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Mexique. Le processus électoral le plus violent de ces dernières décennies

international Mexique

Lien publiée le 10 juin 2015

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http://www.revolutionpermanente.fr/Mexique-Le-processus-electoral-le-plus-violent-de-ces-dernieres-decennies

La campagne électorale pour les législatives de mi-mandat a eu lieu dans un cadre d’instabilité politique marqué par le besoin de légitimation du régime après la disparition des 43 étudiants d’Ayotzinapa. C’est le président Peña Nieto, du PRI, qui se profile comme vainqueur du scrutin alors que la campagne a été caractérisée par des affaires de corruption, des millions dépensés, des violences et des assassinats de candidats et de militants de différents partis politiques. Ces dernières semaines, quant à elles, ont vu l’irruption d’un mouvement de contestation avec, à sa tête, les enseignants.

Les Mexicains ont été appelés aux urnes dimanche 7 juin pour renouveler la chambre des députés, neufs gouverneurs, des maires, des conseillers municipaux et des députés locaux. Le régime mexicain a besoin de regagner en crédibilité pour mener à bien ses contre-réformes économiques au bénéfice d’une poignée de riches et de l’impérialisme. En effet, la disparition des 43 étudiants d’Ayotzinapa le 26 septembre dernier a dévoilé le caractère sanguinaire d’un régime corrompu, associé aux cartels de la drogue et garant de l’ingérence impérialiste, sous prétexte de lutte contre les « narcos ».

Un début de campagne électorale sous le signe de la violence

Durant la campagne, vingt candidats et membres de leurs équipes ont été abattus. Pour ne citer que quelques exemples, le 13 mai, dans l’Etat de Michoacán, Enrique Hernández Saucedo, candidat à la mairie de Yurecuaro pour le Morena (Mouvement Régénération Nationale, nouveau parti issu de la gauche du PRD social-démocrate) a été assassiné en plein meeting. Dix jours après, 43 personnes ont été abattues lors d’une intervention de la police fédérale à Tanhuato. Le 2 juin, Miguel Angel Luna, candidat du PRD pour un poste de député (Parti Révolutionnaire Démocratique, centre-gauche) a été abattu dans son bureau.

La guerre de spots télévisés entre le PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel, parti au pouvoir de façon quasi continue depuis les années 1920) et le PAN (Parti d’Action Nationale, droite conservatrice) s’est transformée en affrontements lors de la clôture de campagne dans l’Etat du Yucatán et s’est soldée par la mort d’un militant, montrant l’acharnement avec lequel ces partis se disputent le droit à gérer les affaires capitalistes.

Ces dernières semaines, l’instabilité dans le scénario électoral était due principalement à la violence des narcos, de l’armée et de la police fédérale, aux assassinats des candidats et de différents scandales liés à la corruption. Mais les derniers jours ont été marqués par l’apparition sur le devant de la scène des manifestations d’enseignants.

Un mouvement se structure contre la mascarade électorale

En effet, les enseignants combatifs organisés dans la Coordination nationale de travailleurs de l’éducation (CNTE) ont voté en assemblée générale la grève dans les Etats d’Oaxaca, Chiapas, Guerrero et Michoacán dès le 1er juin. Leurs revendications ont trait à l’abrogation des reformes structurelles, notamment celle de l’éducation, soutenues par le patronat mexicain, qui cherche à privatiser l’enseignement. Ils dénoncent également la tenue de ces élections en appelant au boycott, tout comme les familles et collègues des 43 étudiants disparus d’Ayotzinapa et des organisations politiques et sociales dont le Mouvement de Travailleurs Socialistes qui appelle à annuler le vote sous la consigne #Faltan43.

Dans cinq Etats des mesures de boycott aux élections ont été mises en place : Guerrero, Michoacán, Chiapas, Oaxaca et Zacatecas. Avec à la tête les enseignants, les manifestants s’en sont pris aux sièges de l’Institut National Electoral (INE) ainsi qu’à ceux du PRI et du PAN. Le 3 juin, les enseignants de la CNTE ont occupé le siège de l’INE ainsi que l’Institut électoral de Michoacán, et ont mis le feu aux installations. Les murs extérieurs ont été tagués en référence aux 43 disparus d’Ayotzinapa et en soutien à leurs familles. Les enseignants de la section 7, en grève reconductible depuis le 1er juin, ont occupé 10 stations de service de Pemex et offert aux automobilistes le carburant gratuitement.

Des milliers d’enseignants ont bloqué, à Tuxtla, l’autoroute qui mène à Mexico DF. Ils ont également vidé les camions de livraison (lait, coca-cola, pain) afin d’en redistribuer le contenu aux automobilistes et passants. A Oaxaca, les instituteurs de la section 22 du Syndicat National de Travailleurs de l’Education (SNTE) ont occupé 11 sièges de l’INE, en brûlant des milliers de bulletins de vote. De la même manière, ils ont bloqué l’aéroport de Santa Cruz Xoxocotlán, ainsi que maintenu l’occupation de centres de distribution de carburant Pemex et détruit un bureau du PRI.

Ces quelques actions montrent la détermination du mouvement pour le boycott aux élections pour lesquelles les 43 étudiants d’Ayotzinapa manquent encore à l’appel.

Une tentative de division du mouvement sans succès

Au vu de la montée en radicalité de la contestation, le gouvernement a essayé de diviser le mouvement. En effet, le secrétaire à l’Education a annoncé la suspension pour une période indéterminée de l’évaluation enseignante, l’une des mesures les plus contestées de la réforme. Le coordinateur du PRI à la Chambre des députés a ainsi déclaré que « la mesure annoncée vendredi dernier s’inscrit dans la vocation du gouvernement fédéral de faire le nécessaire pour démontrer sa volonté et que dimanche 7 juin les élections puissent avoir lieu en paix et tranquillité ».

Malgré cela, la CNTE a décidé la continuité du plan de lutte pour le boycott électoral, tout en signalant l’insuffisance de cette proposition et en exigeant à sa place la suspension définitive du scrutin, outre l’abrogation de la reforme éducative et la présentation en vie des 43 étudiants d’Ayotzinapa.

Néanmoins, les enseignants ne sont pas seuls. Selon divers médias, une large couche de la population ne fait plus confiance à ce processus électoral ni aux partis institutionnels qui y participent. C’est que le gouvernement de Peña Nieto, les partis et les institutions du régime arrivent à ces élections profondément délégitimées. Ils misent sur le piège électoral pour se refaire une beauté et pouvoir ainsi rétablir la stabilité requise pour garantir les bonnes affaires capitalistes.

Une répression accrue pour imposer ces élections contestées

On a assisté ces derniers jours à une recrudescence de la répression de la part du gouvernement et des partis du régime : vendredi, les travailleurs en lutte de l’Institut National des Beaux-Arts ont été agressés par les forces de police du gouvernement de la capitale (DF) dirigé par le PRD. A Puebla, des étudiants ont été arrêtés et à Veracruz huit autres sauvagement frappés. Samedi dernier, Juan Villegas Tenorio, dirigeant du syndicat d’enseignants de Tlapa, est décédé vidé de son sang, après avoir été frappé par la police lors d’une manifestation.

A Tixtla, les forces de l’ordre ont carrément isolé ce municipe qui héberge l’école Normale Rurale Isidro Burgos, fréquentée par les 43 étudiantes disparues, pour empêcher la protestation sociale à Chilpancingo.

A Oaxaca, 20.000 gendarmes et militaires ont été déployés, équipés de patrouilles, véhicules antiémeutes et avions. Cet impressionnant dispositif répond à la politique du gouvernement qui cherche à imposer une journée électorale sans protestations.

Les autorités essayent, d’une part, d’isoler les enseignants avec une campagne médiatique en les diabolisant et, de l’autre, de semer la terreur dans les secteurs les plus combatifs, pour mettre fin à toute contestation et recomposer un régime.

C’est que l’ombre de la disparition forcée des 43 étudiants d’Ayotzinapa plane sur la société mexicaine, et s’exprime de multiples façons. Même si les mobilisations ont perdu en intensité par rapport à l’année dernière, l’absence des jeunes reste une blessure ouverte qui est loin d’avoir cicatrisé.

Ainsi, ces élections de mi-mandat représentent une étape décisive pour le président mexicain. Jusque là, Enrique Peña Nieto et ses partenaires n’ont pas réussi à imposer le climat de « normalité » exigé par le gouvernement nord-américain et le patronat.

Invité spécial de François Hollande

Enrique Peña Nieto porte sur son dos de multiples scandales de corruption, ainsi que la responsabilité des disparitions et des exécutions de milliers de personnes dans tout le Mexique à travers la « guerre contre le narco » entamée en 2006 et qu’il poursuit. Malgré cela, le gouvernement français a invité le président mexicain à participer aux festivités du 14 juillet, un soutien international de la part de l’impérialisme français qui sert à légitimer Peña Nieto et son régime assassin.

Pour plus d’informations et une couverture complète de la campagne et des élections au Mexique, nous vous renvoyons à La Izquierda Diario México.

09/06/2015.