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L’économie portugaise reste très vulnérable

économie international Portugal

Lien publiée le 7 août 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/l-economie-portugaise-reste-tres-vulnerable-497059.html

Un rapport du FMI s'inquiète des fragilités de l'économie du Portugal. Le poids de la dette, la faiblesse de la croissance et le secteur bancaire sont au coeur de ces inquiétudes. Mais il propose après les élections la poursuite de l'austérité.

Pendant les six mois de crise qui ont opposé la Grèce à ses créanciers européens, le Portugal a souvent été présenté comme un « modèle », un « anti-Grèce », ayant mené de « courageuses réformes » et récoltant aujourd'hui les fruits abondants de ses efforts. L'argument avait été présenté, notamment par le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble, à l'appui de la méfiance vis-à-vis de tout gouvernement grec.

Les raisons de la croissance

Ce jeudi 6 août, le FMI est venu, dans son rapport de contrôle « post-programme » sur le Portugal, jeter un seau d'eau froide sur ceux qui se sont livrés à de telles célébrations. Certes, le Portugal va mieux qu'au cœur de la crise. Après 0,9 % de croissance en 2014, son économie devrait progresser de 1,6 % en 2015. En réalité, ce phénomène n'est pas propre au Portugal et est aisément explicable.

Comme ailleurs dans la périphérie de la zone euro, l'austérité s'y est adoucie, notamment après la déroute des partis de gouvernement aux municipales de 2013 qui avait failli provoquer l'éclatement de la coalition entre les Sociaux-démocrates du PSD (centre-droit) et le Parti populaire (droite). Mécaniquement, une pression budgétaire moindre conduit à soulager la croissance. Le FMI s'en désole, du reste, regrettant que « l'ajustement budgétaire a ralenti » et prévoyant un déficit de 3,2 % du PIB cette année contre un objectif de 2,8 % du PIB.

D'autres phénomènes expliquent ce retour de la croissance. La politique de dévaluation interne, en ravageant les structures de l'économie portugaise, a davantage ouvert l'économie portugaise et les exportations représentent désormais 40 % du PIB contre 27 % avant la crise. Le retour de la croissance chez le voisin espagnol, notamment, tire donc les exportations et la croissance. La faiblesse de l'euro favorise les ventes de produits portugais désormais fort bon marché en dehors de la zone euro.

Enfin, la politique de la BCE a permis une forte baisse des taux et une amélioration de la distribution de crédit au secteur privé non financier. En mai, ces crédits n'étaient inférieur que de 0,8 % à leur niveau d'il y a un an contre une baisse de 3,8 % en janvier. Tout ceci a permis une reprise de l'investissement qui devrait progresser de 4,5 % cette année. On le voit cependant, cette croissance est d'abord supportée par des facteurs cycliques et est donc d'une grande fragilité.

Une croissance insuffisante

Du reste, au regard des efforts consentis par les Portugais depuis 2010, le bilan final semble particulièrement décevant. Malgré ses « réformes », le Portugal est incapable de générer une croissance structurelle forte. Et c'est un réel échec pour la politique du gouvernement et de la troïka que le FMI reconnaît implicitement en prédisant que la croissance va s'affaiblir à partir de 2016, faute de vraie dynamique interne. Les prévisions de l'institution de Washington ne font guère rêver : 1,5 % en 2016, 1,4 % en 2017... A ce rythme, le pays n'aura retrouvé son niveau de richesse de 2009 qu'en... 2020.

Une véritable décennie perdue pour une des pays les plus pauvres d'Europe occidentale. Le Portugal est en effet, à l'exclusion de la Grèce, le pays le plus pauvre de l'UE avant l'élargissement de 2005. Selon Eurostat, le PIB par habitant en parité de pouvoir d'achat est inférieur de 22 % à la moyenne de l'UE, contre 28 % en Grèce. En 2009, cet écart était de 19 %. Dans la zone euro, le Portugal affiche un PIB par habitant supérieur aux Pays baltes et à la Slovaquie, mais inférieur à Chypre ou à la Slovénie. A un tel niveau de richesse, une croissance de 1,6 % semble bien insuffisante.

Une dette publique intenable

Mais la faiblesse de la croissance portugaise pose surtout un problème de dette. Et c'est ce qui inquiète le plus le FMI. « Le poids de la dette publique et privé va probablement réduire les perspectives de croissance à moyen terme lorsque les effets du cycle vont s'affaiblir », souligne le rapport. C'est que l'économie portugaise est prise dans un double étau. D'abord, la dette publique. Comme la Grèce, Chypre, l'Espagne ou l'Irlande, le Portugal est victime de la stratégie européenne de « sauvetage. »

Pour éviter la faillite au pays, on a ajouté de la dette à la dette en réclamant une politique austéritaire qui a réduit le PIB. La dette publique portugaise s'est donc alourdie, passant de 83,6 % du PIB en 2009 à 130,2 % en 2014. Un niveau évidemment intenable et qui plonge le pays dans un « péonage » de la dette, autrement dit dans une obligation de ponctionner une partie insoutenable de sa production de richesse pour le remboursement de sa dette publique.

illustrer ce phénomène, il suffit de rappeler qu'en 2015, le FMI prévoit un excédent primaire du budget portugais, hors service de la dette, de 1,6 % du PIB, mais un déficit public de 3,2 % du PIB. Près de 5 % du PIB auront donc été « perdus. » Dans de telles conditions, la croissance ne peut être que réduite. Or, plus elle est faible, plus le poids de la dette est intenable. En 2017, le FMI prévoit encore un ratio de dette de 122 % du PIB. Croire que le Portugal peut sortir de ce cercle vicieux sans réfléchir à sa dette est évidemment un doux rêve (auquel se livre du reste le FMI).

Le poids de la dette privée et la faiblesse du secteur bancaire

Mais le Portugal a un autre problème d'endettement, celui de la dette privée qui demeure considérable. « L'ajustement » austéritaire, en comprimant la demande, n'a pas réellement permis un désendettement rapide des agents privés, notamment en raison de la réduction de leurs bases de recettes. Les procédures sont plus souples que pour le secteur public et la dette privée, selon la Banque du Portugal, a un peu reculé entre 2011 et 2015 en rapport avec le PIB, mais elle s'élève encore au montant considérable de 237 % du PIB. En ajoutant la dette publique et celle des sociétés publiques, on atteint un niveau d'endettement vertigineux pour l'économie portugaise : 402,2 % du PIB en mars 2015. Là encore, ce niveau est intenable à moyen terme, surtout avec une croissance moyenne de 1,5 % du PIB.

Or, cette question renvoie à une autre : la faiblesse du secteur bancaire portugais. On se souvient que l'an passé, Lisbonne a dû venir en aide à Banco Espirito Santo à hauteur de 5 milliards d'euros. Et le taux de créances douteuses (Non Performing Loans, NPL) du système bancaire portugais atteint le niveau très élevé de 12,3 % et, selon le FMI, « il grandit. » Rien d'étonnant à cela compte tenu du poids de la dette privé. Bref, les banques sont fragiles et, en cas de problème, l'Etat ne peut guère leur venir en aide en reprenant à son compte une partie de ces immenses créances. Mais tout ceci signifie que le Portugal est en équilibre instable. Il est un pays vulnérable à un choc externe ou à un ralentissement de la croissance, mais aussi sur un chemin qui, à moyen terme, est intenable par ses propres forces.

Une baisse du chômage fragile

Le meilleur succès du pays est sans doute la réduction du chômage. Au deuxième trimestre 2015, le taux de chômage a reculé de deux points par rapport à la même période de 2014 à 11,9 %. Cependant, outre l'effet cyclique, cette baisse s'explique aussi par un recul de la population active, de 0,8 % sur un an, alimenté par l'émigration et le vieillissement de la population, qui amplifie le mouvement. Surtout, cette progression de l'emploi s'explique par des emplois temporaires, donc bel et bien liés à la cyclicité de la reprise. Sur les 66.200 nouveaux emplois créés par le Portugal en un an, 58.700 sont des emplois temporaires, soit 88,7 % du total ! L'embellie sur l'emploi est donc aussi précaire que ces contrats.

La dangereuse recette du FMI : poursuivre l'austérité

Au final, le Portugal reste donc une économie très vulnérable et très faible. Le FMI le reconnaît, mais, comme dans le cas grec, il propose encore d'amplifier l'austérité. L'institution de Washington propose au gouvernement qui sortira des urnes de continuer à garantir son accès au marché par une politique qui assure la confiance des investisseurs, autrement dit par des mesures supplémentaires de consolidation budgétaire. « Il sera essentiel de reprendre la course des réformes structurelles quand un nouveau gouvernement sera formé », explique le FMI. Et d'ajouter qu'il faudra des « mesures crédibles pour réaliser l'ajustement budgétaire. »

Une conclusion logique du point de vue d'un FMI qui refuse d'envisager pour le Portugal une restructuration de sa dette, mais qui est des plus contestables. Le Portugal peut-il se permettre d'affaiblir à nouveau sa croissance alors même que la « reprise » est insuffisante ? Le pays a sans doute besoin de « réformes » qui ne soient pas négatives pour la croissance, mais il a aussi besoin, comme la Grèce, de reconstruire ses structures économiques et, surtout, d'en finir avec le poids d'une dette intenable. Ce que le FMI propose, c'est une nouvelle fuite en avant dans l'illusion de la soutenabilité de la dette portugaise.

L'enjeu des élections du 4 octobre

Que choisiront les Portugais en octobre ? La crise n'a pas fait émerger au Portugal de mouvement fort de contestation comme en Espagne ou en Grèce. L'actuelle coalition de centre-droit semble profiter de l'amélioration de la conjoncture et de la capitulation de Syriza en Grèce. Selon le dernier sondage Aximage, du 17 juillet, l'écart entre l'alliance PSD-PP et le Parti socialiste (PS) d'Antonio Costa, qui prétend adoucir l'austérité, s'est fortement réduit à 0,2 point en faveur du PS (38 % contre 37,8 %). Rien n'est donc joué, mais il faut souligner deux éléments.

D'abord, la coalition PSD-PP est, malgré sa remontée, en chute libre par rapport aux 49 % de 2011. Ensuite, trouver une majorité absolue sera très difficile. Mais le blocage pourrait profiter au PS qui pourrait ainsi s'appuyer sur la « tolérance » de la coalition CDU formée autour du parti communiste, le PCP. Cette coalition enregistre dans ce sondage une forte baisse à 7,5 % des intentions de vote contre plus de 10 % dans les précédentes enquêtes (sans doute un effet Syriza), mais il pourrait néanmoins être l'arbitre du duel PSD-PS. Dans ce cas, le Portugal osera-t-il prendre franchement une autre voie ? Le pourra-t-il sans poser la question du poids de sa dette ? On pourrait alors entendre parler du Portugal cette automne.