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Plan d’urgence 93 : vers une radicalisation du mouvement ?

Par Tristan Daul (24 mars 2024)
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La semaine passée a été marquée par deux « temps forts » : la manifestation dynamique mardi 19, avec un cortège éducation nationale en tête de la fonction publique qui a regroupé 5000 personnes, et la manifestation de jeudi en direction de Matignon, qui a regroupé près de 3000 personnes. Trois assemblées générales se sont tenues. Mardi, une AG « île-de-France » a regroupé des établissements en lutte de plusieurs départements (particulièrement du 94 mais aussi du 95, du 75 et, dans une moindre mesure, du 92). Jeudi, deux AG se sont suivies : celle du 93 puis celle de « l’île-de-France ». C’est un sentiment contradictoire qui s’est exprimé dans ces différents événements : celui d’une radicalité adossée à une volonté réelle de faire plier le duo Attal-Belloubet, mêlé à la constatation d’une baisse de régime dans la disponibilité à la lutte. Est-il possible de dépasser cette situation pour mener un conflit ouvert qui entraîne largement les collègues, au niveau national et pas seulement local ?

Garder la spécificité de la lutte du 93 tout en mobilisant autour

Depuis quasiment le début du mouvement, la tension principale qui s’exprime à la base dans les AG est celle de « l’élargissement ». Il faudrait « élargir », c’est-à-dire faire en sorte que d’autres forces se joignent au 93, pour pouvoir gagner sur nos revendications. L’intersyndicale 93 présente la situation différemment : elle déclare, dans les grandes lignes, que « nous n’avons pas à dire aux autres quoi faire » et que, si d’autres départements veulent entrer en mouvement, ils peuvent se saisir de la méthode « plan d’urgence 93 », à savoir chiffrer les besoins, préparer en amont la mobilisation puis entraîner largement les collègues sur ces bases justes et précises. Ces deux tendances incarnent deux conceptions différentes de la lutte sociale : l’entrée dans un conflit majeur censé permettre une victoire générale grâce à un rapport de force élevé d’un côté, le centrage sur une échelle plus locale, plus facilement encadré, censé assurer la possibilité de satisfaire les revendications, voire une partie de celles-ci, de l’autre. Le premier cas parie sur la contrainte, sur la victoire par KO (le/la ministère céderait face à un rapport de force qui le/la dépasse) alors que le second parie sur une puissante mobilisation qui permette d’entrer en négociations. Or, lorsque le ministère refuse, comme c’est le cas actuellement dans le 93, d’ouvrir des négociations, la seconde option perd peu à peu sa substance. Si l’intersyndicale n’a pas les moyens de négocier, elle n’a plus non plus les moyens réels d’entraîner largement derrière elle celles et ceux qui ne sont pas encore rentré·e·s dans la lutte, pas plus que de garder la confiance nécessaire des mobilisé·e·s de la première heure. Si la mise en mouvement repose sur la possibilité d’obtenir satisfaction à travers des négociations et que celles-ci sont empêchées, alors la mise en mouvement décline. Inversement, c’est cette configuration qui permet d’insister sur la nécessité de l’élargissement : dans la mesure ou le mouvement connaît une baisse de régime, il est d’autant plus urgent que d’autres collègues joignent leur forces, pour pallier au déficit, voire pour redynamiser. Or c’est là où le bât blesse : quelle configuration est-elle capable d’entraîner largement des collègues dans une confrontation globale contre la politique de destruction de l’école publique ?

État des rapports de forces entre intersyndicale, syndicats locaux et assemblées générales

La dernière Assemblée générale du 93 a montré plusieurs choses : d’abord, les effectifs se réduisent, presque de moitié. Ensuite, le défaitisme commence à imprégner les débats avec une tendance au remplacement du combat d’ampleur par une multiplication d’actions disons de harcèlement (renoncer à la grève reconductible et organiser des « coups » symboliques qui s’appuient sur les « journées d’action »), et une tendance inverse qui mêle multiplication de ces mêmes actions et volonté de maintenir une grève reconductible combative, qui peine cependant à trouver un écho réel. Dernier aspect : les éléments les plus radicaux de l’AG réussissent à faire passer leur orientation, sans pour autant être capable de la mettre en application dans la pratique.

Ce cas de figure se retrouve amplifié dans l’AG Île-de-France qui, de fait, est d’abord une structure qui rassemble essentiellement des militant·e·s « d’avant-garde » et ne s’appuie pas réellement sur des AG départementales qui permettraient d’assurer une légitimité totale à ce regroupement. Dès lors, l’AG IDF n’est pas réellement reconnue pour ce qu’elle aimerait être (la preuve que beaucoup d’établissements sont prêts à entrer dans la lutte) et, plutôt que de révéler que c’est l’intersyndicale du 93 qui cloisonne les luttes, révèle la faiblesse des appareils militants qui essayent d’entraîner derrière eux des forces significatives capables d’arracher la direction du mouvement à l’intersyndicale.

Or, l’un des angles morts de l’ensemble de ces cas de figure est celui de la responsabilité des directions syndicales nationales dans l’isolement de la lutte du 93. S’il est vrai, comme le déclarait une dirigeante de l’intersyndicale 93, que notre lutte est regardée attentivement en dehors du département, il est aussi vrai que pas grand-chose n’en découle. En dehors du 94, qui comporte des bastions historiques à Ivry et Vitry ou dans le 44, où une mobilisation significative semble se développer, tout repose sur les initiatives locales et sur la disponibilité des quelques-un·e·s. Alors que c’est précisément l’inverse que montre le mouvement pour un Plan d’urgence 93 : une intersyndicale préparée est capable de gagner la confiance des collègues et de les entraîner largement avec elle dans une lutte d’ampleur, sur plusieurs semaines. Lorsque celle-ci est contrôlée sur sa gauche par les AG, comme c’est le cas depuis le 26 février, alors sa puissance d’agir est décuplée. Cependant, dans la mesure où la perspective de la satisfaction des revendications passe par l’ouverture de négociations avec le ministère, l’impasse s’impose dès que ce dernier garde la porte fermée. C’est à ce moment que l’AG réduite dans sa majorité à sa frange la plus radicale est capable de déborder l’intersyndicale pour pouvoir imposer son orientation, mais cela ne représente pas vraiment un changement de cap car l’AG est de fait amputée d’une grande partie des collègues mobilisé·e·s et auto-organisé·e·s dans les AG locales.

Les relations entre bases et directions : l’éternel tabou des débats d’assemblées générales

L’assemblée générale de jeudi 21 mars à adopté plusieurs motions affirmant une combativité certaine (dont quasiment aucune ne figure dans le communiqué intersyndical) : l’interpellation des directions syndicales nationales pour organiser la confrontation avec le gouvernement contre le « choc des savoirs » en particulier, la dénonciation des violences policières suite à la mort de Wanys à La Courneuve, percuté volontairement par un véhicule de police, la dénonciation de la loi islamophobe de 2004 et son continuum incarné par l’interdiction des abbayas et des kamis en début d’année, l’élection et la révocation de la tribune, ainsi qu’une multitude d’actions successives (grève militante mardi 26 pour construire la mobilisation du vendredi 30, manifestations le dimanche avec les parents, nuit des écoles…).

Si on peut se féliciter de toutes ces avancées, il faut cependant les replacer dans leur contexte réel : la pression qui s’exerce pour plus de radicalité n’est pas encore structurée pour pouvoir diriger le mouvement. Malgré une forme d’essoufflement, c’est toujours l’intersyndicale qui garde la confiance des collègues et qui est capable d’entraîner derrière elle. L’appel à la radicalisation n’est pas nécessairement le signe d’une victoire idéologique sur le fond, et ne veut pas dire qu’une direction alternative soit en train d’émerger. Cela semble plutôt montrer que l’avant-garde large, certes combative, n’a pour l’instant pas les moyens réels de mener le combat local pour un plan d’urgence 93 et encore moins la lutte à l’échelle nationale contre les politiques de destruction de l’éducation. Pourtant, c’est là que réside la possibilité de la création d’un rapport de force conséquent.

En effet, la question n’est pas de déborder l’intersyndicale par principe. Au contraire, l’enjeu est de l’amener à porter les revendications des collègues regroupé·e·s dans les AG et de mettre en application les décisions, au même titre que celles-ci doivent être appliquées par les collègues mobilisé·e·s. Réaliser cet aller-retour permet de montrer une unité qui n’est pas de façade mais de pratique. C’est en ce sens que l’élection d’une tribune indépendante, révocable, est un pas en avant dans l’auto-organisation, à condition qu’elle soit inclusive pour les organisations syndicales. Cela doit permettre que l’orientation des AG soit portée dans les faits et dans la lutte. Ce modèle est justement exportable, partout : chaque département peut faire de même. Les grévistes doivent interpeller leurs organisations syndicales pour qu’elles leur donnent les moyens de gagner : mise à dispositions des forces du syndicat (impression, matériel, savoir-faire en manifestation, accès aux médias voire accès au ministère…), mise en place d’une caisse de grève nationale, financée par les organisations syndicales et les particuliers solidaires de lutte, force de frappe dans la grève et la manifestation. De leur côté les grévistes apporteront leur radicalité dans la lutte et leur disponibilité au combat. Au-delà des AG locales, il est absolument nécessaire d’interpeller directement celles et ceux qui ont la possibilité de démarrer un conflit d’ampleur contre Belloubet/Attal : les directions syndicales nationales, en particulier du second degré, capables de mettre les collègues en ordre de bataille contre le « choc des savoirs » et le tri social. Ces directions portent une responsabilité directe dans l’isolement dont souffre le 93. L’une des clés est ici : face à un gouvernement particulièrement offensif, nous devons être en mesure d’apporter une opposition à la hauteur. Cela ne peut passer que par l’engagement de dizaines de milliers de collègues dans la lutte, par la grève et la manifestation, et donc par la mise en mouvement de tous les syndicats de l’éducation.

- Pour remporter un Plan d’urgence, le 93 ne peut pas rester isolé : toutes et tous dans la lutte jusqu’à satisfaction des revendications !

- Contre le « choc des savoirs », le tri social et la destruction de l’éducation nationale, les directions syndicales doivent engager un combat d’ampleur et appeler à la construction d’une grève dure, offensive et déterminée.

- Pour le contrôle démocratique de la lutte par les AG, d’établissement, de ville et de départements : seule la démocratie peut garantir le respect des revendications des collègues

- Pour l’unité des collègues dans la lutte, sans différence entre leurs organisations (ou non) et pour l’unité syndicale.

- Pour la mise en commun des moyens pour une grève reconductible puissante, capable de faire plier Belloubet, Attal et Macron.

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