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L’avenir de la Catalogne se joue à gauche

Espagne international

Lien publiée le 28 septembre 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/l-avenir-de-la-catalogne-se-joue-a-gauche-508890.html

Les élections catalanes du 27 septembre ont montré un basculement à gauche de l'indépendantisme et à droite de l'unionisme. S'ils veulent imposer leur agenda, les indépendantistes doivent désormais convaincre la gauche indécise sur le plan institutionnel.

Au lendemain des élections régionales catalanes, la majorité parlementaire indépendantiste entend appliquer sa feuille de route de 18 mois vers l'indépendance. Mais, pour parvenir à son but, cette majorité va devoir encore convaincre et gagner les voix qui leur manquent encore pour être majoritaire en Catalogne. Dimanche 27 septembre, les deux listes ouvertement favorables à la sécession de la région ont obtenu 1.952.482 voix, soit 47,78 % des suffrages exprimés. C'est un score supérieur à celui du référendum du 9 novembre dans un contexte difficile : outre la forte pression de Madrid et de Bruxelles, l'électorat catalan s'est fortement mobilisé (la participation est en hausse de dix points à 77 % par rapport à 2012) et l'on estime souvent que cette mobilisation électorale joue en défaveur de l'indépendance. Cette fois, cela n'a été le cas que marginalement, car le score des Indépendantistes est élevé. Il est cependant encore insuffisant.

Les « indécis » représentent 11,44 % des suffrages exprimés

Pour devenir majoritaire dans le pays, la majorité parlementaire va devoir nécessairement convaincre les « indécis », ceux qui refusent de choisir entre une indépendance franche et le statu quo actuel. Sur l'échiquier politique catalan, cette option se situe dans deux partis qui ont réalisé un score très décevant dimanche, mais qui réalisent en tout 11,44 % des suffrages exprimés. En cela, ils ont la clé de l'avenir de la région. Le premier, c'est l'Unió, l'Union démocrate-chrétienne, ancienne alliée d'Artur Mas dans la coalition Convergencia i Unió et qui a rompu en juin par refus du processus indépendantiste. Ce parti prône un référendum reconnu par Madrid et une solution fédéraliste. Dimanche, il a obtenu 2,51 % des suffrages exprimés, en deçà des 3 % nécessaires à l'entrée au parlement.

L'échec de l'alliance Gauche Unie-Podemos

L'autre parti « indécis » est l'alliance « Catalunya Sí Que Es Pot » (CSQEP) entre Podemos et la Gauche Unie qui n'a obtenu que 8,93 % des voix, soit 5.000 voix de plus, mais 1,06 point de moins que la seule Gauche Unie en 2012. Or, l'échec de CSQEP est un des faits centraux de ce scrutin. En effet, cette coalition avait tenté de porter le thème de la campagne sur un autre terrain que l'avenir institutionnel de la Catalogne, autrement dit sur le terrain social. Sur le plan institutionnel, son option était des plus confuses : la création d'une « République catalane » dans le « Royaume d'Espagne » après un référendum reconnu par Madrid, l'UE et Barcelone. Le mauvais score de CSQEP est donc celui du refus du caractère plébiscitaire du scrutin. Les Catalans ont pris au sérieux cette élection et le franc succès du parti de centre-droit unioniste Ciudadanos (C's) en est la preuve.

Double polarisation

La vie politique catalane se polarise autour de l'axe unioniste-indépendantisme et, il semble, de plus en plus, que le premier s'identifie à la droite et le second à la gauche. L'échec de l'unionisme de gauche est évident, non seulement par la défaite de CSQEP, mais aussi par celle du Parti socialiste catalan (PSC) qui perd par rapport à 2012 4.000 voix et 1,71 point à 12,72 %. Une défaite d'autant plus amère que ce parti a jadis été un des deux plus puissants de Catalogne. En 2006, il avait obtenu 31,2 % des voix. Le PSC défend le statu quo institutionnel et n'a pas convaincu non plus sur son programme social dans le cadre espagnol. Désormais, l'unionisme est défendu principalement par C's, le grand vainqueur de la soirée, avec 17,91 % des voix et 25 sièges et qui est un parti de centre-droit. Son allié dans ce domaine est naturellement le PP de Mariano Rajoy, qui n'a obtenu que 8,5 % des voix.

A l'inverse, les positions de centre-droit sont de plus en plus isolées au sein du camp indépendantiste. L'alliance indépendantiste Junts Pel Sí regroupe certes le centre-droite (CDC) d'Artur Mas et la gauche sociale-démocrate d'ERC, mais en devenant franchement indépendantiste et en divorçant de l'Unió, la CDC s'est très largement social-démocratisée. Artur Mas parle beaucoup de politique sociale et le programme de Junst Pel Sí s'est beaucoup focalisé sur les mesures de justice sociale. Surtout, le camp indépendantiste a pris un net virage à gauche avec le succès de la CUP qui est passé de 126.435 voix à 335.520 voix, soit de 3,48 % à 8,21 %. Ce succès est d'autant plus central que la CUP, avec ses dix élus, est absolument nécessaire à la majorité indépendantiste. Les 62 sièges de Junts Pel Sí ne peuvent faire face à une union de « tous les non » sans la CUP.

Convaincre la gauche d'entrer dans le camp du « oui »

Cette évolution signifie que la clé du processus indépendantiste se trouve à gauche et notamment au sein de CSQEP. Le travail de la future majorité parlementaire indépendantiste sera donc principalement de convaincre les électeurs et les dirigeants de cette gauche indécise que l'indépendance de la Catalogne est la garantie d'un Etat plus social, plus juste et plus protecteur. Il faudra également convaincre du fait que l'indépendance de la Catalogne peut se réaliser en maintenant une solidarité avec le reste de l'Espagne, notamment parce que CSQEP est très implantée dans la zone littorale entre Barcelone et Tarragone, où se trouve le plus d'hispanophones en Catalogne. Ce travail pour amener cette gauche vers l'indépendance et donc rendre les positions indépendantes majoritaires en cas de référendum (qui est l'issue prévue du processus de séparation) n'est pas impossible. Certains leaders de CSQEP sont soit déjà ouvertement indépendantistes, comme la chef de file de l'alliance dans la province de Lleida, Sara Vilà, ou se montre très prudent sur la question, comme Ada Colau, la maire de Barcelone, très ambiguë sur ce sujet.

Le rôle central de la CUP

La majorité indépendantiste n'a pas le choix : cette indécision de CSQEP et l'identification croissante entre gauche et indépendantisme est le seul argument pour affirmer que le « plébiscite » de ce 27 septembre n'est pas clair et qu'il faut donc lancer le processus de séparation. Dans ce cadre, la liste Junts Pel Sí devrait s'appuyer sur la CUP pour assurer l'alliance de gauche que la république catalane sera sociale. Il y a donc fort à parier que les premières mesures du nouveau gouvernement seront donc très sociales pour souligner la différence avec la politique de Mariano Rajoy. Et il est possible que la CUP puisse bénéficier d'une certaine influence sur ces mesures. Autrement dit : la CUP pourrait faire l'intermédiaire entre l'indépendantisme et CSQEP. Du reste, son succès électoral met la pression sur la gauche indécise qui se doit de réagir en prenant partie dans le débat sur l'indépendance.

L'épreuve de l'élection du président de la Generalitat

Cette stratégie pourrait cependant connaître un premier obstacle : l'élection du président de la région. Artur Mas devait, par accord au sein de Junts Pel Sí, devenir président. L'idée était alors de pouvoir se contenter d'une majorité relative, sans l'appui de la CUP. Mais cette option n'est plus possible puisque Junts Pel Sí ne dispose pas même, sans la CUP, de la majorité relative. Or, Artur Mas reste pour une partie de la gauche catalane celui qui a mis en place en 2011-2012 de sévères coupes budgétaires. Pour les électeurs de gauche, la présence d'Artur Mas a souvent été dissuasive pour ne pas voter pour Junts Pel Sí. Que fera alors la CUP ? Elle a toujours affirmé ne pas vouloir voter pour Artur Mas et préférer un candidat « plus à gauche. » Un tel candidat aura l'avantage de pouvoir s'ouvrir vers CSQEP. Mais Artur Mas a des atouts, notamment son aura internationale qui sera bien utile pour « vendre » le processus d'indépendance à l'étranger. La CUP, qui a promis d'être pragmatique et d'agir avant tout en faveur de l'indépendance doit donc déjà faire un choix important : ou imposer un président qui incarnera l'identification de l'indépendantisme avec la gauche et risquer un conflit avec Junts Pel Sí ou faire confiance à Artur Mas pour lancer le processus, au risque de s'aliéner CSQEP.

Polarisation croissante

Ce choix ne sera cependant pas définitif. Si le processus de séparation est lancé et se heurte, comme c'est prévisible sur une forte résistance de Madrid, les indépendantistes pourront demander aux « indécis » de se décider entre le « oui » et le « non » à l'indépendance. L'échec de CSQEP et de l'Unió est la preuve de la polarisation croissante de la Catalogne. A mesure que le processus de « déconnexion » va avancer, cette polarisation va aller croissante. Ce camp des indécis devra choisir. C'est à ce choix que les Indépendantistes doivent désormais se préparer pour attirer le reste de la gauche dans leur camp.