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Grève générale à Maoré/Mayotte : à bas le colonialisme, vive la révolution permanente !

Une grève générale avec un contenu anti-colonial

Depuis le 30 mars, les îles de Maoré/Mayotte sont paralysées par une grève générale illimitée à l'appel de l'intersyndicale. Les grévistes multiplient les actions et notamment les blocages routiers, et ils/elles n'hésitent pas à en découdre avec la police. Face à cette situation, l'État français a répondu en déployant tout son arsenal militaire, y compris les hélicoptères et les blindés. Les médias au service de l'état colonial restent quasiment silencieux sur ce mouvement. Malgré cela, de nombreux/ses travailleur-e-s de France métropolitaine se sentent spontanément solidaires de cette lutte. Face à la répression et au black-out, il est important de faire connaître et d'analyser ce mouvement de grève générale.

Les revendications de l'intersyndicale, résumées par la ligne de « l'égalité réelle », sont les suivantes1 :

  • application immédiate et intégrale à Mayotte du Code du Travail de droit commun ;

  • application immédiate à Mayotte des Conventions collectives nationales de branches ;

  • alignement immédiat des pensions minimum au même niveau que la métropole ;

  • reclassement avec reconstitution de carrière reprenant en compte la totalité de l’ancienneté de services des agents concernés par les intégrations dans les fonctions publiques ;

  • révision du taux d’indexation des salaires dans les fonctions publiques ;

  • rétablir l’attractivité de la fonction publique de Mayotte ;

  • alignement au niveau de la métropole de toutes les prestations sociales.

Il ne s'agit pas de simples revendications économiques. Ce qu'elles remettent en cause fondamentalement, c'est la domination coloniale que la France exerce sur Maoré/Mayotte depuis 1841, comme le soulignent les slogans anti-coloniaux que lancent parfois les bloqueurs/ses et les manifestant-e-s. Mais ce contenu anti-colonial est en contradiction avec la ligne des organisations syndicales, ce qui freine le développement du mouvement. L'égalité réelle pour les Mahorais-es passe par le droit à l'autodétermination et par un développement économique indépendant de la puissance coloniale française. Les revendications syndicales, qui évitent ces questions, expriment principalement les préoccupations des salarié-e-s. Par conséquent, le mouvement est constitué principalement de salarié-e-s, et, dans une moindre mesure, de jeunes sans emploi.

Or la population de plus de 15 ans ne compte que 29% de salarié-e-s. Cela s'explique par les structures économiques de la société mahoraise. Un tiers de la population2 pratique l'agriculture vivrière (parfois liée à l'élevage) et un cinquième3 pratique la pêche ; ces deux types d'activité sont organisés principalement sous la forme de petites exploitations paysannes familiales. 19 000 personnes se déclarent au chômage (plus d'un tiers de la population active). Ces structures économiques sont caractéristiques d'une situation coloniale de longue durée qui a empêché le développement des forces productives : on remarquera notamment que l'économie mahoraise exporte très peu, et uniquement des matières premières brutes (ylang-ylang, vanille, etc.).

La présence coloniale à Maoré/Mayotte, enjeu crucial pour l'impérialisme français

Pourtant, les îles de Maoré/Mayotte constituent un avant-poste auquel l'impérialisme français n'est pas près de renoncer. Elles contrôlent une des principales routes maritimes de l'Océan indien. Elles font l'objet une importante présence militaire (un millier de soldats) et permettent d'aménager un port militaire en eaux profondes (projet de longue date, actuellement en suspens). Elles hébergent un centre d'interception des télécommunications (centre d'écoute des Badamiers appartenant au réseau « Frenchelon »). Elles se trouvent à proximité d'importantes ressources gazières et pétrolières sous-marines.

C'est principalement pour préserver son influence dans l'Océan indien que l'État français s'est opposé à la décolonisation de Maoré/Mayotte dans les années 1970. Alors que la population comorienne dans son ensemble se prononçait à une très large majorité (environ 95%) pour l'indépendance, le gouvernement RPR a profité d'un résultat localement favorable pour séparer Maoré/Mayotte du reste de l'archipel des Comores, piétinant ainsi ouvertement le processus d'autodétermination auquel il s'était engagé. Suite à la dislocation de l'empire colonial français, Maoré/Mayotte est ainsi devenu un bastion impérialiste, où les indépendantistes étaient sauvagement réprimé-e-s et expulsé-e-s, pendant que l'État colonial lançait d'innombrables manœuvres de déstabilisation dans l'archipel des Comores. Cette ingérence impérialiste a empêché jusqu'à aujourd'hui l'émergence d'un État comorien stable en mesure de diriger indépendamment le développement économique de l'archipel.

En 1995, un autre gouvernement RPR mettait en place le sinistre « visa Balladur », qui a causé plus de 10 000 morts en mer en exigeant des Comorien-ne-s un visa d'entrée pour se rendre à Maoré/Mayotte. Cette mesure sanguinaire marquait une rupture avec la tradition séculaire de libre circulation dans l'archipel. Elle a été prolongée en 2011 par la départementalisation de Maoré/Mayotte, dont l'objectif est la séparation définitive de l'archipel, malgré la forte intégration économique et culturelle qui est le fruit d'une histoire commune depuis plus de mille ans.

La politique coloniale française à Maoré/Mayotte depuis les années 1970 peut se résumer en deux points : réprimer la population par une forte présence militaire et les descentes de police systématiques, et acheter la paix sociale par les commandes publiques et le recrutement dans la fonction publique. Le but de cette politique est de maintenir à tout prix un bastion de l'impérialisme français dans le canal du Mozambique. Il serait donc illusoire de penser que le gouvernement pourrait permettre à tou-te-s les Mahorais-e-s d'accéder à l'autodétermination et à un développement économique indépendant.

Pour une alliance révolutionnaire des salarié-e-s et des paysan-ne-s

Pour obtenir satisfaction, les grévistes doivent donc se défaire de toute illusion sur l'État colonial qui les exploite et les opprime. Ce ne sera pas facile, parce que dans la société mahoraise, les emplois dépendent très majoritairement du secteur public ou de ses commandes4. Ils/elles ont donc intérêt à s'adresser dès aujourd'hui à la paysannerie constituée des agriculteurs/éleveurs et des pêcheurs, pour constituer un front révolutionnaire anti-colonial. La base programmatique d'un tel front pourrait contenir des mesures comme :

  • redistribution des grandes propriétés foncières

  • collectivisation des entreprises coloniales sous le contrôle du prolétariat et de la paysannerie

  • modernisation de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche sous le contrôle du prolétariat et de la paysannerie

  • suppression du visa Balladur, liberté de circulation et d'installation

  • tenue d'un référendum sur l'indépendance de Maoré/Mayotte

L'émergence d'un programme révolutionnaire ne manquerait pas d'effrayer certain-e-s salarié-e-s membres de la petite bourgeoisie, qui revendiquent une amélioration de leur niveau de vie sans vouloir contester le système colonial. Mais quel que soit le comportement de la petite bourgeoisie, le mouvement serait incontestablement renforcé par l'entrée en lutte de la paysannerie. La responsabilité des travailleur-e-s de France métropolitaine serait de déclencher sans attendre la grève générale, au nom de la solidarité de classe internationale. La situation permettrait aux Mahorais-es d'envisager sous un autre jour l'affrontement avec la police et l'armée coloniales.

Une lutte révolutionnaire anticoloniale des Mahorais-es serait un événement qui ébranlerait toute la région : la Réunion, qui est déjà au bord de la grève générale, entrerait à son tour dans une situation pré-révolutionnaire ; aux Comores, où des élections présidentielles ont désigné ce dimanche 10 avril un nouveau président fantoche, les frères et sœurs des Mahorais-es auraient une occasion historique de secouer le joug impérialiste ; et sur tout l'arc côtier, de Madagascar au Sri Lanka, une vague révolutionnaire pourrait déferler. C'est précisément ce que craignent aujourd'hui les impérialistes, qui veulent plus que tout empêcher le déclenchement d'une réaction en chaîne (la fameuse « théorie des dominos »).

Après bientôt deux semaines de grève générale, une transformation du mouvement est nécessaire pour aller jusqu'à la victoire. Le prolétariat mahorais, numériquement faible, a intérêt à formuler un programme révolutionnaire pour entraîner la paysannerie dans la lutte. Il est grand temps de se consacrer à cette tâche de la plus haute importance.

Grève générale pour l'égalité réelle et le droit à l'auto-détermination !

Contrôle de la production par le prolétariat et la paysannerie  !

Contre le colonialisme, l'impérialisme et le capitalisme : révolution permanente !


1 http://www.linfokwezi.fr/lintersyndicale-explique-ses-revendications/

2 Environ 15 000 ménages.

3 Près de 9 000 ménages.

4 54% de la population en emploi travaille dans les secteurs de l'administration publique, de l'éducation, de la santé et de l'action sociale – ce à quoi il faut ajouter les bâtiments et travaux publics, le secteur de l'énergie publique et une bonne partie du commerce, des transports et des autres activités tertiaires.

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