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Luttes et organisation ouvrières dans le nettoyage

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Lien publiée le 25 mai 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Article de « Communisme-Ouvrier n°54 » , bulletin de l’Initiative Communiste-Ouvrière :

P. est militant de l’Union Locale CGT de Besançon et participe activement à l’organisation des travailleuses et travailleurs du nettoyage. Il a accepté de répondre à mes questions.

Tu participes activement à l’organisation des ouvrières et ouvriers du nettoyage, peux-tu nous raconter les circonstances qui t’ont amenées à rencontrer des travailleuses et travailleurs de ce secteur à Besançon ?

Une des activités de l’union locale de la CGT de Besançon est de filer un coup de mains aux copines et aux copains qui bossent dans des petites boites avec des petits syndicats, voir sans structures syndicales, qui ont des mandats comme délégués du personnel et autres, et qui veulent mener une activité dans leurs entreprises.

Il se trouve que parmi ces copines et copains à soutenir, il y a les camarades d’une petite boite de nettoyage de 13 salariés, Cristal Evénement, au sein de laquelle il faut faire face à des pressions, entraves au bon fonctionnement des délégués du personnel et à une répression anti syndicale.

De là, après plusieurs actions qui ont pu être menées, l’idée est venue de prendre contact avec d’autres travailleuses et travailleurs du nettoyage,parfois déjà syndiqués, par exemple au syndicat du commerce ou ailleurs, et qui avaient aussi ce besoin de se retrouver entre travailleuses et travailleurs du nettoyage, comme des camarades de Derichebourg.

Quelles actions ont été engagées pour soutenir les travailleurs de Cristal Evénement victimes d’une répression anti-syndicales et menacés de licenciement  ?

Au niveau de l’union locale, on a commencé à les soutenir à travers des communiqués et des tracts. Quand une copine de la CGT a été licenciée et que dans sa lettre de licenciement était noté son appartenance syndicale, une pétition a été lancée et a rassemblée plus de 500 signatures sur Besançon ; et un rassemblement a été organisé, qui a réuni une cinquante de militantes et de militants devant la boite.

C’est lors de ce rassemblement, où étaient aussi présents des camarades de la société Derichebourg, qu’a germé l’idée de regrouper les travailleurs du nettoyage ensemble dans un fonctionnement collectif à l’UL CGTde Besançon.

Ce secteur est particulier car on a à faire à beaucoup de petites boites et les travailleuses et travailleurs sont souvent isolés, peux-tu nous en dire plus sur les difficultés rencontrées pour s’adresser à eux ?

Il n’y a pas que des petites boites dans le nettoyage :autant il y en a qui sont à la limite de l’artisanat, d’autres comme Cristal Evénement qui ont 13 salariés et d’autres qui sont sous le seuil des 11 salariés pour avoir des Délégués du Personnel ; autant on peut avoir de grosses boites, type ONET, ENET et Derichebourg, qui peuvent rassembler plusieurs centaines de salariés localement et plusieurs milliers sur la France.

Par contre, le problème dans le nettoyage, c’est que les salariés sont souvent isolés. Ce sont essentiellement des femmes et en grande partie aussi des travailleuses immigrées, qui se retrouvent sur leur chantier à une, deux, trois, parfois un peu plus, sans avoir vraiment la force du collectif qu’on trouve dans un atelier ou dans un bureau. En plus d’être souvent isolées, elles ne se croisent parfois jamais, se retrouvent à aller à temps partiel faire quelques heures à tel ou tel endroit et ne savent pas forcément s’il y a des délégués dans leur entreprises.

C’est un secteur relativement compliqué au niveau de l’intervention syndicale et qui nécessite du coup un soutien extérieur qui peut être soit celui des structures interprofessionnelles du type UL ou celui des syndicats de boites qui font appel à la sous-traitance pour le ménage. Par exemple, EDF utilise des salariées d’ONET et d’ENET, Camelin (boite de métallurgie sur Besançon) des salariées de Cristal Evénement. Le réseau Ginko (transport en commun de Besançon), le CHU et certains services de la Ville font sous-traitent aussi les activités de nettoyage, etc…

C’est là aussi que l’UL CGT est utile et peut permettre, quand il y des sections syndicales implantées dans l’entreprise utilisatrice, d’utiliser cette force pour toucher les travailleuses et les travailleurs des boites de nettoyage qui viennent le matin et le soir y faire le ménage.

Comme je le disais aussi, le nettoyage est un secteur où il y a une grande partie de main d’œuvre féminine et dedans une bonne partie de travailleuses immigrées. Donc on a fait des affiches et des tracts en français, en arabe et en serbo-croate, qui sont les principales langues d’immigration, pour essayer de toucher un maximum de travailleuses et travailleurs quelle que soit leur langue.

Il semble que les droits élémentaires des travailleuses et travailleurs du nettoyage soient bafoués, comme le non-paiement des heures supplémentaires. J’ai même entendu dire qu’on demande parfois aux salariés d’acheter eux-mêmes leurs produits ou matériels de travail ?

Comme partout, si les travailleurs ne résistent pas et ne défendent pas leurs droits, les patrons ne se gênent pas pour faire des économies sur notre dos.

Dans le nettoyage, où comme je disais il y a peu d’organisation collective, qu’elle soit syndicale ou même un peu plus spontanée, compte tenu de l’isolement des salariés, même s’il y a quelqu’un qui connaît un peu ces droits mais qu’il est sur un autre chantier, il n’est pas là pour dire « écoute copain, là le patron est en train de t’arnaquer » ou « attention copine, là ton planning il n’est pas correct ». Et ça se joue souvent effectivement, comme tu disais, sur les heures supplémentaires qui ne sont pas forcément payées.

Par rapport à la deuxième partie de ta question, c’est pas qu’on demande aux gens d’amener le matériel. C’est que c’est arrivé (d’ailleurs ça a été gagné au prud’hommes donc on peut en parler) qu’à ONET, une ouvrière devait faire le ménage sur un chantier et ne disposait pas du matériel nécessaire pour le faire correctement. Et comme généralement, quand on est travailleuse ou travailleur, et même si on se fait exploiter, on aime bien faire son métier à peu près correctement, elle a été amenée à aller acheter des sacs poubelles pour le faire le mieux qu’elle pouvait. Et elle a fini par quitter l’entreprise, justement parce qu’elle n’avait pas le matériel nécessaire. On a récemment accompagné cette salariée aux prud’hommes pour requalifier sa démission en prise d’acte ayant effet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ça a été gagné. La salariée a gagné environ 1400 euros en tout, ce qui est pas trop mal vu les salaires très bas qu’il peut y avoir dans le nettoyage où beaucoup de contrats sont à temps partiel.

Un autre point qu’il peut être important de souligner, c’est que l’ensemble des boites de nettoyage se livrent à une concurrence permanente. Les chantiers sont donnés à une entreprise et régulièrement, tous les deux ans ou trois ans, l’entreprise qui sous-traite à la boite de nettoyage refait un appel d’offre et va prendre l’entreprise qui lui coûte moins cher, ou la même entreprise qu’avant qui propose du coup des prix encore moins chers.

A chaque fois c’est fait sur le dos des travailleuses et des travailleurs en leur demandant de faire le même chantier en moins de temps. A chaque fois, et même si ce n’est pas légal et qu’on ne peut pas changer les contrats comme ça, ça se traduit donc par une baisse du temps de travail et de la rémunération ainsi que par une intensification du boulot sur un temps plus réduit. Le travail est donc aussi beaucoup moins bien fait.

C’est d’ailleurs un des axes qui est pas mal discuté en ce moment dans les réunions de travailleuses et travailleurs du nettoyage : essayer de mettre en place une sorte de cahier des charges qui dirait « voilà : tant de surface à balayer ça nous prend tant de temps, tant de surface de carreaux à laver tant de temps », pour informer les comités d’entreprise, les délégués du personnel et les syndicats des structures utilisatrices et leur dire « attendez là, y’a toujours deux cents mètres carrés à nettoyer. Avant on avait 5 heures et on était 3 et maintenant on doit le faire en 4 heures à 2, ça veut dire que le boulot ne peut pas être fait ». Le but est de dénoncer ça aussi dans les entreprise qui utilisent les boites de nettoyage.

Tu viens d’évoquer des réunions qui ont lieu régulièrement entre des travailleuses et travailleurs du nettoyage, peux-tu nous en parler un peu ?

Au début on était très peu et là ça augmente, avec pas mal de boites représentées. Y participent des salariés qui sont déjà syndiqués mais aussi des non syndiqués, qui viennent et qui expose les problèmes qu’ils rencontrent dans leur entreprise et le non-respect de la convention collective et du code du travail.

Des camarades formés sur le droit du travail leur apportent des réponses et des axes, le but étant à terme de pouvoir essayer de constituer une structure propre des travailleuses et travailleurs du nettoyage, et aussi d’implanter petit à petit dans les entreprises du nettoyage des délégués et des militants capables de résister au patronat.

Comment vois-tu la suite ?

Pour l’instant on va continuer localement les réunions qui se déroulent à peu près mensuellement. Ça marche plutôt bien et les camarades qui viennent ont la pêche et envie de se battre pour faire respecter leurs droits.

On peut noter qu’il n’y a pas qu’à Besançon que les travailleuses et les travailleurs du nettoyage luttent et mettent en place des organisations pour se faire respecter.
A Belfort par exemple, un syndicat des femmes de ménages s’est constitué le 8 mars qui était une date symbolique. Aujourd’hui à Paris, par exemple, les travailleurs de TFN sont en lutte justement contre la baisse de leur temps de travail et donc de leur rémunération sur le chantier des finances publique (1) et à la Bibliothèque Nationale de France, les ouvrières du nettoyage d’ONET sont elle aussi en grève pour des revendications similaires (2).

(1) En grève depuis le 11 mars, on peut soutenir financièrement les grévistes de TFN : Chèques à l’ordre de « CGT solidarité grévistes » à l’adresse de la CGT Finances Publiques 6, rue Sainte Hyacinthe 75042 Paris cedex 01
(2) Le 23 avril, après 13 jours de grève, les grévistes d’ONET ont obtenu trois embauches supplémentaires, le paiement d’une partie des jours de grève et l’attribution d’heures complémentaires