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Vers l’Etat policier

Par Blaze (22 février 2016)
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Le fichage est le moyen idéal pour surveiller les personnes et les contrôler : on prend  un individu, on sort sa fiche, et on a devant les yeux tout ce qui le concerne. Il n’y a plus de zones d’ombre, plus d’oubli du passé, plus d’échappatoire, c’est comme si un puissant projecteur était pointé sur une personne nue pour révéler tous les détails de son anatomie. Or, le fichage n’est pas nouveau, ce qui est nouveau, c’est l’extraordinaire puissance de traitement des outils modernes de fichage.

En effet, les progrès conjoints de l’informatique et de la génétique font qu’il suffit de prélever un cheveu à un individu pour avoir accès à sa fiche : c’est le Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG). On se promènerait dans la rue, la police nous contrôlerait pour un motif quelconque, ce simple cheveu lui suffirait pour connaître notre passé pénal, mais pourquoi pas aussi nos fréquentations, nos opinions politiques, nos orientations sexuelles ou notre série télévisée préférée ? Le grand rêve des états totalitaires et des dictatures, le contrôle policier absolu de la population, est enfin à portée de main[1] !

Tout dépend du contenu de la fiche associée à notre empreinte génétique. Souvenons-nous du fichier EDVIGE qui a pour fonction « de centraliser et d'analyser les informations relatives aux individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public », fichier que Sarkozy voulait étendre aux comportements des enfants. Croisons EDVIGE et FNAEG : Quoi, cet enfant préfère rêvasser dans son coin plutôt que de se joindre aux jeux de ses camarades ? Voilà un comportement asocial inquiétant, on le fiche dans EDVIGE et on prend son ADN (inscription dans FNAEG). Vingt ans plus tard, l’adulte (qui était l’enfant solitaire en question) a le malheur d’habiter non loin de la scène d’un crime sexuel : un prélèvement ADN et le voici suspect idéal ! Voilà  ce qui est rendu possible par le fichage ADN.

En attendant, en 2013, étaient inscrites dans le FNAEG plus de 2 millions de personnes. De grands criminels ? Certainement pas, la police est en droit de demander une empreinte ADN à n’importe qui du moment qu’il y a un « soupçon ». Sur les 2 millions en question, 80% n’ont pas été condamnés ensuite par la justice, et n’ont donc rien à se reprocher. Certes, ces 80% d’innocents ont le droit de demander à être effacés du fichier, mais ce n’est pas automatique, il faut en faire la démarche. Par ailleurs, si ceux qui ont été condamnés par la justice demeurent 40 ans au fichier, les données concernant les autres (la grande majorité donc) y restent inscrites 25 ans ! Pendant 25 ans, alors que la justice n’a rien eu à vous reprocher, vous demeurez un suspect potentiel pour la police !!!

Et les « criminels » ? La vérité, c’est qu’on peut être fiché pour n’importe quel délit, sauf pour les délits routiers (mais certains y pensent) et les délits… financiers (curieusement, nos politiques se refusent à envisager cette possibilité). Laissons de côté la petite délinquance (encore qu’on soit en droit de se demander si un ado qui vole un scooter doit ensuite être instantanément identifiable par la police pendant 40 ans) pour nous tourner vers les « délits politiques » (que notre soi-disant démocratie assimile à de la délinquance puisqu’ils relèvent du droit pénal) : Taggage, fauchage de champs OGM, actions syndicales, occupations de locaux pour faire valoir des revendications… : vous serez fichés !

Revenons à EDVIGE : « centraliser et analyser les informations relatives aux personnes physiques ou morales ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif, sous condition que ces informations soient nécessaires au Gouvernement ou à ses représentants pour l'exercice de leurs responsabilités ». Encore une fois, imaginez ce que cela donne avec le FNAEG : vous n’avez pas froid dans le dos ? Vous devriez, car toute contestation de l’ordre social, toute révolte, tout dérapage, devient pour l’Etat un crime qu’il s’empresse d’inscrire sur votre fiche, juste à côté de votre empreinte génétique. Il va falloir marcher droit mesdames et messieurs les citoyens. Mais mérite-t-on encore le nom de citoyen quand l’Etat exerce sur vous une surveillance et un contrôle aussi poussés ?

Mieux encore : la police n’a pas le droit de prélever votre ADN de force, vous êtes en position de refuser. Mais ce refus est lui-même considéré comme un délit, vous passerez devant le tribunal pour cela, et serez condamné. Vous pensez que lorsqu’on a payé sa dette à la justice, on est quitte ? Erreur ! Le refus de prélèvement ADN est un « délit perpétuel » : la police vous redemandera ce prélèvement, vous refuserez et serez encore condamné. Vous serez donc bientôt un multirécidiviste avec un casier judiciaire long comme le bras parce que vous avez refusé de vous prêter à ce que certains nomment une « dérive sécuritaire » quand il vaudrait mieux parler de totalitarisme à peine déguisé.

Fermez vos gueules, rasez les murs, soyez conformes, soyez dociles, et vive le pays des droits de l’homme des riches !!!

En 1994, Paolo Virno écrivait :

"Les États de l'Occident développé se conforment désormais à l'irreprésentabilité politique de la force-travail postfordiste ; ils s'en renforcent même et en tirent une légitimation paradoxale de leur restructuration autoritaire. La crise radicale et irréversible de la représentation donne l'occasion de liquider tout simulacre résiduel de « sphère publique », pour développer outre mesure, comme on l'a dit, les prérogatives de l'Administration au détriment du cadre politico-parlementaire, pour rendre coutumier l'état d'urgence. Les réformes institutionnelles concoctent des règles et des procédures nécessaires pour gouverner une Multitude sur laquelle on ne peut plus appliquer la physionomie tranquillisante du Peuple." http://www.lyber-eclat.net/lyber/virno/virtuosite.html


[1] Les nazis avaient d’ailleurs commencé de le mettre en œuvre en développant l’usage de l’ancêtre de l’informatique, la carte perforée. 

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