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L’austérité grecque a creusé les inégalités

Grèce international

Lien publiée le 21 mars 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) Selon une fondation allemande, le revenu des 10  % des foyers les plus modestes a chuté de 86  % entre 2008 et 2012. Les 30  % des foyers les plus riches ont perdu moins de 20  %

En plein conflit entre Athènes et ses partenaires européens, la fondation allemande Hans Böckler apporte de l'eau au moulin des Grecs, sans les exonérer de leurs responsabilités. Jeudi 19  mars, cette organisation, proche de la confédération syndicale DGB, a présenté une étude portant sur l'évolution des revenus en Grèce, de 2008 à 2013. Pour ce faire, deux universitaires, Tassos Giannitsis (université d'Athènes) et Stavros Zografakis (université agricole d'Athènes), ont épluché les données de 260  000 foyers fiscaux représentatifs. M.  Giannitsis est très connu en Grèce. Sans être membre du Pasok, cet intellectuel a été conseiller du premier ministre Konstantinos Simitis, de 2000 à 2004.

Selon cette étude, les revenus des ménages grecs, qui étaient en moyenne de 23  100  euros avant impôts en  2008, sont tombés à 17  900  euros en  2012, soit une baisse de 23  %. Sur la période allant de 2009 à 2013, le recul des salaires et des revenus est de 19  %. En raison de la chute du salaire minimum et de l'affaiblissement des conventions collectives, les salariés des entreprises publiques ont même perdu 25  % de leurs revenus. Certes, les salaires avaient auparavant augmenté bien davantage que les gains de productivité mais les chercheurs estiment que la moitié environ de cette chute des revenus n'est pas justifiée par un éventuel nécessaire "  rattrapage  ".

Ils soulignent aussi que les effets de ce recul du pouvoir d'achat sur l'économie réelle ont été plus importants que ce qu'avaient prévu les institutions internationales. "  Comparée à 2009, la masse salariale de 2013 a été inférieure de 25  milliards d'euros et la demande intérieure a même chuté de 53  milliards d'euros. En revanche, les exportations n'ont progressé que de 3,8  milliards, une augmentation particulièrement faible au vu des réductions du coût de travail imposées  ", notent-ils.

Les fonctionnaires épargnés

Surtout, plus les Grecs sont pauvres, plus ils ont vu leur revenu fondre. Les deux chercheurs ont en effet étudié l'évolution de chaque décile de la population. Les 10  % des foyers les plus modestes (le 1er décile) ont vu leurs revenus avant impôt s'effondrer de 86  % entre 2008 et 2012. Pour les 2e et 3e déciles, la baisse a été respectivement de 51  % et de 31  %. Entre le 4e et le 7e décile, elle a été comprise entre 18 et 25  %. Quant aux 30  % des foyers les plus riches, ils ont perdu entre 17 et 20  %. En  2012, près d'un tiers des foyers disposait d'un revenu annuel inférieur à 7  000  euros.

Les réformes fiscales n'ont rien arrangé. Les impôts directs ont, selon les chercheurs, progressé de 53  % depuis le début de la crise et les impôts indirects de 22  %. Mais, plutôt que de s'en prendre aux professions exonérées d'impôts ou à la fraude fiscale – phénomènes qui se chiffrent, selon M. Giannitsis, entre 6  % et 8  % du PIB –, les gouvernements ont surtout davantage imposé les Grecs les plus modestes. Selon les deux chercheurs, les 50  % des Grecs les moins riches ont vu la pression fiscale qui s'exerce sur eux bondir de 337  %, alors que l'autre moitié a vu la sienne progresser de 9  % seulement.

Si tous les Grecs ont souffert, tous n'ont donc pas été logés à la même enseigne. Les fonctionnaires n'ont perdu "  que  " 8  % de leurs revenus de 2009 à 2013. Soit parce que, dans les faits, les baisses de salaire n'ont pas pu être mises en œuvre, soit parce que la justice a freiné l'application des réformes. Du coup, les fonctionnaires, qui gagnaient déjà en moyenne 35  % de plus que les employés du secteur privé en  2009, touchaient 45  % de plus que ces derniers quatre ans plus tard. Et comme les gouvernements ont cherché à protéger les fonctionnaires, dont ils avaient considérablement augmenté le nombre avant la crise, l'effort a été massivement supporté par le secteur privé.

Autre phénomène peu connu  : à côté du taux de chômage, qui a bondi de 7  % à 26  % entre 2008 et 2014, la Grèce a connu une explosion des préretraites. Leur nombre a progressé de 14  % dans le secteur privé, et de 48  % dans l'administration. Une façon pour les gouvernements de répondre à l'une des exigences de la "  troïka  " des bailleurs de fonds d'Athènes (Fonds monétaire international, Banque centrale européenne, Commission européenne) à savoir réduire le nombre de fonctionnaires, tout en préservant la paix sociale. Résultat  : les caisses de retraite sont aujourd'hui dans une situation extrêmement difficile.

A Berlin, M.  Giannitsis a jugé que la situation de la Grèce était autant due aux gouvernements grecs successifs qu'à la "  troïka  ". Si celle-ci n'a pas créé les problèmes de la Grèce, elle ne les a pas résolus, estime-t-il. Moins diplomate, Gustav Horn, directeur scientifique de la fondation Hans Böckler, juge, lui, "  inévitable  " un troisième plan d'aide à la Grèce.

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A Athènes, le " Grexit " s'invite à nouveau dans le débat

Le gouvernement grec mené par Alexis Tsipras, le leader du parti de la gauche radicale Syriza, le répète chaque jour  : le destin de la Grèce est dans l'Europe et dans la zone euro. C'est, en tout cas, la ligne officiellement fixée par Syriza en dépit de courants internes favorables depuis le début de la crise à une sortie de l'union monétaire. Ces derniers  mois, ces voix dissidentes s'étaient faites discrètes au sein d'un parti tourné vers la conquête du pouvoir. Le peuple grec est en effet très attaché à l'euro et à l'Europe et Syriza a su rassurer en promettant de mettre fin à l'austérité, mais en restant dans le cadre européen.

Mais, alors que les rumeurs de "  Grexit  " (sortie de la zone euro de la Grèce) dont on n'entendait plus parler depuis 2012 reprennent de plus belle à Bruxelles, le débat est aussi relancé à Athènes. Et trouve un relais dans la presse de gauche. Le quotidien Avgia publié, mercredi 18  mars, un article intitulé "  Un “Grexit” préférable à un troisième plan de rigueur  ", qui reprend les arguments des tenants de l'idée que la Grèce s'en sortirait bien mieux libre de sa monnaie.

Longtemps, Panayiotis Lafazanis, chef de file de "  La plate-forme de gauche  " – l'un des courants internes à Syriza –, a incarné cette tendance. Aujourd'hui ministre du redressement national au sein du gouvernement Tsipras, il se retient pour l'instant d'intervenir sur la question "  pour ne pas polluer les difficiles négociations en cours entre le gouvernement et les créanciers du pays  ", nous assure-t-on dans son entourage.

C'est donc le député Syriza et économiste Costas Lapavitsas qui monte au créneau ces derniers jours et défend son droit à "  informer la société grecque  " des options qui s'offre à elle face à "  l'échec de l'union monétaire  ". "  Si les négociations échouent, alors la Grèce n'aura pas d'autre solution que de sortir de la zone euro  ", affirme ce professeur diplômé de la London School of Economics. Un scénario qu'Alexis Tsipras cherche à éviter à tout prix en multipliant les rencontres au plus haut niveau politique européen. Il rencontrera d'ailleurs Angela Merkel à Berlin, lundi  23  mars.