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Un air de Podemos au Mexique ?

international Mexique

Lien publiée le 11 juin 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.revolutionpermanente.fr/Un-air-de-Podemos-au-Mexique-Pedro-Kumamoto-le-premier-depute-independant-a-Jalisco

A l’occasion des dernières élections au Mexique, Pedro Kumamoto, candidat indépendant pour le District 10 de Zapopan, a obtenu un siège de député dans un des principaux états du pays.

Avec plus de 7350 000 d’habitants, Jalisco est l’un des centres industriels les plus importants du pays. Des multinationales comme Honda, Sanmita Science Systems, Continental Automotive y ont des usines. Jalisco est le troisième état en termes d’investissements étrangers directs (1200 millions de dollars par an provenant de capitaux étrangers).

Lors des élections intermédiaires, le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) a perdu un de ses bastions historiques. Le Mouvement Citoyen, de centre-gauche et récemment créé dont le candidat était Enrique Alfaro Ramirez, a gagné la mairie de Guadalajara (centre-ouest du pays).

Le vote Kumamoto : un ras-le-bol de la caste politique traditionnelle

Dans le District 10, le jeune Pedro Kumamoto a gagné avec une bonne marge : 37.73% face à 22,29% pour le Mouvement Citoyen. De son côté, le PRI a fait face à ses pires scores avec seulement 13.76% des voix. C’est d’ailleurs dans ce district que le pourcentage de voix nulles a été le plus faible : seulement 0,26% alors que dans le reste des districts il a oscillé entre 2,32% et 3,76%.

Kumamoto a 25 ans, il est médiateur culturel diplômé de l’Institut Technologique d’Études Supérieures d’Occident (ITESO) -Université Jésuite de Guadalajara- et est également activiste social faisant partie de Wikipolítica Jalisco, un regroupement d’étudiants et de jeunes sans parti qui se propose de “réinventer la politique à partir de la collectivité et de la technologie”.

Avec un discours nouveau et une campagne électorale modeste, dans laquelle il a déclaré avoir dépensé 18 500 pesos mexicains (un peu plus de 1000 euros), le jeune Kumamoto apparaît comme un espoir pour des dizaines de milliers de jeunes à Jalisco face aux partis traditionnels qui gaspillent des milliards.

Il a déclaré : « Je veux être ton député parce qu’il est temps de reconquérir le gouvernement pour les gens et de construire de façon honnête, collective et transparente la politique ». Ainsi, il se situe parmi le courant politico-idéologique qui est né au Mexique en 2012 autour de la campagne #Yosoy132, et en ce sens, il est comme un point de référence pour les jeunes qui ont fait partie de ce mouvement et rejettent la caste politique corrompue.

Kumamoto dénonce alors pêle-mêle sur son site : « [Il y a] des murs dans notre pays… les murs qui séparent les représentants des représentés, qui nous maintiennent en dehors des prises de décisions, qui protègent les intérêts de quelques-uns et vont contre ceux de la majorité. Les murs d’un système politique qui ne vient vers nous que pour obtenir des voix tous les trois ans et une fois obtenues (ou achetées), se replie sur soi pour se partager le butin ».

Il se positionne de façon générale contre les formations politiques traditionnelles, en dénonçant leur parti pris pour les intérêts de quelques-uns plutôt que pour ceux de la société. Cependant, cette distance qu’il pose face aux partis du régime n’est pas liée à une critique de leur programme, et en particulier en ce qui concerne la politique économique et sociale qu’ils mènent en tant que représentants des intérêts des classes dominantes du Mexique. Ainsi il ajoute : « Mais ces murs ont des fissures, nous, ne lâchons pas ». Il s’auto-désigne de fait comme une fissure dans les murs du régime mexicain.

Ses promesses de campagne, même si limitées d’un point de vue de la remise en question de l’ordre existant, attirent l’attention d’une large frange de la population face aux secteurs de droite conservateurs représentés notamment par les partis traditionnels. Un exemple de ceci est sa promesse de donner 70% de son salaire en tant que député aux associations de paysans.

Dans le journal Milenio , on retrouve parmi ses propositions « l’élaboration d’un budget participatif, la révision des lois pour les rendre claires, efficaces, centrées sur les personnes et la création d’une plateforme en ligne pour que les citoyens puissent proposer des modifications à la législation ».

Le budget participatif au débat

Dans des déclarations faites à El Informador.mx Kumamoto a signalé que « ceux qui connaissent le mieux les services et améliorations dont ils auraient besoin sont ceux qui vivent dans les villages. Les citoyens décideront où investir les ressources de leurs quartiers ». La discussion sur un budget, dès lors qu’elle remet en cause l’utilisation des ressources par le gouvernement, peut effectivement exprimer les aspirations de la jeunesse et de la classe travailleuse.

Cependant, la discussion sur le budget participatif est soumise à d’importantes contradictions et limites. L’exemple du cas de Porto Alegre au Brésil est très éclairant à ce sujet. A partir de 1989, c’est le gouvernement de la ville qui détermine en quoi il doit investir entre 75 et 85% du budget, alors que les résidents de la ville ne décident, eux, que sur 15 à 25% de celui-ci.

Sans aller très loin, dans la ville de Mexico il existe déjà une Loi du Budget Participatif. Celle-ci donne 5% du budget à la ville et aux projets proposés par les habitants. Dans les deux cas il s’agit de pourcentages infimes.

Mais de quel type de budget participatif parle Kumamoto ? D’après ce qu’il a lui-même signalé dans un reportage : « Tous les six mois vont être réalisés des diagnostiques participatifs dans tous les quartiers du District 10 pour définir les problèmes fondamentaux et les présenter aux autorités compétentes ».

Mais ce qui serait juste c’est que 100% du budget de Jalisco se discute et se vote dans des assemblées d’habitants des quartiers du district et avec la participation d’organisations ouvrières et populaires au sein de celles-ci.

Il faut exiger l’ouverture des livres de compte et la révision de tous les contrats et licences délivrés par l’état, pour que les travailleurs et le peuple organisé depuis la base puissent en finir avec toutes les pratiques de corruption auxquelles la classe politique mexicaine est habituée.

De même, les fonds du budget de l’état doivent s’obtenir à partir d’une imposition progressive sur les capitalistes. Et pour cela il faudrait définir une échelle progressive d’imposition et de services où les multinationales, les banques et les entités financières installées localement payent plus.

En outre, il faut exproprier les fortunes et biens des cartels du narcotrafic. Ces fonds doivent se mettre au service des travailleurs et des jeunes de Jalisco pour garantir le logement, les infrastructures urbaines, la santé et l’éducation en fonction des besoins de la population.

Mais comment parvenir à faire que le gouvernement de Jalisco, entre les mains d’Aristote Sandoval, du PRI, permette aux travailleurs et au peuple de décider de leur avenir ? Si les principaux partis au pouvoir en sont venus aux altercations physiques pour obtenir les postes qu’ils ont ; si pendant la récente campagne électorale il y a eu 20 morts parmi les candidats, pré-candidats ou membres des équipes de campagne, cela veut dire que la possibilité d’un gouvernement des travailleurs et du peuple ne peut s’appuyer que sur une large mobilisation dans les rues.

Ainsi, c’est par l’alliance des jeunes qui haïssent le régime responsable de la disparition des 43 étudiants d’Ayotzinapa et la classe des travailleurs, bien que non mentionnée comme telle par Kumamoto, que la lutte devra se poursuivre.

Traduction : Malena Vrell