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La morue et le chômage

économie

Lien publiée le 29 décembre 2014

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://russeurope.hypotheses.org/3195

François Hollande a décide d’aller à Saint-Pierre et Miquelon à la veille des fêtes de Noël. On peut y voir une forme d’hommage aux habitants de cette île, ralliée le 24 décembre 1941 à la France Libre. Dans d’autres circonstances, le geste eut été symbolique. On peut y voir un soudain amour pour la morue, et le "grand métier". Mais on peut aussi y voir la fuite d’un Président qui, refusant d’affronter les réalités économiques, s’enferme dans une illusion électorale pour 2017 à laquelle il est prêt à tout sacrifier. Car, la situation économique a continué de se dégrader au quatrième trimestre 2014.

Une montée importante du chômage.

Cette dégradation se mesure à un symptôme simple, la montée du chômage. Depuis son élection, en mai 2012, donc sur exactement 2 ans et demi, soit la moitié d’un mandat, le chômage a augmenté de 570 000 personnes pour la catégorie « A » des demandeurs d’emplois, et de 700 000 personnes si l’on y ajoute, comme on devrait le faire en toute rigueur, les catégories « B+D ».

Graphique 1

Montée du chômage depuis l’élection de François Hollande

 A - Chom 2

Source : Données de la DARES, calculs de l’auteur.

Bien entendu, il convient de mesurer ce qui fut de la responsabilité des gouvernements précédents, et en particulier du désastreux attelage Sarkozy-Fillon, dont les effets sur la courbe du chômage se matérialisent dès le début de 2012 et se voient en réalité jusqu’au printemps 2013.

Graphique 2

 A - Chom 1

Source : DARES, et calculs de l’auteur.

Mais, il faut rappeler que François Hollande avait fait de « l’inversion de la courbe du chômage » et de ses principaux axes de propagande. Il a ajouté que, si le chômage ne baissait pas d’ici 2017, il était exclu qu’il se présente aux élections. Tout ceci semble, hélas, bien oublié aujourd’hui. Le Président s’est installé dans cette posture du « on n’y peut rien », qui fut celle de ses prédécesseurs. Bien entendu, il continue d’espérer une stabilisation. Cette espoir repose un peu dans la baisse des prix du pétrole (réelle, mais dont les effets sont en France largement atténuée par l’importance des impôts sur les produits pétroliers), un peu sur les mesures de baisse des charges (le CICE), et un peu, oh paradoxe, dans la dépréciation de l’Euro face au Dollar étatsunien.

Oui, la baisse des prix du pétrole va se traduire par une baisse du prix à la pompe, et donc une hausse du pouvoir d’achat de certains français (ceux qui utilisent leur véhicule pour aller au travail). Mais, on sait que cette hausse ne durera pas. A 60$ le baril, c’est toute l’industrie nord-américaine des huiles « spéciales (Huile de schiste aux Etats-Unis, sables bitumineux au Canada) qui n’est plus rentable. Il faudra donc que les prix remontent au moins à 75$ le baril, et sans doute autour de 80$. Quel en sera l’effet ? Quant on sait que les taxes représentent 70% au moins du prix des carburant, un baisse de -27% ( de 110$ à 80$) se traduit par une baisse réelle de 8% pour le consommateur. C’est plutôt faible comme effet.

Le CICE doit entraîner une baisse des prestations dans les branches grosses utilisatrices en travail. Mais, on sait déjà que certaines de ces branches (banques, grande distribution) vont utiliser le CICE pour maintenir leurs profits et non pour embaucher plus. Qu’il y ait un petit effet sur les embauches est probable. Mais il restera très inférieur aux 300 000 emplois détruits en un an.

Reste la dépréciation de l’Euro. Elle a été d’environ 10% depuis un an. Il est très drôle de voir les mêmes économistes qui disaient qu’une dévaluation (suite à une sortie de l’Euro) serait sans effet, aujourd’hui se gargariser des effets de cette dépréciation. En réalité, la France faisant un peu plus de 50% de son commerce hors de la zone Euro, cela ne jouera que sur ces produits exportés hors de la zone. C’est donc l’équivalent d’une dépréciation de 5% de la monnaie française. Ce sont ces chiffres qu’il faudrait comparer avec la perspective d’une dépréciation générale de 20% après la sortie de l’Euro. Alors, oui, à l’évidence, cela aura un certain effet sur la croissance, qui devrait dit-on (INSEE) atteindre les 1% en 2015. Mais il est aussi clair que ceci n’aura que peu d’effet sur la production industrielle qui a fortement baissé en France.

Graphique 3

Evolution de la production industrielle et de l’industrie manufacturière depuis 1990.

 A - Industrie

Graphique 4

A - Ind Mach et Equip 

Source : INSEE

On voit que nous sommes aujourd’hui au-dessous du niveau de production de 1990. Or, la production industrielle est la seule qui se fasse dans des conditions de gains de productivités et de valeur ajoutée importante. Les effets sur lesquels compte le Président n’inverseront en rien cette évolution, qui se traduira par une destruction  d’emplois toujours plus importante, mais surtout une destruction d’emplois bien payés qui ne seront, au mieux, remplacés que par des emplois au SMIC (voire en-dessous…).

Les menaces qui planent sur la croissance.

Mais, ce chiffre de 1% de croissance ne tient pas compte de plusieurs menaces qui planent sur la croissance française. Il faut les intégrer dans le raisonnement.

Tout d’abord, il y a la perte de croissance qui est due au ralentissement du commerce avec la Russie engendrée par la forte dépréciation du rouble.

Tableau 1

Pertes de croissance imputables à la dépréciation du rouble

Pays

Part des exports dans le PIB

Part des exports vers la Russie

Perte de change

Perte en PIB

UE
Finlande

28%

9%

-38%

-0,96%

France

21%

2%

-38%

-0,16%

Allemagne

42%

3%

-38%

-0,48%

Italie

26%

3%

-38%

-0,30%

Suède

30%

2%

-31%

-0,19%

UE-Nouveaux entrants

Hongrie

85%

3%

-39%

-0,99%

Bulgarie

56%

3%

-38%

-0,64%

Roumanie

37%

3%

-37%

-0,41%

Pologne

42%

5%

-39%

-0,82%

Sources : Données de la CNUCED et des instituts statistiques nationaux

Il faut ici noter que la perte de -0,16% de croissance s’entend SANS les contre-sanctions russes. La perte total devrait donc avoisiner les -0,2%, soit 1/5 de la croissance totale, même si la France est bien moins touchée que la Finlande ou l’Allemagne (et ce sans parler du choc pour les « nouveaux membres » de l’Europe de l’Est. Or, certains de ces pays vont demander (comme la Pologne) que les pays de l’UE prennent à leur compte une partie des pertes subies. Disons donc qu’en fin de compte, le choc sur l’économie française pourrait être de -0,25%.

Il y a ensuite la « menace politique ». Elle découle de la probable arrivée au pouvoir en Grèce d’un gouvernement d’union autour de SYRIZA (l’équivalent du FdG en France) et peut-être des communistes (KKE) ou des « Grecs Indépendants ». Les responsables de SYRIZA font de leur mieux pour dédramatiser une telle possibilité, mais il est clair que ceci constituera un choc majeur dans la zone Euro. Les taux d’intérêts devraient remonter fortement, et ceci aura des conséquences graves sur l’Espagne mais surtout sur l’Italie. Même si le « risque politique » grec ne se manifeste que partiellement, il est clair que l’on aura un « risque italien » d’ici l’été 2015.

Ces « risques » sont bien entendu « potentiels ». Mais il y a un risque qui est bien plus réel, c’est celui d’une crise industrialo-financière aux Etats-Unis, crise provoquée par la chute des prix du pétrole. L’effondrement des nouveaux permis pour l’exploitation de l’huile et du gaz de schiste que l’on connaît depuis octobre est le prélude à des fermetures d’entreprises qui devraient survenir entre juin et septembre 2015. On sait que les forages, qui sont le fait pour l’essentiel de petites entreprises qui ont emprunté une large part (80%) de leur capital aux banques, s’épuisent rapidement et que, si l’on veut maintenir la production il faut procéder constamment à de nouveaux forages. Je n’inclus pas ici la question écologique – dramatique d’ailleurs – mais uniquement une question technique. La production américaine, après avoir augmenté de façon importante, va baisser brutalement du fait de ces fermetures. Or, ces entreprises en faillites sont l’actif de nombreuses banques américaines. Cet actif va être dévalorisé, ce qui va entraîner une nouvelle tension financière importante, au second semestre de 2015 aux Etats-Unis.

Tout se met en place pour annoncer en réalité une année 2015 très difficile, surtout à partir de l’été 2015. Mais, François Hollande est dans sa bulle, et ne se rend absolument pas compte qu’il faudrait agir avant que ne vienne la tempête, par exemple en s’entendant avec le gouvernement italien sur une ortie concertée de l’Euro. Mais il est vrai que pour pouvoir le proposer, il faudrait que la France soit une force de proposition en Europe, rôle qu’elle a complètement abdiqué en 2014.