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Il y a bien un « retournement économique »… mais dans le sens d’une dégradation de la situation économique

Par Gaston Lefranc (20 mai 2014)
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Tous les signaux économiques sont à nouveau dans le rouge

Quelques jours après les nouvelles prophéties de Hollande – « le retournement économique arrive » –, l’INSEE lui apporte un démenti cinglant[1]. Les chiffres du 1er trimestre 2014 sont mauvais, en deçà des estimations précédentes. La croissance est nulle, mais ce chiffre peu flatteur cache une réalité encore plus noire. La très forte augmentation des stocks gonfle le niveau de l’activité et manifeste une difficulté à écouler la production. La consommation des ménages chute de 0,5%, l’investissement des entreprises chute à nouveau (–0,5%), le secteur de la construction est en berne. Alors que l’activité est plus soutenue à l’étranger, les exportations croissent moins vite que les importations, ce qui manifeste une dégradation de la compétitivité des entreprises françaises. Après une légère croissance fin 2013, l’emploi marchand régresse (-23 600) au 1er trimestre 2014, à la fois dans l’industrie et le tertiaire[2].

Alors que l’INSEE prévoyait en mars une faiblesse croissance de 0,3% au 2ème trimestre, tout porte à croire que ce chiffre ne sera pas atteint. La très forte augmentation des stocks aura certainement pour contrepartie un déstockage lors des prochains trimestres, ce qui contribuera à ralentir encore l’activité. Même l'OCDE[3] ne prévoit aujourd'hui aucune baisse du chômage avant fin 2015. Et la Commission de Bruxelles[4] vient d'humilier Hollande en disant que son objectif de réduire le déficit public à 3% du PIB en 2015 était bidon : si Hollande veut respecter son objectif, il devra encore amplifier la cure d'austérité pour les travailleurs...

La croissance dans la zone euro reste très faible, mais supérieure à celle de la France : 0,2% au 1er trimestre. L’Allemagne tire son épingle du jeu avec une croissance de 0,8%, de même que le Royaume Uni, pendant que l’Italie (–0,1%) et le Portugal (–0,7%) retombe en récession, et que les Pays-Bas y entrent (–1,4%).

L’économie états-unienne ralentit soudainement : croissance nulle au 1er trimestre, après plusieurs trimestres de reprise économique permise par une hausse du taux de profit. A l’inverse, la croissance au Japon a été très forte (1,5%), mais cela s’explique en grande partie par des achats anticipés des ménages avant la hausse de la TVA de 3 points qui prendra effet le 1er avril. Le PIB devrait par contrecoup décroître au 2ème trimestre. L’économie chinoise ralentit (avec un rythme de croissance annuelle désormais autour de 7%) ; les investissements en capital fixe ont crû à leur rythme le plus bas depuis 12 ans ces quatre derniers mois. En Inde, la croissance a chuté à 4,8% en 2013 contre 9,5% en 2011. La victoire des nationalistes hindous aux élections s’accompagnera sans doute d’une amplification des politiques d’austérité, notamment une contre-réforme du marché du travail et des coupes drastiques dans les dépenses publiques pour réduire le déficit budgétaire (7% du PIB). La bourse de Bombay a en tout cas salué l’arrivée au pouvoir du nouveau premier ministre, Narendra Modi.

Six ans après le déclenchement de la crise, les principaux pays impérialistes ne sont toujours pas sortis de la crise la plus importante depuis les années 1930. Pour une raison simple : malgré les plans d’austérité, la rentabilité du capital n’a pas été suffisamment restaurée pour faire repartir l’accumulation. Les États sont intervenus massivement pour secourir les capitalistes et éviter les grosses faillites, évitant l’effondrement économique, mais avec pour contrepartie d’empêcher une purge importante du capital excédentaire qui permettrait un redémarrage économique.

Depuis début 2012, le cours des actions du CAC 40 a grimpé de 50%, alors que le taux de profit continue à baisser. C’est la manifestation d’une nouvelle bulle financière qui finira par éclater, comme celle de 2007, avec des conséquences négatives sur l’économie réelle. C’est pourquoi le discours sur le « retournement économique » de Hollande est grotesque. Deux ans de mandat, deux ans de mensonge.

Le déclin du capitalisme industriel français

La vente-démantelement d'Alstom n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Ces dernières années, de grands groupes industriels français ont été rachetés par des groupes étrangers : Péchiney par Alcan, Arcelor par Mittal, etc. Pour la première fois de son histoire, les entreprises qui composent le CAC 40 sont désormais contrôlées majoritairement par des investisseurs étrangers (41% en 2010).

Si on définit la désindustrialisation comme le déclin de la part de l'emploi industriel dans l'emploi total, celle-ci est en marche depuis le milieu des années 1970, avec une accélération depuis 15ans. L'industrie manufacturière (hors construction et énergie) représentait 24% des emplois en 1974, 15% en 2000, et à peine plus de 10% aujourd'hui. Ce déclin global cache des réalités diverses : si des secteurs comme l’agroalimentaire et l'aéronautique se maintiennent, la métallurgie, l'automobile, l'électronique chutent, et le textile s'effondre.

Cette baisse s'explique en partie par les gains de productivité plus importants dans l'industrie que dans le tertiaire, et par la modification de la structure de la demande au profit des services. Sur longue période, c’est un facteur majeur, mais qui n’explique pas le décrochage de l’industrie française en particulier. Celui-ci s'explique par une perte de compétitivité de l'industrie française par rapport à ses concurrentes. Le solde du commerce extérieur pour l'industrie est passé de +10 milliards en 2000 à -28 milliards en 2010. La part des exportations de biens de la France par rapport à celles de la zone euro est passée de 16% en 2000 à 12,5% aujourd'hui.

Les raisons de la désindustrialisation accélérée de la France

Première raison à cette perte de compétitivité : la baisse du taux de marge (c'est-à-dire de la part des profits dans la valeur ajoutée) dans l'industrie de 10 points au cours des années 2000, alors que celui-ci a plutôt augmenté ailleurs, notamment en Allemagne, « grâce » aux contre-réformes de Schröder.

Deuxième raison : la hausse de la « composition organique du capital », mesurée ici par la valeur ajoutée de plus en plus faible dégagée pour un montant donné de capital fixe investi. Le ratio valeur ajoutée sur capital fixe baisse fortement depuis la fin des années 1990.

Ces deux effets cumulés font baisser fortement le taux de profit entre 2000 et 2008. La chute s’accélère lors du déclenchement de la crise, et il reste aujourd’hui à un niveau très bas.

Taux de profit = (taux de marge) × (composition organique du capital)

C’est la faible rentabilité du capital et le différentiel croissant de rentabilité avec les concurrents qui explique la faiblesse des investissements et l'amplification de la désindustrialisation. Contrairement à un mythe véhiculé par les antilibéraux, l'investissement a augmenté plus vite que les profits au cours des années 2000. On ne peut donc pas imputer la faible croissance à un changement de comportement des capitalistes (qui auraient collectivement décidé de ne plus investir leurs profits), mais bien à la faiblesse de la rentabilité du capital. D'où les politiques d'austérité pour tenter de faire repartir l'accumulation du capital en redressant les taux de marge.

D’autres facteurs ont contribué à amplifier la désindustrialisation :

  • la mise en place de l'euro. La monnaie unique fait exploser les excédents commerciaux des pays les plus compétitifs (Allemagne) et gonflent les déficits des autres (dont la France), qui ne peuvent plus ajuster le cours de leur monnaie. Faute de fédéralisme budgétaire, les pays les plus fragiles ont accumulé les déficits faute d'avoir baissé les salaires avant la crise. La déflation salariale dans l'Europe du Sud est le produit de la crise du capitalisme, accentuée par le cadre de l'Union monétaire.
  • les privatisations et la fin de toute politique industrielle[5], qui ont affaibli les grands groupes industriels français. Alstom en est un bon exemple, car il est issu de la privatisation, puis du découpage de l'ancienne Compagnie générale d'électricité. Or, la loi de la concurrence capitaliste impose le rachat et le dépeçage des proies les plus faibles.

Beaucoup ont contesté ou relativisé l’ampleur de la désindustrialisation, en interprétant le haut niveau d'investissements directs étrangers (IDE) comme un signe d'attractivité de la France. D'une part, les IDE mettent sur le même plan les « vrais » investissement (ceux qui augmentent les capacités de production) et les simples rachats ou opérations comptables entre filiales d'un même groupe. D'autre part, les IDE peuvent augmenter parce que les boîtes françaises coulent et sont rachetées par un groupe étranger plus puissant.

Une seule alternative : la rupture avec le capitalisme !

Les politiques keynésiennes de relance de la consommation par la hausse des salaires ne feraient qu’accélérer la désindustrialisation en faisant plonger encore davantage le taux de profit. A court terme, la demande supplémentaire serait satisfaite par les importations, ce qui aggraverait le déficit commercial. A moyen terme, ces politiques ne pourraient déboucher que sur une austérité accrue, une réduction du niveau de vie induite par le désinvestissement des entreprises.

Contre la multiplication des fermetures de sites industriels, il n’y a pas de politique économique magique dans le cadre du capitalisme. Une solution s'impose dans l'intérêt des travailleurs : l'expropriation sans indemnité ni rachat des actionnaires, la nationalisation à 100%, et le contrôle des travailleurs sur toutes les décisions. Il faut se dégager de la logique capitaliste pour garantir le maintien des emplois.


[1] Cf. http://www.insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=26&date=20140515

[2] Cf. http://insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=18&date=20140516

[3] Cf. http://www.oecd.org/fr/eco/perspectives/france-projections-economiques.htm

[4] Cf. http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0203478349068-deficit-bruxelles-ne-croit-pas-a-un-retour-a-3-en-france-en-2015-668705.php

[5] Montebourg se veut « volontariste » et promoteur d’une nouvelle politique industrielle. C’est le sens de son décret qui soumet un certain nombre d’investissements étrangers en France à l’autorisation du gouvernement. Il reste à voir quelle application sera faite de ce décret… 

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