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A Sivens, les milices de la FDSEA multiplient les agressions dans l’impunité

écologie

Lien publiée le 5 mars 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.reporterre.net/A-Sivens-les-milices-de-la-FDSEA

Un nouveau cap a été franchi ce mercredi dans la stratégie de la tension imposée par la FDSEA du Tarn. Alors qu’un convoi alimentaire tentait d’être acheminé depuis Gaillac pour alimenter la zone du Testet en vivres, les attaques des pro-barrages se sont multipliées. Récit d’une journée folle, devenue le quotidien à Sivens.


- Gaillac (Tarn), reportage

Il est près de 14 heures mercredi 4 mars quand nous parvenons sur la place de la Libération à Gaillac. Environ deux-cents personnes sont là, rassemblées pour témoigner de leur soutien aux occupants de la zone du Testet et pour mettre en place un convoi alimentaire afin de ravitailler la cinquantaine d’occupants présents sur la Zad de Sivens. L’ambiance est bon enfant et calme. Le préfet du Tarn, Thierry Gentilhomme, est là et discute avec Jean-Claude, un militant anti barrage à qui il explique : « Je veux éviter la confrontation et ne faire prendre de risque à personne ». Une consigne qui n’a pas empêché de multiples agressions depuis plusieurs mois, avec une intensification depuis le début de la semaine et le blocage total de la zone par les agriculteurs pro barrage.

Le maire de Gaillac, Patrick Goisserand, regarde ce qui se passe. Il insiste sur la nécessité de « respecter la loi. Il faut qu’ils partent, agriculteurs comme zadistes, ensuite, je me ferai l’écho pour que tout le monde se mette autour de la table et qu’on reparte à zéro ». Intention louable mais à Sivens, rien n’est jamais si simple.

L’odyssée des poireaux de Gaillac

L’épisode du convoi de ravitaillement a été le fil conducteur de la journée. Ce qui devait être une simple transmission de légumes et de matériel de pharmacie aux zadistes a pris une tournure absurde jusqu’à devenir impossible.

Au départ, le préfet refuse l’entrée de tout véhicule sur la zone « pour éviter les contacts ». Les manifestants rassemblés sur la place centrale de Gaillac s’insurgent contre cette décision. Les voilà enfermés dehors, pendant une heure, entre divers cordons de policiers qui se déplacent dès que les manifestants bougent. Devant l’impuissance, une discussion s’improvise entre le préfet et Patrick, charpentier, repéré comme interlocuteur par un commandant de gendarmerie.


- Patrick -

Voilà donc Patrick parti pour « négocier », bien qu’il précise d’emblée qu’il n’a aucun mandat et qu’il se fait juste « la bouche et l’oreille » du collectif. Proposition du préfet : acheminer les vivres par un autre camion, neutre, de la municipalité ou par un camion de gendarmerie. Dehors, on discute, chante, crie des slogans, tente des percées, proteste contre les mouvements policiers.

Une information tombe : à Sivens, un « commando » d’agriculteurs a fait une incursion en traversant les bois et a créé du grabuge sur la ZAD : une camionnette retournée, la tente dédiée à l’espace radio ravagée, un chapiteau mis au sol, une ferme avec des animaux d’élevage dégradée et enfin, ultime provocation, l’arbre érigé au milieu de la zone déboisée le 24 octobre dernier a été coupé. Philippe Jougla, de la FDSEA du Tarn, confirme l’information auprès de l’AFP dans l’après midi.


- Agriculteur armé d’un bâton -

En réaction, à Gaillac, la majorité des personnes décide de partir en voiture vers les abords de la zone, en évitant les routes principales. J’entends plusieurs personnes sur la place indiquer discrètement au téléphone : « Ca y est, ils s’en vont vers la zone » sans savoir s’il s’agit de pro ou d’anti barrage.

Des milices organisées pour des agressions éclair

Arrivés à proximité de Barat, les manifestants sont bloqués par des CRSdisposés pour maintenir à distance les opposants des agriculteurs bloqueurs. Ceux-ci sont une centaine à Barat, et une autre centaine à l’autre extrémité de la zone. Beaucoup sont armés de bâtons de bois, barres de fer, de manches de pioche ou de battes de base-ball. Je reste du côté zadiste, les agriculteurs s’en prenant souvent aux journalistes, comme cela m’est déjà arrivé.

Sodain, à cent mètres, au bout du cortège de voiture garées, trois 4x4 surviennent et leurs occupants commencent à s’en prendre à des véhicules et aux quelques manifestants venus de Gaillac et restés sur place. Zadistes et gendarmes accourent, les agresseurs sont déjà repartis, parfaitement organisés et rompu à ces exercice d’agression éclair. Puis, deux jeunes casqués traversent un champ sur une moto tout-terrain et s’approchent du groupe d’opposants en contournant le dispositif policier. D’un peu trop près, puisqu’un militant, fou de rage, saute littéralement sur la moto et frappe le conducteur qui est bien obligé de s’arrêter au milieu du champ. Alors seulement les gendarmes interviennent.


- Négociation avec un représentant du ministère -

Mais la question du convoi alimentaire n’est pas réglée. La discussion reprend avec un représentant du ministère de l’Intérieur. Patrick est de nouveau reparti pour entendre les propositions. Deux heures d’aller retour lui seront nécessaires pour aboutir à une proposition qui en surprend plus d’un : « Ce qui a été dit c’est que la FNSEA et les agriculteurs s’en vont si nous aussi on s’en va. Et le responsable de la gendarmerie s’engage à acheminer les vivres sur la zone, mais il faut que nous les amenions à Gaillac dans un camion prêté par la municipalité ». Patrick n’est pas décideur, beaucoup font la moue, et exigent que les agriculteurs partent les premiers, que des garanties soient prises. Quasiment personne ne fait confiance à la gendarmerie : « Ils nous ont déjà tellement trompés, ils sont complices des milices » soupire Camille (pseudonyme). Finalement, de mauvaise grâce et sous l’avancée des cordons policiers, le convoi des automobiles repart dans l’autre sens, signe de bonne volonté. En face, les agriculteurs, eux, ne bougent pas.


- Des pommes de terre pour les zadistes -

Quant aux vivres, au lieu de traverser le kilomètre restant vers les campements du Testet, ils font marche arrière eux aussi pour être transbordés dans une autre camionnette. Mais celle-ci reste ensuite clouée sur le parking de la gare de Gaillac. La raison ? Il semblerait que, craignant pour sa sécurité, le maire ait appel au Préfet qui a lui-même appelé le ministère. Les zadistes décident de récupérer la moitié de la marchandise et de « l’acheminer avec leurs propres moyens ».

La nuit tombée, la violence des pro barrage redouble d’intensité

Rien n’est encore fini. Revenant de l’intérieur de la zone, après avoir été menacée de mort par des pro-barrage, une confrère raconte l’incapacité totale des occupants à faire face à la situation.

- Ecoutez Oze, 20 ans, occupante de Sivens :

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A l’extérieur de la Zad, on peine aussi à faire face. En deux heures, après la tombée de la nuit, plusieurs agressions se produisent. Une jeune fille est interpellée par une patrouille d’agriculteurs en voiture et découvre en fuyant que ses agresseurs discutent paisiblement avec les gendarmes. Plus loin, un autre zadiste, tentant de venir voir le cortège depuis l’intérieur de la zone, est pris a partie et cogné par plus d’une vingtaine d’agriculteurs. Les gendarmes le sauvent d’agressions plus graves et l’évacuent de la zone. On apprend qu’à Saint-Jérome, hameau où le cortège avait fait une halte en quittant la zone, certains se font fait attaquer, deux voitures étant prises d’assaut. Un des occupants témoigne avoir reçu un coup de barre à mine dans le bras. Et la liste semble encore longue des faits et gestes incontrôlables des milices pro-barrage. 
Au soir, beaucoup de militants ont le sentiment que les autorités pratiquent deux poids, deux mesures, entre un convoi alimentaire bloqué toute la journée et l’impunité pour les multiples agressions commises par les pro-barrages.

Une cinquantaine d ’agriculteurs avait également mis en place un barrage à l’entrée de Saint Sulpice La Pointe, première étape pour les marcheurs partis de Toulouse à une vingtaine hier matin. « On a appris la menace, on a décidé de continuer quand même », raconte l’une des cinq marcheurs restants hier soir. Les marcheurs repartent ce jeudi matin dès 8 heures de la mairie de Rabastens en espérant arriver sur la zone dans la journée et à Albi vendredi.

- Vidéo : des hommes armés de bâtons s’attaquent à une voiture. Un gendarme observe la scène sans intervenir


LES JOURNALISTES MENACES

La parole des agriculteurs est absente de cet article. « Ils connaissent ton nom », « fais gaffe », « ils parlent de toi derrière, attention à toi ». Les conseils ont été nombreux et salutaires pour révéler le danger qu’il pouvait y avoir pourReporterre à se rendre à proximité des zones contrôlées par les pro barrage pour les interroger. Un confrère journaliste s’est par ailleurs vu menacer de mort un peu plus tôt juste pour avoir voulu se rendre à l’intérieur de la ZAD.

Reporterre, qui donne la parole à tous les agriculteurs quelle que soit leur carte syndicale et mène un travail continu sur les questions agricoles et écologiques, proteste contre cette atteinte à la liberté d’expression et à notre travail de journaliste.