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Essai d’interprétation de la situation grecque et de nos tâches

Grèce international

Lien publiée le 8 février 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

De la part d'un camarade du NPA de la Haute vallée de l'Aude

Essai d'interprétation de la situation grecque et de nos tâches

Cela va très vite. Moins de deux semaines après la victoire électorale de SYRIZA, la BCE (banque centrale européenne) a donné le ton par un premier avertissement sans (trop de) frais en bloquant le financement des banques grecques.

Naturellement ce n’est pas une décision indépendante. Mario DRAGHI n’intervient pas sans l’aval des gouvernements européens, il exprime sans fard leur volonté commune : les emprunts devront être remboursés, les « réformes » et la politique d’austérité imposées par la Troïka devront être poursuivies. Pas question pour les bourgeoisies européennes de perdre un seul euro. Il siffle la fin de la récréation et donne ainsi un signal à celles et ceux qui pourraient être tentés de suivre l’exemple des électeurs grecs.

Cette réaction brutale n’a rien d’inattendu. La rapidité avec laquelle elle survient met un terme aux illusions sur une renégociation pacifique de la dette, éventuellement appuyée par certains états européens, dont la France : s’il peut y avoir des aménagements à la marge, du type de ceux déjà accordés dans le passé, ils seront conditionnés à la poursuite de la politique économique et sociale du précédent gouvernement de droite.

Nous sommes donc devant la première épreuve de force. L’inconnue est la volonté (et la capacité) du gouvernement dirigé par SYRIZA de l’affronter sans renier ses engagements sociaux en matière de salaires, d’emploi et de retraites, des engagements impossibles à tenir en continuant à financer le remboursement de la dette publique et la charge de ses intérêts.

Commenter depuis la France les petites phrases et les grands discours des uns et des autres ne présente pas un grand intérêt, on juge sur les actes et non sur les mots ; en revanche nous avons quelques clés pour l’analyse d’une situation qui n’est pas totalement inédite.

SIRIZA et le gouvernement TSIPRAS

La victoire électorale de SYRIZA est celle d'un parti ouvrier réformiste. L’appellation journalistique de « gauche radicale » ne veut rien dire et nous devrions éviter de l’employer sauf bien sûr si nous voulons entretenir le flou. SYRIZA est une des expressions politiques du réformisme antilibéral, en partie nouvelle dans sa forme mais assez classique dans son contenu, et qui n’apparaît « radical » que comparé avec la gauche social libérale qui n'est même plus réformiste.

Je précise que "réformiste" ça n'est pas une insulte mais une constatation. SYRIZA n'est pas un parti révolutionnaire, ni même une alliance anticapitaliste. Il n’a pas inscrit à son programme l’expropriation des banques et des grands groupes industriels et commerciaux. Il ne préconise pas le "socialisme par étapes", l'accumulation de réformes de structures jusqu'à ce que le communisme autogestionnaire s'impose de lui même sans casse. Tout au plus le « socialisme » peut être rappelé au bon souvenir des militants les jours de congrès, le plus souvent par la minorité révolutionnaire. C'est un parti antilibéral qui s'oppose aux "dérives" du système capitaliste  et souhaite le domestiquer, y compris sévèrement, sans prétendre lui substituer un autre système. C'est tout et c'est suffisant, cette analyse politique nous dispense d'avoir à chercher d'autres arguments pour dire que "nous ne sommes pas SYRIZA".

Quant à "parti ouvrier" ça n'est pas non plus une caractérisation morale, SYRIZA est une organisation ouvrière (on pourrait écrire ouvrière et populaire) de par son origine, son histoire, sa base sociale et son programme "théorique". Mais c’était également le cas de la SFIO et des partis sociaux-démocrates européens, y compris le PS du congrès d’Epinay. Ce n’est donc en rien une garantie pour l’avenir, mais la raison pour laquelle les travailleurs peuvent considérer à un moment donné ce type de parti comme leur parti. Cette relation particulière au prolétariat fait la différence avec les partis bourgeois ; c’est cette caractéristique qui conduit les révolutionnaires à mettre en avant le « front unique ouvrier » (sans oublier le dernier mot) et dans certains cas à appeler à voter pour les « partis ouvriers ».

Cela ne fait pas du gouvernement dirigé par SYRIZA un gouvernement ouvrier et populaire. Léon BLUM faisait lucidement la différence entre gouverner et prendre le pouvoir ; dans le cadre du système un gouvernement des partis ouvriers reste un gouvernement bourgeois. Il n’en irait pas différemment sans l’alliance avec le parti de droite anti-européen des « Grecs indépendant », alliance par ailleurs problématique.

Le moment présent à la lumière de l’Histoire

Le programme immédiat de SYRIZA peut paraître suffisant à la grande majorité de ses électeurs, un peu comme MITTERRAND ou LULA en leur temps. Les salariés, les retraités, la jeunesse n’ont pas voté pour le socialisme qui est une abstraction à leurs yeux. Ils attendent des mesures immédiates, en rupture avec la politique imposée par la Troïka, pour se sauver de la misère et de la déchéance, garantir des services publics égalitaires et efficaces, pouvoir tout simplement se loger et manger à leur faim. C’est ce que leur a promis SYRIZA.

Sauf que SIRIZA a laissé entendre qu’il suffisait pour cela de faire le bon choix électoral, avec un peu de mobilisation populaire bien cadrée si nécessaire. Mais ce que nous savons c'est qu'à l'époque de la décadence impérialiste ce genre de réformisme est dans une impasse :

- soit le gouvernement issu du vote ouvrier et populaire capitule rapidement face à la pression des capitalistes (dans le cas grec la pression de l’ensemble des bourgeoisies européennes et de la Troïka qui est leur bras armé). La crise économique et les difficultés budgétaires servent alors de prétexte pour "ajourner" ou modérer les réformes un peu hardies (quoi que s'inscrivant dans le cadre du système) comme la hausse des salaires, le retour sur les privatisations et sur la dégradation des retraites. C’est le scénario de la "pause" impulsée par Delors en 1983, prélude à un changement complet d'orientation; 

- soit les bourgeoisies grecques et européennes lui font la peau, pas forcément un coup d'état militaire (encore que la Grèce en ait subi plusieurs dans son histoire et que le parti fasciste Aube Dorée soit influent dans l’armée et la police) mais par le sabotage économique, une guérilla institutionnelle, éventuellement des mobilisations réactionnaires comme en a connu le Chili sous ALLENDE et plus récemment des « gouvernements progressistes » d’Amérique Latine : femmes des classes privilégies organisant des concerts de casseroles dans les rues, grèves patronales… Cela peut déboucher sur un coup de force pour « rétablir l’ordre » ou au moins à ce que le "chaos" et la crise économique permettent aux partis institutionnels de gagner les prochaines élections.
L'expérience historique montre que les impérialismes peuvent parfaitement s'employer à renverser des gouvernements qui ne sont pas révolutionnaires ni socialistes, qui sont simplement des gouvernements bourgeois que pour diverses raisons la bourgeoisie ne reconnaît pas comme les siens. On a vu récemment au Honduras et au Paraguay qu'un coup d'état institutionnel pouvait suffire, sans intervention militaire.
Un parti réformiste comme SYRIZA penche naturellement vers la capitulation, ce qui s'est traduit par divers reculs programmatiques avant les élections, notamment sur la dette et par les proclamations de bonne volonté envers l'Union Européenne et la monnaie unique. Il y a aussi l’illusion mortelle de pouvoir jouer le « gentil » François HOLLANDE contre la méchante Angéla MERKEL, raison pour laquelle Alexis TSIPRAS a écrit une lettre ouverte au peuple allemand mais pas pour le moment au peuple français. Les évènements récents ont montré que Mario DRAGHI, président de la BCE, ne faisait finalement pas partie des « gentils ».
Il est trop tôt pour pronostiquer la suite des évènements, le plus probable étant une période d’expectative et de « guerre froide » avec des avancées et des reculs.

Spécificités de la situation grecque
 
La Grèce est non seulement le maillon faible de la zone euro, mais c’est aussi une petite nation dans une certaine mesure "opprimée" par les pays riches de l'Union Européenne. De ce fait la lutte sociale se combine avec une revendication d'indépendance nationale dirigée contre la dictature "étrangère" de la Troïka. Les appels vibrants à la « résistance » de Manolis GLEZOS, héros de la lutte anti-nazie, partisan communiste aujourd’hui député européen de SYRIZA, illustrent ce cocktail explosif. 
Bien sûr il y a un risque de dérive nationaliste, d'autant qu'un des éléments de la situation grecque est le conflit avec la Turquie autour notamment de l’avenir de Chypre, source d'une fuite en avant dans les dépenses militaires. L’alliance avec le parti des Grecs Indépendants, qui s’est vu octroyer le ministère de la Défense, va peser dans ce sens.
Mais car la "question nationale" a des bases réelles ; ce ne sont pas les envolées de Mélenchon qui défend l'impérialisme français contre l'Allemagne. La Grèce n'est pas un état impérialiste, c'est un pays dominé. Il y a une combinaison entre luttes sociales et question nationale, pas au niveau du rejet de la domination des gringos en Amérique Latine mais qui pourrait peser sur la suite des évènements dans la mesure où se coucher devant la bourgeoisie c’est se coucher devant la Troïka.
Il y a bien sûr le risque d’un recul en rase campagne du nouveau gouvernement grec, d’un abandon de ses promesses électorales qui lui ferait perdre rapidement tout crédit. Ce n’est pas à souhaiter car en dehors de grandes luttes populaires cela se traduirait par du désarroi et le retour de la droite au pouvoir.
La pression des masses ne voulant pas se laisser voler leur victoire peut contraindre SYRIZA à opposer une certaine résistance, tout comme CHAVEZ et d'autres dirigeants "progressistes" se sont opposés, certes de manière partielle et inconséquente, à l'impérialisme US.
Cependant dans la situation actuelle le minimum de résistance à la Troïka exige un moratoire unilatéral du remboursement de la dette, prélude à la répudiation de la « dette illégitime », ne serait-ce que pour dégager les ressources budgétaires pour financer les mesures sociales. Comme il ne serait pas possible de le faire sans exproprier les banques, ce serait une logique d’affrontement entre la « petite » Grèce et les gouvernements du reste de l’Europe.
Comment aider le prolétariat grec ?
Nous n’apportons pas notre soutien politique à SYRIZA et encore moins au gouvernement qu'il dirige, nous soutenons le peuple grec. Cela ne peut sembler contradictoire qu’à celles et ceux qui ont perdu le souvenir de la guerre civile espagnole, à celles et ceux qui confondent la solidarité avec le prolétariat et le soutien inconditionnel aux directions qui s’appuient sur lui et parlent en leur nom.
Nous ne pouvons pas nous contenter d’affirmer que notre meilleur soutien au peuple grec c’est de lutter en France contre la politique d’austérité et le projet de loi MACRON ; pas davantage que de dire que tout s’arrangera si PODEMOS remporte les élections espagnoles.
Naturellement nous soutiendrions "militairement" SYRIZA si son gouvernement était agressé par les bourgeoisies, s'il y avait une menace d'invasion de la Grèce par des forces coalisées sous la conduite de la Troïka, tout comme l’impérialisme français était intervenu au Mexique pour chasser Benito JUAREZ, coupable d’avoir décidé un moratoire de deux ans sur le remboursement de la dette nationale à ses créanciers européens. Et bien sûr dans le cas d’un coup d’état militaire.
Mais la guerre ne se mène pas  seulement par les armes. L’asphyxie économique est une forme de guerre, éventuellement combinée à d’autres sabotages, comme indiqué plus haut ; nous nous opposons aussi à ce genre d’agression, de même que nous combattons l'embargo des USA contre Cuba sans être devenus pour autant castristes. Et nous défendons le droit du gouvernement grec de décider unilatéralement de suspendre le remboursement de la dette.
Dans la guerre que risquent de mener la bourgeoisie impérialiste française, ses partis et le gouvernement HOLLANDE – VALLS pour que les Grecs rentrent dans le rang, nous sommes dans le camp des Grecs contre « la France ». Aider les Grecs, c’est intimer aux différents gouvernements à commencer par le nôtre : "bas les pattes devant la Grèce, respectez les choix du peuple grec, ni ingérence ni sabotage !"
N’est-ce pas ce que firent les révolutionnaires du SWP des USA avec la campagne « Fair play for Cuba », contre les interventions de leur propre impérialisme ? Leur campagne contre la guerre au Vietnam, centrée sur le retrait des « boys », fut tout aussi exemplaire. Ce ne fut pas facile de contribuer à retourner l’opinion américaine au départ favorable à la guerre.
Prenons garde, s’il existe en France un courant de sympathie pour ces Grecs qui ont su dire non à l’austérité et aux politiques libérales nous ne devons pas sous estimer la force et la propagande de l’ennemi de classe. Déjà SARKOZY s’est répandu sur les 700 € que chaque français devrait payer pour le confort des Grecs ; la presse bourgeoise est atterrée par le risque que SYRIZA ferait courir à l’unité européenne et rappelle que chacun doit honorer ses engagements financiers. Il faut donc intensifier notre campagne d’explication, marteler que cette dette n’est ni celle du peuple grec ni celle du peuple français. Ce sera une occasion de relancer en France la campagne contre le paiement de la dette, campagne qui depuis deux ans au moins est passée sous la table alors même que les déficits sont toujours invoqués à l’appui des budgets d’austérité.
Naturellement cette campagne doit être menée dans l’unité la plus large. Cependant nous devons, dans notre propre matériel, nous démarquer de ceux qui centrent leurs interventions contre l’Europe « allemande » en épargnant le capitalisme français.
Centrons-nous sur nos propres tâches, la lutte contre notre impérialisme français. Et si nous devons développer et faire connaître notre analyse de la situation grecque, laissons les marxistes révolutionnaires grecs, en premier lieu ceux qui sont regroupés dans ANTARSYA, déterminer leur politique en Grèce, en dialoguant avec eux mais sans prétendre leur donner des leçons. A première vue ils ne sont pas hors des clous !