des communistes à l’Association Internationale des Travailleurs (AIT, Première internationale). Cependant, il a été, comme beaucoup d’entre nous, toujours très vigilant concernant l’esprit de parti, le formalisme, les risques de sectarisme et de sclérose. Il a rejeté toute conception de l’organisation comme fin en soi.

    L’axe du projet révolutionnaire de Marx et Engels s’exprime dans les statuts de l’AIT rédigés par Marx : « L’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. ». En effet, la société que Marx défend est « une association dans laquelle le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ». En ce sens, la liberté n’est pas quelque chose de fixe (comme des droits formels), mais un processus qui n’est pas une affaire individuelle mais bien collective (augmentation du temps libre, maîtrise de la production...).

    Cette conception met au centre et au premier plan l’auto-activité des travailleurs et des travailleuses. C’est un des axes central de la pensée de Marx et Engels. On dit que pour Marx, c’est le moment de la spontanéité qui est dominant. C’est aussi en cela qu’il critique les courants qui prétendent forcer le cours des événements en substituant à la lutte des masses, des coups de forces minoritaires (les blanquistes, certains anarchistes...).

    Pour autant, ce refus du sur-volontarisme, et la centralité de l’auto-activité des travailleurs et des travailleuses ne signifient pas que Marx s’en remette à la seule spontanéité des exploité-e-s et des opprimé-e-s. Ceux et celles qui luttent, pour tel ou tel motif, luttent dans un contexte d’exploitation, d’éparpillement, de concurrences, de privilèges. Ils et elles sont donc sans cesse séparé-e-s, divisé-e-s. C’est pour cela que l’action révolutionnaire nécessite l’organisation des individus en classe consciente de soi.

    Qu’est-ce que cela veut dire ? Le capitalisme engendre une lutte de classes spontanée. Les intérêts des classes qui composent la société sont divergents, et donc, nécessairement, des révoltes, des luttes existent, des combats locaux, épars, dirigés contre le patron individuel ou contre les machines, et bien d’autres encore. Et c’est là que les organisations jouent un rôle important.

    Il s’agit tout d’abord de l’organisation syndicale2, au sein de laquelle s’organise la lutte quotidienne contre le capital. Les premiers syndicats ont été créés spontanément parce que les travailleurs/ses eux et elles-mêmes en ressentaient le besoin, et ce phénomène se reproduit régulièrement dans les luttes locales. Malgré les freins du corporatisme, les syndicalistes ont aussi eu tendance à se regrouper à une échelle toujours plus large pour augmenter le rapport de force. Avec cette structuration, les organisations interprofessionnelles en leur sein, des structures confédérales, les syndicats deviennent des centres d’organisation de la classe ouvrière, classe que Marx (comme nous) considère comme centrale pour le renversement de la société capitaliste. Ce sont donc des instruments de résistance, mais qui deviennent parfois plus que cela, et ont eu même des visés de transformation du système de travail salarié.3 Marx théorisait le fait que par les luttes immédiates, les travailleurs et travailleuses dépassent la résistance immédiate pour une lutte pour l’émancipation du travail salarié : par l’expérience, les personnes en lutte se rendent compte que la résistance quotidienne n’est pas suffisante, mais qu’il faut s’attaquer au capitalisme comme tel. La lutte de classe elle-même renforce le « parti ouvrier ».

    Cette notion de « parti » était très large chez Marx, puisqu’il y incluait toutes les formes d’organisation de classe, syndicats comme partis au sens strict (qui sont à son époque des groupes socialistes souvent sclérosés). L’Association internationale des travailleurs était d’ailleurs elle-même une structure « large », à la fois syndicale et politique.

    Mais à quoi sert le parti communiste qu’il appelle à construire dans son Manifeste du parti communiste ? S’il est vrai que les travailleurs et les travailleuses se constituent eux et elles même comme classe dans et par leur luttes collectives, en arrivant à combattre le capitalisme comme tel par l’auto-activité, quel peut bien être le rôle du parti communiste ?

    Pour lui, les partis ont un rôle théorique notamment, et c’est criant d’actualité, «dans les différentes luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts indépendants de la nationalité et communs à tout le prolétariat ». D’autre part, les communistes doivent être la fraction la plus résolue des partis ouvriers de tous les pays, les plus actifs. Cette activité et ce rôle théorique ont des conséquences bien pratiques : les explications des causes objectives des attaques contre le monde ouvrier, les raisons économiques, les articulations entre les différentes attaques, les analyses d’intérêts de classes permettent de nourrir et de renforcer les luttes, en les aidant à aller jusqu’au bout d’elles-mêmes.

    De la même façon, le rôle du capital et de l’État, qui par l’idéologie dominante, passent pour des réalités naturelles et éternelles, doit être expliqué de façon approfondie par les partis communistes. Le rôle des communistes est donc aussi de montrer la vraie nature du capital et de l’État, de former les travailleurs et les travailleuses, d’analyser les situations, les luttes et notamment les révolutions réelles pour en tirer des axes stratégiques, d’essayer d’en dégager la signification historique pour faire vivre la mémoire et la conscience de classe…

    Ces premières réflexions de Marx sur le parti sont importantes, mais elles ne pouvaient aborder tous les problèmes qui allaient se poser plus tard, notamment avec l’émergence des partis modernes, des élections (de la démocratie capitaliste), et des risques qu’elles entraînent.

    Partis socialistes et communistes

    Pour essayer de penser les partis utiles à la révolution, il est intéressant de revenir sur l’histoire du mouvement ouvrier pour en voir les erreurs à ne pas reproduire. Nous parlons ici d’un exemple très significatif : le passage de la Deuxième internationale à la Troisième.

    La Première internationale avait disparu après l’écrasement de la Commune de 1871. L'Internationale ouvrière, créée en 1889 (Engels est encore vivant) est dominée par les idées marxistes, et atteint une ampleur bien plus grande. Elle regroupe des partis « socialistes » (ou « social-démocrates ») de masse, qui semblent partout se renforcer inexorablement, d'élections en élections (la délimitation avec les syndicats est maintenant nette). Le SPD allemand devient même le premier parti en Allemagne à partir de 1912.

    Mais l'Internationale et ses partis ne cherchent pas à maintenir une réelle délimitation sur un programme révolutionnaire. Dans la pratique beaucoup de notables du parti (députés, dirigeants syndicaux...) s'embourgeoisent et collaborent avec les capitalistes, avec la classe des exploiteurs. Beaucoup de réformistes cherchent à assumer une rupture avec les idées de Marx, mais restent en apparence minoritaires. Le discours officiel se veut toujours marxiste, mais parle de la révolution comme processus vague, et les dirigeants refusent toute rupture avec les réformistes. Les révolutionnaires de l’époque, comme Lénine et Luxembourg, n’anticipent pas vraiment l'ampleur du problème.

    C'est après la grande trahison de 1914, où le nationalisme des partis social-démocrates (qui va avec leur soumission à l’État capitaliste) éclate au grand jour, que Lénine et ceux qu’on appellera ensuite les communistes rompent et créent la 3e internationale. Depuis, les «léninistes» insistent sur la nécessité d'avoir un parti délimité des réformistes. Cela contredit partiellement l'objectif de parti de masse, car la conscience de classe n’est pas automatiquement une conscience révolutionnaire. Cela nécessite donc en même temps de mener des politiques unitaires (« front unique ») pour massifier les mobilisations.

    Cet exemple est très important pour illustrer le parti qui permet d’aider à faire la révolution. En effet, les organisations ouvrières massives qui existaient à ce moment-là rendaient possible une révolution. Mais l’embourgeoisement des leaders socialistes, la stratégie de réformer le capitalisme de l’intérieur, et le poison nationaliste brouillant les intérêts de classe, ont empêché un réel changement de société.

    Et maintenant ?

    Si on peut partager des révoltes, des contestations, avec beaucoup de collectifs, de syndicats, de partis institutionnels, d’anarchistes, d’autonomes, notre analyse en termes de classe, et notre volonté de construire un monde socialiste, sans oppressions, sans exploitations, nous impose de construire un parti au service de ce projet.

    Le rapport aux revendications locales ou spontanées

    En effet, forts et fortes de notre analyse en termes de classes, les revendications qui sont uniquement :

    • on va changer les choses en modifiant notre façon de consommer ;

    • on va changer les choses en occupant des ZaDs ;

    • on va changer les choses en votant pour des gens qui ont de bons programmes ;

    • on va résister dans nos syndicats face aux attaques du gouvernement et des patrons ;

    • etc.

    ne nous paraissent pas suffisantes et même pour certaines sont des impasses. Ne nous trompons pas, nous sommes de tous ces combats, nous sommes bien évidemment dans la lutte, la lutte de classe, dans nos syndicats, nos collectifs zadistes, dans les organisations de l’antiracisme politique, dans les collectifs féministes (suivant où nous vivons, où nous travaillons, etc.). Mais un parti peut être au service de l’articulation de toutes ces luttes pour renverser le système capitaliste.

    Dans le rôle du parti comme nous le concevons, il y a l’explication de ce qui fait système dans notre monde, et notamment les conséquences du système économique capitaliste. Et c’est ce que nous essayons de faire à l’intérieur du NPA. Car si certaines revendications spontanées peuvent être progressistes, si elles ne sont pas articulées avec une rupture anti-capitaliste, les capitalistes trouveront toujours une issue, et le cas échéant, si le rapport de force devient potentiellement en leur défaveur, seront prêts à céder quelques acquis sociaux pour sauver le système capitaliste. Pour mieux les reprendre par la suite, et bien souvent réprimer d’autant plus durement qu’ils ont eu peur.

    Ensuite, dans la continuité de la pensée de Marx, nous devons bien expliquer, en plus de notre travail syndical «local», que les contre-réformes, et les attaques différentes contre le monde ouvrier s’articulent et sont nécessaires à la survie du capitalisme et pour lutter contre ce qui est appelé par Marx «la baisse tendancielle du taux de profit», et qui signifie que sur le long terme, les entreprises ont tendance à moins faire de profit (même si souvent ces profits sont gigantesques), par rapport aux sommes investies.

    Aussi, notamment dans le syndicalisme, le parti permet d’analyser et de lutter contre les bureaucraties en comprenant les conditions matérielles d’existence des bureaucraties et d’organiser notre activité dans ces structures.

    Un parti de classe

    Dans nos combats, nos luttes, nous mettons en avant la centralité de la classe ouvrière. Ceci découle de notre analyse marxiste de la société qui met au centre de la machinerie capitaliste les ouvrier-e-s et les prolétaires. C’est la lutte de classes, la lutte concrète pour défendre des intérêts divergents entre classe, qui permet de passer d’une classe en soi (réalité objective de partage de position dans la société) à une classe pour soi (prise de conscience par les individus d’appartenance à cette classe, et donc d’intérêts communs à défendre).

    Des grèves isolées peuvent être victorieuses sur des attaques ou revendications locales. Des grèves générales (au vrai sens du terme, non pas des « journées d’action » ponctuelles) peuvent mettre en échec un gouvernement voire arracher des acquis majeurs au patronat. Ces situations permettent à chacun et chacune de prendre conscience dans la pratique que la société capitaliste repose entièrement sur notre exploitation, et en même temps de réaliser la puissance de notre classe. Nous arrivons à la conclusion que seul le développement jusqu’au bout de cette lutte de classe, c’est-à-dire une révolution, peut mettre fin à ce système.

    Une mémoire du mouvement ouvrier

    Nous sommes en 2017, et il y a maintenant quelques siècles de luttes, de combats contre les oppresseurs, contre les exploiteurs capitalistes (et d’autres). Il nous faut donc apprendre des échecs et des réussites du passé, réfléchir à leurs causes objectives et subjectives.

    C’est aussi un des rôles d’un parti : une mémoire collective du mouvement ouvrier qu’il faut faire vivre. Bien sûr, pour les intellectuel-le-s (historien-ne-s, philosophes, etc.), cela peut sembler un rôle marginal tant toute une littérature existe déjà, mais cette mémoire doit être collective pour y inclure le plus grand nombre, et pour analyser avec bien plus de pertinence les choses et les événements : l’intelligence collective est une arme gigantesque.

    Cette mémoire, cette histoire du mouvement ouvrier a des conséquences là encore très pratiques. Cela permet de répondre à des questions comme : quelles structures permettent de lutter contre la bureaucratisation des mouvements sociaux ? Quelles structures permettent d’instaurer un contre pouvoir du prolétariat qui le dispute au pouvoir institutionnel ? Quelle forme d’auto-organisation est la meilleure au regard du passé ? Etc.

    Le travail d’élaboration

    Si le capitalisme perdure, les choses changent, la situation politique varie, dans le temps et dans les différents pays du monde, les luttes ne sont jamais les mêmes, et rien ne peut être dogmatique si on veut être efficace, et peser sur le changement de monde. C’est un travail de chaque instant de ne pas se scléroser et de ne pas se replier sur nous même dans un dogmatisme sectaire.

    Le parti, par la réunion de camarades autour de discussions, doit permettre la prise de décisions pratiques, l’élaboration et la mise en pratique collective de stratégies et de tactiques. Le parti doit permettre une élaboration et une formation sur nos diverses activités dans les collectifs, les associations, dans les quartiers de vie, sur les lieux de travail. L’intelligence collective est une arme incontournable.

    Puisque nous voulons construire une nouvelle société sans classe, sans oppression, sans exploitation, il nous faut réfléchir à cette société, à son fonctionnement, aux jalons et aux garde-fous qui peuvent la rendre possible. Bien sûr, elle ne sera pas construite par le parti, mais bien par l’auto-activité des travailleurs et des travailleuses. Mais il n’y a pas de séparation absolue entre « la classe », et « le parti », et les élaborations des partis font partie du processus de maturation de la conscience de classe. Les idées qui correspondent à une réalité doivent pouvoir trouver leur chemin dans la majorité de notre classe. Nous devons donc élaborer une alternative globale et cohérente au capitalisme, qui donne une perspective au-delà des résistances.

    Un programme de transition

    Entre les résistances immédiates et le projet de société communiste, un parti révolutionnaire doit particulièrement mettre en avant un programme révolutionnaire abordant la « transition », et montrant résolument sa nécessité. Il s’agit selon nous de l’héritage de la 4e internationale, basée notamment sur l’expérience révolutionnaire de Lénine et Trotsky.

    En ce sens, notre programme a pour but de créer des ponts entre des revendications telles que le partage du travail, l’échelle des salaires, des propositions sur l’impérialisme, la démocratie, l’écologie, les oppressions spécifiques, le racisme, la police, les fonctionnaires, etc. et l’incompatibilité de ces revendications avec le système capitaliste et donc la nécessité de la rupture avec celui-ci pour construire une société socialiste. Dans le chemin qui, à partir de ces revendications, mène à la nécessité de la rupture avec le système capitaliste, la classe des exploité-e-s devient une classe pour soi, c’est-à-dire qu’avec les mobilisations et l’auto-activité des travailleurs/ses, les exploité-e-s prennent conscience de la force qu’ils et elles représentent, et que la prise du pouvoir par la classe exploité-e est une nécessité pour appliquer un tel programme.

    Ce programme est un chantier gigantesque et nous n’avons pas la place ici d’en développer les jalons déjà formalisés, mais cela doit être un des rôles du parti de l’élaborer collectivement pour être en phase avec la situation politique, le rapport dans la lutte de classe, la conscience de classe.

    La prise du pouvoir

    Le parti doit aussi servir à la prise du pouvoir par la classe ouvrière. Nous revendiquons la nécessité d’avoir un gouvernement des travailleurs/ses centralisé, contre une classe dirigeante très organisée et centralisée elle aussi. Pour cela il faut une organisation centralisée, un parti (ou un front de partis). Mais ce centralisme nécessite un contrôle démocratique inlassable.

    Pour les marxistes, le capitalisme (même la démocratie bourgeoise), c'est la dictature de la classe dirigeante. Cela se manifeste particulièrement dans les lendemains d'échecs révolutionnaires (Semaine sanglante après la Commune de Paris, franquisme après la guerre civile espagnole…), et par conséquent la classe ouvrière ne doit pas laisser passer une occasion de renverser l’État capitaliste, pour créer son propre pouvoir. C’est ce que Marx appelait la « dictature du prolétariat ».

    Ce terme de dictature du prolétariat peut-être mal compris de nos jours. Marx l’emploie dans le sens d’un pouvoir d’exception délégué pour un temps limité, et non pas un pouvoir arbitraire illimité. Il donnait en exemple l’organisation de la Commune de Paris, dans laquelle les exploité-e-s de Paris avaient bien plus de pouvoir réel que dans n’importe quelle démocratie représentative classique. Pour Lénine également il était clair que la dictature du prolétariat devait être, pour la majorité ouvrière et paysanne, une démocratie non pas restreinte mais étendue. Et à l’origine les « soviets » (conseils) étaient effectivement des organes dans lesquels les exploité-e-s avaient une prise bien plus directe sur leurs délégué-e-s.

    Les partis révolutionnaires doivent contribuer à la mise en place d’une telle démocratie, mais rester distincts du nouvel Etat. L’expérience russe montre l’importance de maintenir le pluralisme de partis, même lorsqu’un parti révolutionnaire semble presque hégémonique et confondu avec la révolution.

    Un parti internationaliste

    Les partis communistes révolutionnaires doivent être au service de la classe ouvrière, doivent servir à développer la conscience de classe, et œuvrer pour la révolution. Pour cela, et puisque les intérêts de la classe des exploité-e-s ne sont pas nationaux mais bien internationaux, ces partis révolutionnaires que nous souhaitons construire doivent s’organiser aussi de façon internationale. Nous avons vu que Marx a été très impliqué dans la première internationale (l’AIT), et que les idées marxistes ont inspiré les Deuxième et Troisième internationales. Sur la base de leurs expériences et de leurs échecs (réformisme, stalinisme…), nous revendiquons de l’héritage de la 4e internationale de Trotsky, et nous pensons qu’il est très important de s’organiser au sein d’une telle internationale.

    De telles structures doivent servir à l’analyse plus globale de la situation des rapports de forces, des instabilités, des situations où il est possible de peser pour mener à la révolution et tout faire ensuite pour son extension internationale, condition sine qua non d’une révolution victorieuse. La solidarité pratique internationale passe aussi par de telles structures, en effet, ces structures permettent de lancer des campagnes internationales sur telle ou telle situation que les sections reprennent dans les pays ou régions respectives.

    Un parti à l’image d’une société qu’on veut construire

    Le parti que nous cherchons à construire doit aussi être un lieu à l’image de notre projet de société. Bien sûr, ce parti existe dans un monde capitaliste, il est donc traversé par l’idéologie dominante capitaliste : nous sommes traversé-e-s par le racisme, le sexisme, la sur-consommation, les LGBT-phobies, l’agisme, et plein d’autres oppressions. Nous sommes aussi tenté-e-s, le cas échéant, par le fait d’occuper des places où on est reconnu-e, des places de prestige, voire des places de pouvoir en fonction de la puissance du parti (ce qui est le début de la bureaucratie).

    Il est donc nécessaire que dans notre parti, il existe des structures et des méthodes pour y faire face : tours de paroles (minutés), doubles, voire triples listes, commissions de médiation, cadres de non-mixité, etc. Le parti doit être une structure inclusive laissant toute la place à l’initiative de chacun et chacune. Il doit aussi être une structure qui permet l’expérimentation de nouvelles formes de militantisme (le bilan des expériences étant toujours un bon moyen d’avancer dans notre combat).

    Il doit aussi avoir un rapport très particulier avec la jeunesse. En particulier avec un secteur jeune autonome (du moins en parti) permettant de favoriser l’émergence de cadres dans la jeunesse, pour mettre en valeur sa capacité de radicalité et d’activité.4

    Il faut aussi que le parti soit le plus possible organisé en secteur d’intervention, car c’est sur nos lieux de travail que nous récupérerons le pouvoir économique, et ces discussions, l’organisation concrète de notre activité dans la lutte de classe doivent être au centre de notre activité.

    La structure du parti doit être la plus démocratique possible, les différentes structures doivent mandater de façon révocable les représentant-e-s, dans le service d’ordre, dans les instances de direction, etc. La démocratie (réelle) s’apprend, et le parti permet de faire des expériences concrètes, et de fonctionner le plus en phase possible avec notre projet révolutionnaire. Le parti doit être au service des militant-e-s (et non le contraire comme les partis sont trop souvent).


    1 Nous pensons, mais ce n’est pas le lieu d’en discuter ici, que pour changer le monde, alors il faut en changer les bases fondamentales à savoir le système économique capitaliste.

    2 Voir notre article sur le positionnement des communistes révolutionnaires par rapport aux syndicats.

    3 Comme par exemple dans la Charte d’Amiens, où il est question de «la disparition du salariat et du patronat».

    4 Voir nos élaborations sur la jeunesse.

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