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À « C dans l’air », on assume (enfin) son parti-pris ultra-libéral
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.acrimed.org/A-C-dans-l-air-on-assume-enfin-son-parti-pris-ultra-liberal
Défoulement en totale roue libre, à « C dans l’air », le 4 septembre 2015. Intitulée « Hollande a-t-il changé ? », l’émission de France 5 a péroré pendant une heure sur le « bilan catastrophique » de Hollande, la mauvaise idée des « hausses d’impôts » et l’absolue nécessité de la « réforme du code du travail ».
Rappelons-le, « C dans l’air » est une émission – de service public – soucieuse de donner« les clés pour comprendre dans sa globalité un événement » (telle qu’est décrite l’émission sur sa page). Le 4 septembre, « l’événement » dont il fallait d’urgence discuter, qu’il fallait disséquer sous tous les angles, était… le mea culpa de François Hollande au sujet de certaines « réformes », jugées trop à gauche.
Pour un tel « événement », « C dans l’air » a mis les petits plats dans les grands en offrant un plateau 100 % libéral : Nicolas Beytout (L’Opinion), Ghislaine Ottenheimer (Challenges),Christophe Barbier (L’Express) et Françoise Fressoz (Le Monde) étaient invités à « donner les clés pour comprendre ». Et, face à ce déferlement de pluralisme, le téléspectateur a compris.
Le code du travail ? Un « mastodonte qu’il faut écrémer d’urgence » !
Il a compris par exemple que la « réforme du code du travail » était absolument nécessaire :
« Parmi les dossiers les plus brûlants, la refonte d’un mastodonte, devenu tabou à gauche : le code du travail et ses 3 600 pages, 11 000 articles… à écrémer d’urgence. »
Si cette prise de parole était issue d’un des invités de « C dans l’air », nous n’aurions pas été surpris : libéraux, ils dérouleraient ainsi logiquement les habituels arguments canoniques, et ce serait leur droit le plus strict. Mais non ! Ce propos est tenu par… une journaliste de « C dans l’air », pendant le deuxième reportage. Un parti-pris grossier (pardon : une « clé pour comprendre ») dont ne se cache même plus l’émission de France 5.
Le code du travail ? Même les sympathisants de gauche veulent le réformer !
Mais « C dans l’air » ne s’arrête pas là : le nombre de pages du code du travail n’étant pas une « clé » suffisante pour « comprendre ».
Deuxième « clé » avancée : un sondage. Lequel montre que « l’opinion semble prête pour la réforme [du code du travail], y compris à gauche : 74% des sympathisants l’attendent désormais. »
Un « argument » reposant exclusivement sur les résultats d’un sondage : pratique trop connue pour ne pas être questionnée, voire dénoncée, tant on sait que les sondages de ce type agrègent des opinions fort disparates (« réformer le code du travail » peut ainsi signifier plus ou moins de droits pour les salariés) et construisent des « opinions » mobilisables en fonction des objectifs des sondeurs et/ou des commentateurs. A fortiori si ce sondage a été réalisé dans les mêmes conditions que le récent sondage selon lequel « les Français » seraient massivement contre les 35 heures. Un sondage dont les biais étaient grossiers, ce qu’a très bien démontré Libération. Et compte tenu des résultats unanimes de « l’enquête d’opinion » que mobilise « C dans l’air », c’est fort probable.
La réforme du code du travail ? Plus qu’un consensus, un plébiscite !
Troisième et dernière clé, enfin, pour comprendre la nécessité de la réforme du code du travail : la concorde nationale.
Pendant le reportage, la voix off assure en effet que « Manuel Valls peut s’appuyer sur une série de travaux aux conclusions similaires : le livre de Robert Badinter [Le travail et la loi], et deux rapports, l’un plutôt libéral [Institut Montaigne], l’autre, venu de la boite à idées du Parti socialiste : Terra Nova. Deux orientations politiques différentes pour une même proposition choc : permettre aux entreprises, en cas d’accord patronat-syndicats, de déroger à la loi, quitte à sacrifier quelques symboles… »
On ne pourra s’empêcher de relever ici l’argutie consistant à opposer formellement l’Institut Montaigne (« plutôt libéral ») et Terra Nova (« boîte à idées du Parti socialiste »), comme si le Parti socialiste n’était pas « plutôt libéral ». Le Figaro, quotidien « plutôt très libéral », avait pris moins de précautions en commentant le rapport de Terra Nova : « Une révolution qui, une fois déclinée en propositions concrètes, va bien au-delà des rêves les plus fous des patrons les plus libéraux ».
Mais pour « C dans l’air », si Badinter, l’Institut Montaigne et Terra Nova sont d’accord, alors c’est que « droite » et « gauche » sont d’accord. Et si droite et gauche sont d’accord, c’est – évidemment – que le peuple français est d’accord. CQFD.
Et pourtant, la « réforme » n’est toujours pas venue. Peut-être que les « clés » avancées n’étaient pas assez convaincantes ?
Benjamin Lagues