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    Femmes voilées, prostituées et tran: je défile avec le 8 mars pour toutES

    féminisme

    Lien publiée le 8 mars 2015

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1336330-femmes-voilees-prostituees-et-trans-cette-annee-je-defile-avec-le-8-mars-pour-toutes.html

    LE PLUS. En marge des groupes féministes traditionnels, le collectif 8 mars pour toutES descend dans la rue en ce dimanche 8 mars, pour défendre les droits des femmes voilées, des travailleuses du sexe et des trans. Laure, féministe depuis ses 20 ans, a quitté le cortège de l'association Osez le féminisme pour rejoindre la marche alternative du collectif à Belleville. Témoignage.

    Dans certaines familles, le féminisme se transmet de mères en filles. Je suis née dans une famille comme celles-là. C’est tout naturellement que vers 20 ans, j’ai commencé à participer à des manifestations féministes.

    Le patriarcat : mon ennemi principal

    Alors syndicaliste étudiante, je me sentais et me revendiquais féministe sans avoir le temps d’y consacrer toute mon énergie, sans en faire mon combat premier. Puis, Osez le Féminisme s’est créé ou plutôt une poignée de jeunes femmes, dont Caroline de Haas que je connais personnellement, ont créé Osez le Féminisme. Et j’ai commencé à aller à leurs réunions, à faire du patriarcat mon "ennemi principal".

    J’ai écrit une chronique sur la parité dans le premier journal que l’association a fait paraître en 2009. J’ai participé à des collages d’affiches et des actions en tout genre. Ca faisait du bien de trouver une association dynamique où les militantEs (je n’écrivais pas encorE comme ça à l’époquE) débordaient d’énergie et d’idées, où tout de suite je pouvais avoir mon mot à dire et prendre des responsabilités.

    J'ai découvert un autre féminisme

    J’ai profité de l’année 2010 pour partir un an en Erasmus, à Madrid. Le mouvement des Indignés s’est lancé alors que j’y entamais mon deuxième semestre d’échange universitaire. Quand j’ai cherché à en faire partie, je suis spontanément allée voir les féministes du mouvement. Et là, j’ai découvert qu’un autre féminisme était possible.

    Un féminisme transpédégouinequeer, transmaricabolloqueer comme on dit là-bas. Un féminisme où les utopies ont toutes leurs places. Un féminisme qui organise des espaces de créativité et de liberté où chacunE peut performer une identité qui emprunte aux codes masculins et féminins sans s’enfermer dans un genre et qui réinvente sans cesse son propre vocabulaire afin de faire vivre et respirer la langue espagnole. Un féminisme profondément libertaire !

    Une année rythmée par les marches féministes

    Rentrée en France, j’ai intégré l’association féministe de ma fac qui avait été créée par des copines l’année précédente. Et là, c’est un travail de fond qui s’est amorcé à la fois individuel, bouleversant mon regard sur le monde et sur moi-même, et pleinement collectif.

    Tous les thèmes féministes y sont passés du plus consensuel au plus conflictuel : la parité, le harcèlement sexuel, le viol, le consentement, les agressions sexuelles, les troubles du comportement alimentaire, les droits des Lesbiennes Gays Bi et Trans (LGBT), la prostitution, le porno, le voile…

    Mon année universitaire a commencé à être rythmée au fil des manifs et marches féministes : le 25 novembre, journée contre les violences faites aux femmes ; le 8 mars, la journée des femmes (qui entre temps est devenu pour moi la journée de lutte pour les droits des femmes et a donc pris tout son sens) ; le 1 mai et son cortège féministe pour l’égalité salariale ; le 25 juin, marche des fiertés pour l’égalité des droits entre hétéro et LGBT.

    Ces manifestations, je les faisais aux côtés de féministes, que je qualifie aujourd’hui de féministes institutionnelles. J'identifiais de plus en plus de points de désaccord avec la ligne défendue par Osez le Féminisme, mais je déclarais que ceux-ci n’étaient que des points de détails ; après tout j’étais d’accord avec 80% de ce que ces féministes défendaient.

    Les féministes institutionnelles

    Sarkozy était encore président de la République et si j’étais contre la pénalisation des clients des prostituées par exemple, c’était avant tout parce que c’était une proposition de droite. Le président a changé et à mon grand regret, la pénalisation est également devenue une proposition défendue par la gauche au pouvoir.

    J’ai continué à faire des manifs aux côtés de féministes institutionnelles, tout en trahissant de temps en temps ce camp pour aller soutenir les travailleuses du sexe sur des manifs pour défendre leurs droits. Cet entre-deux me mettait mal à l’aise mais après tout j’avais des amiEs dans les manifs institutionnelles.

    La violence des "autres" féministes 

    Puis, j’ai fini par faire la manif du 8 mars 2013 aux côtés de l’association 8 mars pour toutes. A l’époque, 8 mars pour toutes se plaçait à la fin du cortège des féministes institutionnelles et cette année là, la manif s’est très mal passée.

    On ne pouvait pas chanter nos slogans, la violence symbolique voire physique que nous infligeaient les "autres" féministes était insupportable. Pourquoi ? Parce qu’on scandait des slogans pour les droits des travailleuses du sexe en pleine campagne pour la pénalisation des clients. Cet affront les mettait en rage.

    L'affiche du collectif féministe 8 mars pour toutes(Facebook/8marspourtoutES)

    L’année suivante, 8 mars pour toutes a décidé de faire sa propre manif pour la journée internationale de la femme. J’ai hésité jusqu’à la dernière minute en me disant que cette manif serait un flop et que faire deux manifs c’était peut-être contre-productif, mais le très mauvais accueil que nous avait réservé la manif institutionnelle de l’année précédente m’a définitivement convaincu d’y aller.

    Notre petite manif a pris de l'ampleur

    La petite manif composée de quelques centaines de personnes s’est finalement transformée en une manif comptant plusieurs milliers de personnes dans ses rangs. Le tout avec une énergie de dingue. Ca nous a galvanisé !

    Cette manif, elle transpirait la joie et l’émerveillement d’avoir conquis un espace de liberté, d’avoir su construire un espace bienveillant où nous étions en capacité de scander nos slogans sans que personne nous dise au sein de la manif de la boucler. Un espace où notre parole avait sa place, prenait sa place, la revendiquait, l’arrachait à la rue, une parole conquérante, forte et inclusive !

    Après ça, on n’a plus eu envie de perdre notre énergie à se battre contre d’autres féministes pour avoir voix au chapitre. Cette voix, on la prend et on déploie toute notre énergie pour mettre en commun notre rage, notre force et notre détermination.

    Travailleuses du sexe et femmes voilées

    J’ai toujours des amiEs dans l’autre manif. Je garde un profond respect pour certains des combats portés par des associations féministes institutionnelles et pour le travail quotidien qu’elles effectuent auprès de femmes victimes de violence par exemple. Mais, la marche à laquelle elles participent exclut des femmes qui, selon moi, font partie aujourd’hui de celles qui ont le plus besoin d’être soutenues.

    Parce que dans le nom 8 mars pour "Toutes", tout y est ! Le propre de cette manif et de celle de cette année qui s’annonce encore plus éblouissante et vivifiante que l’année dernière, c’est l’inclusion.

    J’y suis venue pour militer aux côtés des travailleuses du sexe pour défendre leurs droits, mais j’y ai aussi ouvert les yeux sur la violence qu’on inflige aux femmes voilées.

    Ces femmes qu’on dit incapable d’être féministes, incapables de faire leurs propres choix et qu’on voudrait "émanciper" de gré ou de force en bannissant le foulard de l’espace scolaire, de l’espace politique, de l’espace public si possible. Mais, quand on exclut le voile, on exclut aussi la personne qui le porte.

    Mon féminisme ne fait pas l'autruche

    Aujourd’hui, les agressions racistes et sexistes contre les femmes voilées se multiplient. Devant cette montée de l’islamophobie, le féminisme que je défends ne fait pas l’autruche, ne détourne pas le regard mais considère que ces violences subies sont des violences à combattre au premier plan.

    Ces violences sont rendues possibles par un climat de psychose à l’encontre des femmes voilées. Ce climat, l’Etat et les débats politiques qui ont lieu à son sommet en sont les premiers responsables.

    En tant que féministe, je choisis de marcher aux côtés de femmes portant le voile et se revendiquant féministes car ce qu’elles vivent est l’affaire de touTEs.

    "Reprend espoir, ici on t’aime"

    Etre féministe pour moi, c’est se placer aux côtés des citoyennes et citoyens de seconde zone. En tant que femme et encore plus en tant que lesbienne j'ai expérimenté et expérimente encore ce que c’est que de ne pas avoir les mêmes droits que LE citoyen "normal".

    Les personnes prostituées, les trans qui ne peuvent pas changer d’état civil sur simple déclaration, les femmes voilées, les lesbiennes... multiples sont les catégories qui peuvent vous relayer en marge, dans la citoyenneté de seconde zone.

    Manifester le 8 mars à partir de Belleville, signifie pour moi embrasser ces marges et leur donner de la force, rejoindre leurs combats pour un traitement égal et digne qui apporte plus de droits à touTEs. C’est dire à toutes ces personnes "reprend espoir, ici on t’aime".