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    Le rapport explosif d’un député français censuré par Guigou

    international

    Lien publiée le 30 mai 2015

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://mondafrique.com/lire/international/2015/05/09/un-depute-francais-flingue-la-politique-africaine-de-la-france

    Philippe Baumel, député PS de Saône-et-Loire, vient de rédiger un rapport sur les relations de la France et l'Afrique si explosif qu'Elisabeth Guigou, présidente de la commission des Affaires Etrangères, a demandé à son auteur de revoir sa copie. Ce qu'il a fait de mauvaise grâce.

    "Il y a des passages du rapport qui ne satisfaisaient pas un certain nombre de nos collègues, écrit le député socialiste Philippe Baumel sur son blog. On en a débattu et à la lumière du débat, on a décidé, mais en accord avec la président de la Commission, de préciser un certain nombre de choses." Des "précisions" qui n'allègent pas la sévérité du verdict. Au détour d'une page, on découvre par exemple que Paul Biya est qualifié d'"illégitime" par un des experts interrogé par Baumel. Le président camerounais, 82 ans et 33 ans de pouvoir ininterrompu, va certainement apprécier. "Illégitime" est un mot qui a été prononcé par un des experts que nous avons invités, rétorque le député. Tout naturellement le compte rendu des propos figure dans le rapport, [...] ce n’est pas nous qui l’avons prononcé. »

    Que dit cet exposé fleuve? 
    Qu'en Afrique, Hollande ne voit pas plus loin que le bout de son nez et que la France y impose ses vues au son du canon. D'où cette conclusion, pavée de bonnes intentions: "Il faut réinventer une politique africaine : les actions militaires sont privilégiées au mépris d’une vraie politique de développement".
    Ce n'est évidemment pas nouveau de constater aujourd'hui que François Hollande n'a pas de colonne vertébrale en matière de politique étrangère, qu'il évolue au fil des événements, non sans adresse (les signatures en rafales de contrats avec les pétromonarchies en sont la récente illustration) et que, dans les eaux déchaînées de l'Afrique, le paquebot France (le "pédalo" aurait dit Mélenchon) est balloté comme une pirogue, et risque à tout moment de faire des tonneaux. C'est aussi une évidence d'observer que le ministre de l'Afrique s'appelle désormais Jean-Yves le Drian, chargé de la Défense. Le ministère de la Coopération et accessoirement du Développement, qui existait, dans le gouvernement français, depuis 1959, a totalement disparu avec l'avènement de Hollande et l'épisode Pascal Canfin, l'ectoplasmique ministre écolo. Il  est désormais relégué dans un coin du placard gouvernemental avec la secrétaire d'Etat Annick Girardin qui  tente d'exister en multipliant les actions humanitaires.

    Comment a été rédigé ce texte?
    Il est la synthèse d'entretiens entre le député et des dizaines d'acteurs de la politique africaine à Paris, un gros bataillon de fonctionnaires divers et variés, un seul ancien ministre Hubert Védrine, d'experts africanistes autoproclamés, d'économistes, de militaires, de membres d'ONG, d'ambassadeurs, et même de quelques journalistes, de RFI et de Jeune Afrique. Ca fait un peu fourre-tout et c'est parfois un peu court dans l'analyse des réalités africaines. Baumel a certes séjourné durant quatre jours au Cameroun où il rencontré des autochtones, mais aussi quelques représentants d'entreprises françaises comme Total ou Orange. Mais, même si ce n'est pas le sujet du rapport, il aurait pu l'étayer avec des fondations moins blanches. Puisque le sujet est le développement et qu'au final, on devrait quand même avoir besoin des Noirs pour mener le projet à bien...!

    Pourquoi ce rapport?
    On ne doute pas un seul instant des belles intentions qui animent l'auteur. Le développement de l'Afrique est une cause magnifique mais comme à Mondafrique, on a toujours mauvais esprit, on peut aussi se demander si les dirigeants français du Medef n'en ont pas marre de l'omniprésence des militaires sur les territoires où leurs entreprises sont implantées. S'ils ne préféreraient pas qu'ils se fassent un peu plus discrets. "Plus c'est le bordel dans un pays, plus on fait de bonnes affaires", disent les marchands d'armes. Cette vision ne semble pas satisfaire les patrons hexagonaux qui ont besoin de paix et de visibilité à long terme pour rentabiliser leurs investissements. Baumel ne met pas vraiment l'accent sur le sentiment anti-français qui monte partout en Afrique, mais en soulignant la meilleure réussite des ex-colonies non francophones, on comprend entre les lignes, que lui aussi en a ras-le-bol de voir des casques tricolores partout en Afrique de l'Ouest.

    Une vision de l'histoire un peu courte
    Comme sa collègue socialiste, ministre de l'Education, avec sa réforme des collèges, l'histoire est traitée par dessus la jambe. Heureusement, le langage employé est moins abscons que celui des technocrates de Vallaud-Belkacem. Mais, on lit chez Baumel des raccourcis historiques assez saisissants. Celui-ci par exemple: Après avoir dressé la liste impressionnante de coups d'état, de guerres, civiles ou pas, qui ont frappé les ex-colonies françaises depuis les indépendances, le député écrit ceci: "Un rapide survol de l’histoire du continent montre aisément que l'Afrique non francophone a également, et longtemps, souffert de crises politiques parfois très violentes et de plus ou moins longue durée et qu’il n’y a pas de « fatalité francophone ». Il suffit pour s’en convaincre, poursuit-il,  de rappeler les deux millions de morts de la guerre du Biafra à la fin des années 1960 au Nigeria (...)  les guerres civiles du Liberia, entre 1989 et 1996 puis entre 1999 et 2003, celle de Sierra Leone, de 1991 à 2002." Il suffit aussi de consulter les archives de la Françafrique, mais visiblement Baumel ne l'a pas fait, pour savoir que ces exemples sont très mal choisis. La France a grandement soufflé sur les braises de ces trois guerres. Le général de Gaulle qui souhaitait le « morcellement » du Nigeria afin d'affaiblir la zone d'influence britannique, a vigoureusement aidé la sécession biafraise, via notamment Houphouët-Boigny dont le pays servait de plaque tournante à la rébellion. C'est le même président ivoirien qui en 1989 a armé la colonne de Charles Taylor qui s'est élancée de Côte d'Ivoire pour aller conquérir le pouvoir au Liberia. Lequel Taylor a propagé la terreur dans la Sierra Leone voisine avec des hommes comme Sam Bockarie, le coupeur de bras "manches longues" ou "manches courtes". Un Bockarie appelé à la rescousse dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire en 2003, pour lutter contre Gbagbo, où il sera liquidé, parce que devenu trop compromettant, dans une opération des forces spéciales françaises. 

    Quelques constats accablants
    Baumel relève d'abord un double paradoxe: "D’une part, alors que la France affiche depuis longtemps son souhait de redéfinir ses relations avec l’Afrique et notamment sa volonté de réduire sa présence militaire, la politique africaine de la France se traduit en fait par un engagement croissant dans les crises qui secouent le continent. Au cours des cinq dernières années, la France est intervenue en Côte d’Ivoire, au Mali et en République centrafricaine." Selon le député, cet engagement, qui coûte un milliard d'euros par ans, a des limites : la France ne peut intervenir partout, ni rester éternellement là où elle s’est engagée, ne serait-ce que parce ses propres capacités sont restreintes. Par ailleurs, ces opérations ne sont pas suffisantes pour rétablir des conditions de stabilité durable."  Il constate ensuite que si la France consacre des moyens budgétaires croissants au titre de ses opérations militaires et de sa participation aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, mais son effort en faveur de l’aide au développement régresse : la France déclare aujourd’hui 8,5 milliards d’euros au titre de cette aide, en diminution constante depuis 2011. Or, seule une politique de développement efficace peut contribuer à une stabilisation durable du continent africain."  
    L'aide au développement est mal utilisée, estime Baumel: "Prenons le cas du Mali. La France a déversé des centaines de millions d’euros sur ce pays depuis la décolonisation, en s’aveuglant, et cet Etat s’est effondré en 15 jours, nous appelant au secours. Et pourtant l’incurie se perpétue : il semble que la première urgence des nouvelles autorités ait été d’acheter un avion présidentiel..."
    La croissance économique est très forte, 4,3% par an en moyenne, dans la zone francophone, constate le député, mais elle s'accompagne souvent d'une dégradation constante des systèmes de santé et d'éducation. L'espérance de vie stagne autour de 50 ans. "Les données relatives à l’éducation ne sont pas moins alarmantes : le taux d’alphabétisation est encore inférieur à 50 % au Sénégal, pour une durée moyenne de scolarisation de 7,8 ans. Les chiffres mauritaniens sont légèrement supérieurs, 58 % et 7,9 ans, mais très bas au Bénin où seuls 42,4 % de la population sont alphabétisés, malgré une durée moyenne de scolarisation supérieure à 9 ans. De même, dans un pays comme le Mali, le taux d’alphabétisation n’est aujourd'hui que de 31,1 % avec une scolarisation moyenne de 7,2 ans.la durée de scolarisation que peut espérer un enfant nigérien est de 5,4 ans (...) Près de 80 % des Nigériens actifs n’ont aucune formation et l’on relève que les six pays les moins bien classés sur ce plan sont tous francophones."
    L'indice de développement humain est catastrophique: Le Rwanda et le Cameroun, les mieux classés, sont 151e et 152e, suivis de peu par Madagascar, 155e de la liste. La position des différents pays d'Afrique francophone est ensuite la suivante : Comores, 159e ; Mauritanie, 161e ; Sénégal, 163e ; Bénin, 165e ; Togo, 166e, à égalité avec le Soudan ; Djibouti et la Côte d'Ivoire, qui affiche pourtant un taux de croissance supérieur à 8%, sont aux 170e et 171e rangs ; le Mali est 176e devant la Guinée, le Burundi et le Burkina Faso, respectivement à la 179e, 180e et 181e positions. Enfin, les quatre derniers pays  sont également francophones : le Tchad, la République centrafricaine, la RDC et le Niger sont échelonnés entre la 184e et la 187e places.

    D'où cette question finale qui brûle les lèvres à la lecture du rapport: Mais où passe l'argent?