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La surprenante résistance de l’économie russe
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
L'année 2015, en revanche, se présente mal. La Russie n'échappera pas à la récession. Le PIB pourrait se contracter de " 2 % à 3 % ". C'est donc moins qu'en 1998 ( – 5,3 %) et qu'en 2009 (– 7,8 %) mais assez pour conforter les Russes dans " leur conviction que leur pays n'est pas près de retrouver une croissance annuelle de 4 % ", assure l'économiste russe.
" Les anticipations de croissance sont modérées, ce qui constitue un grand changement par rapport à 2009 ", observait-elle, lundi 2 mars, lors d'une réunion organisée à Paris par le Centre de recherche et d'expertise sur l'économie mondiale (Cepii). La plus grande menace pesant, à son avis, sur l'économie russe, autrefois l'une des plus dynamiques du club émergent des " BRICS ", (Brésil, Russie, Inde Chine, Afrique du Sud), est désormais la stagnation.
Entre 1998 et 2008, la Russie avait affiché un " dynamisme remarquable ", ont rappelé Alexey Kudrin et Evsey Gurvich, deux économistes, dans leur article publié lundi dans le Bofit (Banque de Finlande) : une augmentation de 83 % du PIB, une hausse de plus de 70 % de la productivité du travail, un doublement des dépenses d'investissement, une augmentation de 340 % du pouvoir d'achat des salaires et de 280 % de celui des pensions de retraite.
De 2000 à 2008, le PIB russe s'est accrû de 6,9 % par an en moyenne. Une progression annuelle ramenée autour de 1 % entre 2009 et 2013. La croissance russe a diminué en termes absolus et relatifs. Parallèlement aux entrées nettes de capitaux liées, entre autres, à la rente pétrolière et gazière, ont succédé des sorties, qui se sont élevées à 285 milliards de dollars (254 milliards d'euros) entre 2009 et 2013.
" Capitalisme d'Etat "
Malgré ce changement considérable de paysage économique, les revenus salariaux ont continué d'augmenter en 2014 (+ 11 % contre + 13 % en 2013), tirés notamment par les hausses accordées dans un secteur public qui emploie 18 millions de personnes, soit 25 % à 30 % de la population active.
La préférence des Russes pour la consommation ne s'est pas démentie mais l'inflation élevée pourrait menacer le modèle économique domestique, qui est " tiré par les dépenses des ménages ", selon Mme Orlova, et qui est fondé sur une " croissance importée " grâce à la rente procurée par les hydrocarbures, selon MM. Kudrin et Gurvich. La hausse des prix à la consommation a atteint 11,4 % en décembre 2014. Elle est de 16 % actuellement.
L'inflation est entretenue par un problème d'offre et par la limitation de la croissance potentielle russe à 1 %-2 %. Le pays n'a pas de capacités de production excédentaires à utiliser, un problème pour répondre à la demande des consommateurs, et il souffre de pénuries de main-d'œuvre qualifiée du fait, entre autres, d'une démographie en perte de vitesse. Les moins de 20 ans étaient 44 millions en 1989, mais seulement 30 millions en 2012. Enfin, les pressions sur les taux de change de tous les pays émergents, liées aux changements de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine, n'aident pas à maintenir l'inflation sur les rails prévus par la banque centrale de Russie (4 %-4,5 %).
Les investissements n'ont retrouvé leur niveau de 2008 qu'en 2014. " L'économie est comme gelée. Cette situation de stagnation peut durer ", dit Mme Orlova. La faiblesse de l'investissement est souvent reliée à la piètre qualité de l'environnement institutionnel : absence de droits de propriété, failles du système judiciaire, barrières bureaucratiques, corruption… " Le principal problème de l'économie russe est d'une nature plus profonde et il a trait à la faiblesse des mécanismes de marché ", disent MM. Kudrin et Gurvich. " En 2012, confronté au ralentissement économique, le président Vladimir Poutine aurait pu choisir de libéraliser l'économie, observe Tania Sollogoub (Crédit agricole). Mais il a opté pour une politique de capitalisme d'Etat et pour une reprise en mains par le pouvoir central. " Or elle ne fait pas nécessairement bon ménage avec une relance de l'investissement : il y a deux ans, les étrangers ne parlaient que de la corruption ; ils s'inquiètent désormais du risque d'arbitraire d'Etat.
Le pays a aussi des atouts. Il a su tirer des enseignements de ses précédentes crises de change. Sa politique budgétaire reste équilibrée et l'endettement est limité, malgré la baisse du prix du pétrole. " En régime de taux de change fixe, le budget était équilibré avec un baril à 110 dollars. Avec le rouble flottant, il reste équilibré avec un baril à 70 dollars. La dépendance aux hydrocarbures n'est plus si grave ", note Mme Orlova.
La Russie n'apparaît pas si mal armée pour faire face aux turbulences. Mais la volatilité est élevée, les fuites de capitaux ont doublé en deux ans pour atteindre 20 milliards de dollars et la plupart des observateurs pensent que la question du contrôle des capitaux va être de nouveau posée.
Claire Guélaud