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États-Unis : Mariage pour touTEs et égalité des droits, où en est-on ?

Par Juno Smith (31 août 2014)
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1) Pour une mise en situation

Au 1er janvier 2014, 16 états (le Massachusetts, le  Connecticut, l'Iowa, le New Hampshire, le Maine, le Vermont, l'état de New York, l'état de Washington, le Maryland, le Rhode Island, le Delaware, le Minnesota, la Californie, le New Jersey, Hawaï, l'Illinois, le Nouveau-Mexique et le district fédéral de Washington d.c, capitale des États-Unis) autorisaient le mariage entre personnes du même sexe, tandis que 27 autres l'interdisaient dans leur constitution, s'appuyant sur le « Defense of Mariage Act ». Cette loi est une loi fédérale, adoptée en 1996 et définissant le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme et a été partiellement invalidée le 26 juin 2013 par la Cour Suprême des États-Unis[1]. Il aura fallu près de 10 ans pour voir adopter le mariage pour touTEs dans ces 17 états, depuis le vote fondateur du Massachusetts jusqu'à celui du Nouveau-Mexique, avec des interruptions comme en Californie de 2008 à 2013 ou dans le Maine de 2009 à 2012.

Aujourd'hui, de nouvelles décisions de justice, suite à des procédures engagées par des organisations LGBTI locales comme fédérales à l'image d'HRC (Human Rights Campaign) ont remis cette question sur le devant de la scène. Après avoir patiné, la mobilisation pour l'égalité des droits retrouve un second souffle, une nouvelle visibilité. Elle est passée par exemple par le coming-out de personnalités, comme Ellen Page, actrice connue pour ses rôles dans Juno, Inception, et X-Men, le 14 février lors de la conférence « Time to thrive » organisée par HRC[2], celui de Michael Sam qui va devenir le premier joueur de football américain professionnel ouvertement homosexuel après son recrutement pour la prochaine saison par les Saint-Louis Rams[3], celui de Derrick Gordon (premier basketteur  du championnat universitaire NCAA), précédés l'année précédente par ceux des actrices Maria Bello et Jodie Foster, de Jason Collins (basketteur des New Jersey Nets, et premier sportif ouvertement gay à évoluer dans un des 4 sports professionnels majeurs)…

2) Un combat avant tout juridique

Pour commencer, il nous faut faire un détour rapide pour expliquer les spécificités du système judiciaire américain, son fonctionnement, sa structuration, ses jurisprudences…

L'instance de base dans chaque état est le comté, une division territoriale englobant une ou plusieurs municipales. C'est la plus répandue (elle se nomme paroisse en Louisiane, arrondissement en Alaska), même s'il existe des cas spécifiques : les cinq arrondissements de la ville de New York, les villes indépendantes, les zones de recensements et autres territoires non organisés (c'est à dire sans gouvernement local) surtout situées en Alaska… Dans chaque comté se trouvent un tribunal local où les magistrats sont des fonctionnaires civils possédant une compétence judiciaire déléguée en vertu du droit local en vigueur. Au dessus, dans chaque état, se trouve au moins un tribunal fédéral, jugeant tout ce qui relève des lois fédérales, et leurs adéquations avec les décisions locales. Le niveau supérieur est les cours d'appel fédérales, au nombre de 13 (appelées circuits), chacune regroupant plusieurs états. Elles connaissent chaque décision judiciaire prise en amont par les cours de district dépendant de leurs juridictions, et peuvent infirmer ou confirmer en appel celles-ci. Enfin tout au sommet de la hiérarchie, indépendante de l’exécutif se trouve la Cour Suprême des États-Unis, où siègent 9 magistrats nommés à vie par le Président après approbation par le Sénat. C'est elle qui définit la validité des lois et des actes administratifs, aussi bien au niveau fédéral qu'au niveau de chaque état, en fonction de la Constitution.

Ceux ci interprètent à chaque affaire qui leur est portée la Constitution et ses amendements, et le jugement qui est rendu peut être cassé plus tard, suivant le mouvement général de la société. Par exemple, « l'égale protection des lois » (présente dans le 5e amendement au niveau fédéral et dans le 14e au niveau des états) a pu servir d'abord à justifier la ségrégation raciale et son « séparés mais égaux » (Arrêt Plessy vs Ferguson, 1896) qui aura été cassé à partir de 1954 (Arrêt Brown vs Board of Education of Topeka) imposant la déségrégation dans l'éducation. Elle a servi en 1967 à bannir l'interdiction des mariages dits interraciaux (Arrêt Loving vs Virginia), tout comme en 1973 (Arrêt Roe vs Wade) à empêcher les entraves légales au droit à l'avortement…

C'est donc en invoquant ce fameux 14e amendement que les militantEs LGBTI attaquent en justice les constitutions des différents états pour discriminations.

Une nouvelle victoire a été remportée le 21 août 2014 en Floride[4] après la décision du juge fédéral de déclarer anticonstitutionnel l'amendement adopté par l'état visant à interdire le mariage homosexuel. Dans cet état, les mêmes jugements avaient déjà été rendus au niveau de quatre comtés, entre le 17 juillet et le 4  août 2014 : Monroe, Miami-Dade, Broward, et Palm Beach; ce qui a très probablement servi à faire pression sur le tribunal fédéral.

C'est la 21e décision de justice favorable au mariage pour touTEs depuis la décision historique de la Cour Suprême censurant partiellement la loi sur la défense du mariage vue plus haut.

La veille, le 20 août, les juges de l'Indiana déclaraient anticonstitutionnel la volonté de l'état de ne pas reconnaître les mariages entre personnes de même sexe qui auraient été promulgués dans d'autres états. Cela fait suite à un premier jugement le 25 juin qui autorisait les homosexuelLEs à se marier au sein de l'Indiana. Suite à l'intervention du gouverneur de l'état, la question passe donc au niveau de la cour d'appel du 7e circuit (recoupant le Wisconsin, le Minnesota, l'Illinois et l'Indiana) à partir du 26 août.

Depuis le début de l'année, ces restrictions ont été cassées dans l'Oregon (le 20 mai), en Pennsylvanie (le 21 mai), autorisant ainsi ce type d'unions ; mais aussi dans l'Oklahoma, la Virginie, le Texas, l'Utah, l'Idaho, le Tennessee, le Colorado, l'Arkansas, le Wisconsin, le Kentucky, et le Michigan ; entraînant là aussi des appels vers l'échelon supérieur et suspendant ainsi temporairement la délivrance des papiers nécessaires au mariage pour les couples.

Au niveau des décisions des cours d'appel, on peut noter que dans trois cas jugés, celles-ci ont donné raison aux organisations LGBTI (Virginie, Utah, Oklahoma) et en appellent à l'intervention de la Cour Suprême. Les auditions en appel pour les cas des autres états s'échelonnent au fur et à mesure le long d'un calendrier qui a débuté le 6 août et qui se poursuivra jusqu'en septembre. Le 6e circuit est la seule cour d'appel fédérale dont le jugement s'appliquera à tous les états de sa juridiction, à savoir le Tennessee, le Kentucky, l'Ohio, et le Michigan. Il y a donc en tout 70 procédures judiciaires, dans 30 des 31 états qui interdisent les mariages homosexuels.

Il est ainsi plus que vraisemblable que d'autres décisions favorables aux LGBTI d'Amérique soient prises dans les prochaines semaines, tant au niveau des états que des cours d'appel fédérales, et au final devant la Cour Suprême ; tant le mouvement semble irréversible, soutenu par la majorité de la population[5], et au vu de la jurisprudence américaine qui fait que la loi, l'interprétation de la Constitution finit par suivre le fait, par s'adapter aux évolutions de la société…

3) D'autres avancées… et la colère des réactionnaires

De la même manière, la nouvelle visibilité des LGBTI a poussé les politiques à adopter de nouvelles lois, de nouvelles dispositions pour les LGBTI, sous la pression de ceux-ci. Ainsi, le 26 juillet, Barack Obama a fini par signer une loi interdisant les discriminations au travail sous des prétextes d'orientation sexuelle ou d'identité de genre.

Le même type d'actions a été engagée au niveau des collectivités locales et des municipalités. Ainsi ce sont aujourd'hui plus de 200 villes et comtés qui ont signé des ordonnances pour lutter contre ces oppressions[6], que ce soit dans les villes réputées les plus progressistes comme Denver, Minneapolis, San Francisco, Seattle ou New York ; mais également des cités au sein de régions bien plus conservatrices comme Coeur d'Alène et Boise dans l'Idaho ou Salt Lake City dans l'Utah, en plein pays mormon.

Malheureusement, les homophobes aussi se mobilisent, essayant de s'appuyer ici sur les moyens et la logistique des églises protestantes, souvent proches de la Convention Baptiste du Sud, hégémonique dans la « Bible Belt », la « Ceinture de la Bible », berceau et principale zone d'influence de la droite républicaine ultraconservatrice… Malgré cela, lors de leur Marche pour le Mariage à Washington le 19 juin, ils n'étaient que 2000[7]… avec la présence de Ludovine de La Rochère, présidente de La Manif Pour  Tous, jamais absente quand il s'agit d'un rassemblement homophobe… Sans oublier la sinistre Westboro Baptist Church, petite secte intégriste protestante très active voire activiste ; et dont le slogan le plus connu est « God hates fags » (Dieu déteste les tapettes), connue pour ses perturbations d'enterrements de soldats[8] ou de victimes de crimes de masse comme à Sandy Hook, expliquant que ces morts sont « une vengeance divine pour punir les USA de faire la promotion de l'homosexualité  »… Cela dit, chacune de leurs apparitions publiques se solde fréquemment par des contre-manifestations de protestation, comme ce 16 février 2014 où une marée humaine a fait une grande chaîne en soutien à Michael Sam pour son retour dans son Université du Missouri après son coming-out[9][10].

4) Vers l’unité des tou-te-s les opprimé-e-s et exploité-e-s

Ces dernières années ont aussi été celles d’une certaine conflictualité sociale aux États-Unis. Il y a eu l'élection de Kshama Sawant, candidate pour le parti trotskyste Socialist Alternative à Seattle et le développement de celui-ci dans de nouvelles villes. Il y a également les mouvements des salariés de la restauration rapide pour des augmentations de salaires et le droit de se syndiquer, les grèves chez le géant WalMart, les Moral Mondays en Géorgie et en Caroline du Sud pour la justice sociale et contre les budgets d'austérité, les luttes des fonctionnaires du Wisconsin en 2011, celles des enseignants, pour les droits des immigrés. Des combats plus locaux contre la fracturation hydraulique et les gaz de schistes. Le blocage par les dockers des ports de la côte ouest en solidarité avec Gaza ainsi que les manifestations de masse qui les ont accompagné. Nous n'oublions pas non plus enfin les émeutes en cours à Ferguson dans le Missouri après le meurtre de deux noirs par la police locale ; ni la montée au créneau de centaines d'écrivains américains contre Amazon et son modèle qui cherche à faire davantage de profits sur le dos des auteurs… Espérons que les militant-e-s anticapitalistes états-uniens sauront prendre toute leur place dans ces mobilisations, en proposant un programme révolutionnaire fondé sur la lutte de classe tout en luttant aux côtés de tou-te-s les opprimé-e-s pour leurs droits, leur offrant une autre perspective que le soutien au Parti Démocrate et aux Républicains les plus progressistes.


[1] http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/06/26/etats-unis-la-cour-supreme-donne-raison-aux-defenseurs-du-mariage-homosexuel_3437118_3222.html 

[2] https://www.youtube.com/watch?v=oy5TENjoTOg 

[3] http://www.leparisien.fr/sports/football-americain-michael-sam-premier-joueur-gay-recrute-par-une-equipe-pro-11-05-2014-3831877.php 

[4] http://www.hrc.org/blog/entry/federal-judge-strikes-down-floridas-ban-on-marriage-equality 

[5]     http://americansformarriageequality.org/polling 

[6] http://www.hrc.org/resources/entry/cities-and-counties-with-non-discrimination-ordinances-that-include-gender 

[7] http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/06/19/97001-20140619FILWWW00428-washington-manif-contre-le-mariage-gay.php 

[8] http://www.msnbc.msn.com/id/12071434/ 

[9] http://www.huffingtonpost.com/2014/02/16/westboro-baptist-church-michael-sam_n_4798837.html

[10] https://www.youtube.com/watch?v=bYvPKpU6FXg 

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