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Serge Marquis - Je quitte le Parti de gauche, ouf !
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Nous relayons ici un texte d'un militant du PG, qui en dit beaucoup sur la nature de ce parti
http://blogs.mediapart.fr/blog/serge-marquis/050715/je-quitte-le-parti-de-gauche-ouf
Ce week-end, j’ai franchi la porte du congrès du PG avec l’infime espoir qu’il s’y opèrent des micro-sursauts. Lorsque je suis sorti de là, je n’avais qu’un mot à l’esprit : « Aberrant. » Il arrive un moment où trop, c’est trop.
Ce que j’y ai vu, entendu, compris est le contraire des raisons qui m’avaient fait adhéré à ce Parti. En un mot : je quitte ce parti avec un « ouf » de soulagement. L’entreprise charismatique a ses limites, j’aurai dû le quitter plus tôt. Il n’est pas question que je le cautionne davantage.
Trois exemples :
1. – L’enterrement des débats.
La Commission des débats est le lieu stratégique de préparation du congrès, par lequel est décidé le sort des amendements reçus : s’ils doivent faire l’objet d’une discussion, d’une récriture ou s’ils doivent être rejetés… La plateforme de la « majorité » (54,5 % contre 45,5 % pour les « opposants », soit 134 voix de différence pour une participation de 1 700 votants) est passée ainsi de 12 pages à 27 ! Verbeuse, enfonçant des portes ouvertes, elle est cependant, démagogiquement, présumée plus démocratique.
Ce filtrage a conduit, aussi, à mettre cinq points à la discussion et au vote des congressistes, sous la forme à chaque fois de deux amendements concurrents.
Temps de parole pour exprimer son opposition aux travaux de cette commission ? Six minutes, à raison de 3 mn par personne, car il n'est pas prévu que plus de deux personnes s'expriment sur le sujet !
L’avis de la commission sur un amendement vaut droit de vie et de mort. C’est par conséquent cette commission qui détermine à l’avance l’intérêt ou pas d’un congrès, dont il faut rappeler que les décisions valent pour deux ans, jusqu’au congrès prochain…
Autre point important à relever : le temps de parole de tout-e délégué-e est de 3 mn pour les trois jours du congrès ! Il s’agirait de cette manière d’encourager les presque 400 délégué-es à intervenir… Pourtant, nous verrons par la suite que d’autres ont des passe-droits et que l’organisation du congrès a prévu seulement l’équivalent d’une journée et demie pour vraiment débattre et voter. Gare à n’intervenir que sur un sujet vital. Et, encore !, le nombre maximum d’intervenants sur un thème est de quatre ou cinq personnes… Quatre-cinq personnes « Pour » et quatre-cinq personnes « Contre ».
Je résume les conditions d’organisation de ce congrès : un temps de parole de 3 mn par délégué-e pour tout le congrès, cinq débats en réunion plénière sur lesquels, selon, ne pourront prendre la parole que quatre-cinq (personnes) « Pour » et quatre-cinq « Contre »…
La machine est huilée : passés les 3 mn de temps de parole, un son retentit.
Evidemment, aucune démonstration politique, aucun développement n’est possible dans ces conditions. C’est pourquoi la direction autorisera Jacques Généreux… à défendre à la tribune son amendement personnel durant 23 mn…
Aberrant. Scandaleux.
2. – La fin du parti-creuset.
C’est le responsable principal de la plateforme « minoritaire » qui a été choisi par la Commission des débats pour présenter un amendement qui change du tout au tout les règles démocratiques du PG…
Au nom d’une conception frelatée du « parti-creuset », ce responsable a pleinement proposé qu’il ne soit plus possible que les responsables d’une plateforme « minoritaire » décident de la maintenir et la fassent voter au congrès. Ce qui revenait à demander aux congressistes de voter pour que, dorénavant, aucune plateforme différente de celle de la direction n'arrive au congrès (car a-t-on déjà vu une minorité d'un parti devenir majoritaire ?).
Décidément, la direction avait bien l’intention de faire payer ceux qui lui avaient donnée des sueurs froides, avec un résultat explosif de quasi-majoritaires ! Pour la première fois en effet depuis la création du PG, une deuxième plateforme obtenait plus des 20 % des voix du Conseil national et pouvait s'exprimer dans l'ensemble des comités : l’effroi…
D’ailleurs, aucun nom des principaux responsables de la « minorité » ne figurera sur la liste présentée par la direction pour renouveler le Secrétariat exécutif national, l’instance de décision ! (C’est aussi une particularité : la direction s’auto-renouvelle en proposant aux congressistes sa propre liste de direction.)
Mais revenons à l’amendement en question.
Deux délégué-e-s expriment la position du « Contre » et deux se disent pour le « Pour ». Lorsque l’un des « Contre » rappelle que le parti-creuset, c’est précisément la possibilité de faire vivre en interne le pluralisme sous la forme de plateformes, courants, tendances différentes, on lui rétorque que « ça, c’est le PS ! »Vote. Amendement largement approuvé !
En un tour de main, le congrès du PG vient d’acter le scrutin majoritaire dans ses statuts. Tout le pouvoir appartient à celui qui est majoritaire, même s'il fait 50,1 % !
De cette manière, les délégué-e-s croient disposer d’un parti efficace. Or c’est l’inverse qui va se produire.
C’est le retour aux structures staliniennes du centralisme bureaucratique, le savent-ils ?
Savent-ils qu’à ce compte-là, Syriza n’existerait pas ?
Que c’est aussi grâce à l’existence d’un courant minoritaire interne – la Plateforme de gauche (30 % du groupe parlementaire) – que Alexis Tsipras a dû rompre les négociations de dupes avec la Troïka ?
Aberrant. Scandaleux.
A chacun sa ligne rouge, pour moi elle vient là d’être franchie.
3. – Le Ponpon.
Comme je l’ai déjà écrit dans mon précédent billet :
http://blogs.mediapart.fr/blog/serge-marquis/010715/congres-du-pg-derniere-minute,
la Commission s’est arrangée pour écarter in extrémis un amendement :
http://blogs.mediapart.fr/blog/serge-marquis/290615/mes-camarades-du-pg
dont même les opposants ne voulaient pas parce qu’ils n’en comprenaient pas l’importance, à tous points de vue.
Cependant, la thématique (même édulcorée) avait de quoi donner de nouvelles sueurs froides à la direction lorsqu’elle serait discutée au congrès…
Tout comme les autres, je me suis rendu à la séance plénière plein d’intérêt pour ce qui allait se produire.
J’ai vu aussitôt comment la direction avait décidé d’esquiver le débat : Jacques Généreux était à la tribune, au micro, et commençait son numéro de charme au milieu d’applaudissements réguliers, de complaisance matoise de la part des dirigeants et de servilité volontaire de la part des délégué-es. Il a ainsi pu s’exprimer durant 23 minutes sur l’euro et l’UE pour soutenir ce que l’on sait être son propre amendement !
Devant le verrouillage grossier, la révolte m’a mis hors de moi.
Lorsqu’il a parlé – il faut l’entendre avec son ton du premier de la classe (en substance : « Les camarades ont proposé que je cadre[le débat]… ») –, j’ai élevé d’un trait la voix : « Non, pas “cadrer” : “verrouiller” ! Tu fais du verrouillage ! Tu es membre du PG, tu n’as le droit normalement qu’à trois minutes pour t’exprimer ! Comme les autres ! » L’apostrophe a duré quelques secondes mais son onde de choc s'est diffusée dans l’assistance, médusée. Un type du SO a accouru. Mais c’était fini, l'interdit avait été rompu.
Ces gens-là manquent de courage, physique et politique. Pour ma part, il n’est pas question que j'assiste innocemment à de telles manœuvres.
Je ne connais pas Jacques Généreux mais l’homme ne pouvait pas ignorer l'entourloupe à laquelle il participait. Autant dire que j'ai désormais peu d’estime pour lui. Il y a des gens qui prônent la révolte mais en sont indignes (comme en mai 68, lorsqu'on disait : « D'où parles-tu ? »). Jean-Luc Mélenchon, paraît-il, aurait réagi lui aussi… Mais pour m’insulter : « Si tu n’es pas content, barre-toi ! »
Je ne quitte pas le Parti de gauche sur son injonction, j’aurais plutôt tendance à y rester rien que pour le marquer à la culotte.
Je pars, car toutes les conditions sont réunies pour qu’il ne reste rien de ce courant politique d’ici quelques années. Il a fait partir depuis le début tous ceux qui avaient cru au défi du parti-creuset. Au lieu de quoi j’ai assisté à un verrouillage indigne, à rebours des discours officiels, dans une soumission aux gesticulations tactiques du Grand Homme et dans un fonctionnement général contraire à la politisation dont nous avons besoin.
La fin ne justifie pas les moyens, les moyens expliquent la fin.
Jean-Luc Mélenchon n’est pas le mieux indiqué pour être notre porte-parole.
Paris, 5 juillet 2015