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    Syriza, Podemos, les révolutionnaires et les femmes

    féminisme international

    Lien publiée le 7 mars 2015

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://www.ccr4.org/Syriza-Podemos-les

    Andrea D’Atri et Flora Carpentier

    Syriza est critiqué pour l’absence de femmes dans son gouvernement. De même, Podemos, dans l’Etat espagnol, a reçu de nombreuses critiques de féministes sur les contradictions entre son discours et sa pratique face à l’agenda des mobilisations pour l’égalité de genre. Ces deux organisations politiques sont considérées comme la gauche radicale par des millions de personnes. Mais en quoi l’importance que nous donnons, en tant que révolutionnaires, à la lutte contre les oppressions et pour l’émancipation des femmes diffère-t-elle de la vision de ces organisations ? Pourquoi les « questions de genre » ont-elles une importance fondamentale pour le marxisme révolutionnaire ?


     


    Syriza : l’oubli des questions féministes, l’alliance avec la droite homophobe et l’Eglise

    Après la victoire électorale, Syriza a annoncé la composition de son cabinet présidé par Alexis Tsipras. Premier scandale : les douze ministères ne sont occupés que par des hommes. Bien que plusieurs femmes aient des postes de vice-ministres, ce gouvernement essentiellement masculin est l’expression d’un aspect que le mouvement féministe grec remettait en cause depuis un certain temps déjà : l’absence de revendications pour les droits des femmes dans la campagne électorale de Syriza. Au lendemain de la victoire de Tsipras, la revue To Mov dénonçait ce manque : « Il y a des sujets dont on n’a pas entendu parler au cours de la campagne électorale : l’inégalité salariale, la violence machiste, le travail domestique non rémunéré. Nous n’avons même pas entendu de promesses de changement concernant ces sujets ».

    En effet, pour Syriza, les questions féministes sont complètement détachées de la lutte contre l’austérité, au point qu’il ne lui a pas semblé contradictoire de constituer un gouvernement avec les Grecs Indépendants (ANEL), parti de droite nationaliste qui combine « anti plan de sauvetage » et « anti austérité » avec une idéologie conservatrice, xénophobe, antisémite, nationaliste, homophobe et en défense de l’Eglise orthodoxe ; en somme, un ennemi de la lutte pour les droits des femmes et des LGBTI.

    Si les femmes ont joué un rôle majeur dans les luttes qui ont été au cœur de la grande catastrophe sociale grecque [1], le mouvement féministe dénonce que Syriza ne l’ait pas reconnu, et n’ait pas donné d’importance au féminisme dans les luttes et dans les changements qu’il prétend instaurer. « Nous, les femmes, nous trouvons aujourd’hui face aux conséquences de l’effondrement de l’Etat providence et du système national de santé, qui nous poussent à remplacer les services sociaux, auparavant pris en charge par l’Etat, par notre propre travail (…). Le coup porté à nos droits du travail permet à nos employeurs d’agir de manière arbitraire et discriminatoire, en plus du fait qu’il y ait chaque fois moins de structures de soutien aux victimes des violences machistes ou des trafics de femmes. Bien que ces violences existaient déjà avant la crise, les 4 dernières années ont vu une nette dégradation », poursuit To mov.

    Dans une interview du journal espagnol diario.es, Sissy Vovou, dirigeante reconnue de Syriza, revient elle-même sur le manque d’engagement par rapport à l’égalité de genre : selon ses propres mots, jusqu’en 2010, il avait été plus facile de faire pression pour que des mesures féministes soient adoptées au niveau du fonctionnement interne, mais depuis que Syriza est entré dans la course électorale, cet aspect ne fait clairement plus partie de ses priorités.

    Pourtant, le mouvement féministe grec revendique d’avoir beaucoup apporté aux propositions politiques de Syriza. Les femmes se sont liées avec d’autres luttes et secteurs sociaux, elles sont descendues dans les rues et ont été présentes dans les grèves, les quartiers et les universités, militant contre les pouvoirs établis et créant des réseaux de solidarité pour faire face à la crise et pour avancer dans la conquête de leurs droits.

    Malgré tout cela, les diverses revendications des femmes, la question de la lutte contre le système patriarcal et tout ce qui reproduit les inégalités de genre n’ont pas été au cœur des discussions ou ont été délibérément évincés des débats électoraux dans les médias.

    Dans ses statuts, Syriza affirme qu’il « luttera pour la défense des valeurs de la justice sociale, l’égalité et la liberté contre le patriarcat » mais, dans la pratique, il prétend combattre le patriarcat en formant un gouvernement avec l’ANEL, parti ennemi des droits des femmes, des homosexuel-l-e-s et des immigré-e-s. A l’inverse, une des revendications du mouvement féministe est précisément de lutter pour les droits des femmes immigrées, et notamment des plus de 4000 femmes sans-papiers actuellement en rétention.

    Les critiques se sont également exprimées du côté des collectifs et des militants LGBTI, qui ont vite établi un lien entre les accords passés avec l’ANEL et le fait que Syriza recule sur le droit à l’adoption pour les couples homosexuels. Alors même que la communauté scientifique, qui n’est pas exempte d’idéologie bourgeoise, a reconnu à la quasi-unanimité les résultats positifs des études réalisées auprès des enfants de couples homosexuels, Syriza a affirmé qu’ « il s’agit d’un sujet difficile qui requière le dialogue. Il y a des oppositions dans la communauté scientifique, et nous n’allons pas l’inclure dans notre programme ». Ils légitiment ainsi les positions des homophobes s’opposant à l’égalité et la liberté des LGBTI.

    Rien d’étonnant à ce que Tsipras se soit rendu, en août dernier, sur le Mont Athos, lieu sacré de l’Eglise orthodoxe, ni qu’il ait participé, récemment, à la cérémonie de l’épiphanie, invité par l’archevêque d’Athènes. Ces rapprochements auguraient sans aucun doute de l’alliance qu’il préparait avec la droite. Bien qu’il ait rompu avec la tradition de prêter serment sur la Bible, Tsipras a fini par se rapprocher des positions de l’Eglise Orthodoxe, dans une alliance résolument ennemie des droits des femmes et des LGBTI.

    Misogynie avec parure de gauche et féminisme occasionnel ?

    Podemos, parti espagnol qui ne se revendique « ni de droite ni de gauche », a été une des voix critiques du manque de considération des questions féministes par Syriza. Pourtant, Podemos avait lui-même reçu de fortes critiques l’an passé de la part de féministes reconnues, parce que ses principales figures médiatiques étaient des hommes et notamment parce qu’il maintenait le flou par rapport aux mobilisations féministes ayant eu lieu dans l’Etat espagnol.

    La plupart des courants se revendiquant de gauche radicale ont intégré les revendications des femmes et des LGBTI ces dernières années, mais d’un point de vue essentiellement électoraliste. Cela provoque des crises permanentes chez leurs adhérents, qui voient une nette opposition entre le discours public et les pratiques de leurs organisations, dont les porte-paroles sont le plus souvent des hommes, où se reproduisent les comportements misogynes, ou dont les priorités évoluent à l’approche du pouvoir, etc.

    Cette intégration, relativement récente, de « l’égalité de genre » et du « respect de la diversité » par les organisations se revendiquant de gauche est bien loin des luttes contre les oppressions telles que la conçoivent les courants marxistes révolutionnaires. L’échec imposé par la contre-offensive impérialiste - le néo-libéralisme - a modifié les courants de la gauche dite radicale qui ont adopté une stratégie et un programme de lutte minimal pour une extension des droits au sein de la démocratie bourgeoise. Comme le souligne un article paru dans la revue d’extrême-gauche Ideas de Izquierda, « si les classes dominantes se sont vues forcées d’intégrer les demandes des mouvements sociaux pour désactiver la radicalisation et coopter de larges secteurs au régime, ces courants de la gauche radicale, au lieu de considérer ces acquis comme un point d’appui, en ont fait un horizon indépassable. Elles ont troqué leur programme anticapitaliste contre un programme anti-néolibéral, c’est-à-dire, ayant l’objectif minime et défensif de limiter la portée des attaques de la restauration conservatrice » [2].

    A l’opposé de cette conception, se trouvent des courants d’extrême-gauche qui tombent dans l’écueil de fuir les luttes pour les droits démocratiques élémentaires des secteurs opprimés. De leur point de vue, ces luttes seraient celles de la bourgeoisie et des classes moyennes progressistes, et ne concerneraient pas l’ensemble des exploité-e-s, qui devraient se limiter exclusivement aux luttes syndicales ou corporatives.

    Nous voulons le pain, mais aussi les roses

    Enraciné dans la classe ouvrière, seule classe de la société capitaliste potentiellement facteur de progrès, la politique des révolutionnaires doit être diamétralement opposée à celle des courants réformistes, qui se sont adaptés aux semblants de démocratie bourgeoise, comme à celle des courants populistes qui se sont adaptés aux préjugés petit-bourgeois, arriérés et réactionnaires grâce auxquels l’Eglise, la famille patriarcale et d’autres institutions pénètrent la conscience de millions de personnes. Au contraire, face à toutes formes d’oppression, le marxisme s’est efforcé de démontrer l’importance que revêt la lutte anticapitaliste de l’ensemble des exploité-e-s, pour tou-te-s les opprimé-e-s quelle que soit l’oppression subie ou la classe sociale. Ainsi, toute conquête partielle de droits démocratiques acquiert une fonction vitale si elle est posée comme levier pour renforcer la lutte radicale pour l’émancipation, et si la classe ouvrière – dans laquelle la proportion de femmes a beaucoup augmenté, en même temps que la précarisation du travail – apprend à se faire l’écho de toutes les oppressions et injustices qui traversent la société, et ce quelles que soient les classes touchées.

    Car pour renverser la classe dominante et son système d’oppression et d’exploitation, c’est bien l’ensemble des exploité-e-s qui devra se mobiliser derrière l’objectif commun de renversement du capitalisme, pour la construction d’une société libérée de toutes les chaines d’oppression et d’exploitation qui pèsent aujourd’hui sur l’immense majorité de l’humanité. Ce n’est qu’une transformation révolutionnaire de la société qui permettra de conquérir l’émancipation réelle et complète des femmes et de l’ensemble des opprimé-e-s.

    10/02/15

    [1] Voir à ce sujet l’article “Les 500 de Grèce” au sujet de la lutte des travailleuses du ménage contre le Ministère des Finances grec

    [2] Voir A. D’Atri et L.Lif, “La emancipacion de las mujeres en tiempos de crisis mundial”, article publié en deux parties dans Ideas de Izquierda n° 1 et 2, Buenos Aires, juillet et août 2013.