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    3 octobre 1935 : l’Italie fasciste à l’assaut de l’Éthiopie

    Ethiopie histoire international Italie

    Lien publiée le 3 octobre 2015

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://www.lutte-ouvriere-journal.org/2015/09/30/3-octobre-1935-litalie-fasciste-lassaut-de-lethiopie_38000.html

    Le 3 octobre 1935, l’Italie fasciste, sur l’initiative du « Duce » Mussolini, lançait ses troupes sur l’Éthiopie. Cette agression d’une puissance impérialiste contre un peuple vivant encore à l’heure féodale allait faire des centaines de milliers de victimes dans la population. Elle allait aussi marquer une étape dans la marche vers le second conflit mondial.

    Dès la fin du dix-neuvième siècle, la France et l’Angleterre étaient parvenues à constituer d’immenses empires coloniaux. Les pays impérialistes au développement plus tardif, comme l’Allemagne, l’Italie ou le Japon, avaient dû se contenter des restes. Les conquêtes coloniales de l’Italie s’étaient ainsi limitées à quelques petits territoires côtiers en Afrique de l’Est, l’Érythrée et une partie de la Somalie, l’expansion italienne dans cette région ayant été arrêtée par une humiliante défaite face aux troupes de l’empereur d’Éthiopie à Adoua en 1896. Un peu plus tard, en 1911, l’Italie avait également arraché la Libye à l’empire ottoman. Mais cet empire colonial était encore bien limité.

    Un impérialisme tard venu

    Pendant la Première Guerre impérialiste mondiale, l’Italie avait fini par s’engager aux côtés de la France et de l’Angleterre, espérant notamment que la victoire lui permettrait de s’arroger de nouveaux territoires, comme le lui promettaient les traités secrets qui furent rendus publics par les Bolcheviks après la révolution russe. Mais une fois la paix signée ces promesses restèrent lettre morte. L’Italie ruinée par la guerre sombra dans une profonde crise économique et sociale. Malgré ses importantes mobilisations, la classe ouvrière ne réussit pas à s’emparer du pouvoir. Profitant du reflux de la vague révolutionnaire, Mussolini mobilisa ses Chemises noires et s’empara du pouvoir en 1922. À la recherche de débouchés pour le capitalisme italien, le régime fasciste se posa en défenseur d’une « nation prolétaire », bafouée par les autres puissances coloniales repues. Aux paysans italiens que la misère réduisait à l’émigration, Mussolini allait offrir le mirage de riches terres à cultiver en Afrique, enjolivant au passage la réalité de ces régions désertiques.

    Le jeu hypocrite des grandes puissances

    Mussolini savait qu’il ne pouvait mener sa guerre de brigandage sans la neutralité des autres grandes puissances, la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis. En effet celles-ci lui laissèrent les mains libres.

    Le fascisme, en lui-même, ne gênait nullement les dirigeants de ces pays, et les prétendues démocraties furent longtemps complices du régime de ­Mussolini, apprécié notamment pour son rôle contre-révolutionnaire. Il faut rappeler la phrase du président américain Roosevelt : « Je suis très intéressé et profondément impressionné par ce que Mussolini a accompli, et par son but évidemment honnête de restaurer l’Italie et d’empêcher des troubles généraux en Europe. »

    Les puissances sorties victorieuses du premier conflit mondial redoutaient par contre les prétentions territoriales de l’Allemagne où Hitler était arrivé au pouvoir en 1933 et avait entrepris de remettre en cause le statu quo issu du traité de Versailles. Elles comptaient sur Mussolini, qu’inquiétaient les ambitions allemandes sur l’Autriche, pour faire pièce à Hitler. La France et la Grande-Bretagne tentèrent d’utiliser la rivalité entre les deux dictateurs, et dans cette alliance l’Éthiopie allait faire office de cadeau de mariage. Le 7 janvier 1935, le ministre des Affaires étrangères français, Laval, signa avec Mussolini un traité franco-italien, dans lequel les deux États réaffirmaient face à l’Allemagne la nécessité de l’indépendance autrichienne. Mussolini interpréta à juste titre cet accord comme un feu vert donné à sa politique africaine.

    Le 6 février 1935 un premier corps d’armée partit donc pour l’Érythrée, colonie italienne frontalière de l’Éthiopie, et à partir de ce moment les troupes s’embarquèrent quotidiennement. Ces préparatifs n’empêchèrent pas, le 11 avril 1935, les dirigeants français et anglais de retrouver Mussolini à Stresa sur le lac Majeur et de signer avec lui un accord. Ce « front de Stresa », dirigé contre l’Allemagne en cours de réarmement, laissait les mains libres à Mussolini en Afrique. « Mussolini a mis son prestige au service de l’Europe et apporté un concours indispensable au maintien de la paix », déclara Laval à l’issue de la rencontre.

    Lorsque commença l’invasion de l’Éthiopie, la France et l’Angleterre durent modifier leur langage. Il s’agissait d’une agression ouverte contre un membre de la Société des nations (SDN), l’ancêtre de l’ONU, dont l’Éthiopie faisait partie. Elles firent donc semblant de s’y opposer en proposant des négociations que Mussolini rejeta dédaigneusement. La Grande-Bretagne déploya en Méditerranée une flotte dont Mussolini savait pertinemment qu’elle n’était pas préparée pour le combat, en se gardant bien d’interdire le passage du canal de Suez aux troupes italiennes. Les USA, quant à eux, continuèrent de livrer leur pétrole à l’Italie. Les sanctions économiques contre l’Italie votées par la SDN ne furent pas vraiment appliquées. Elles permirent à Mussolini de se poser en victime aux yeux de sa population, présentant encore une fois l’Italie comme le parent pauvre des impérialistes, à la recherche désespérée d’un espace vital que les autres lui refusaient : « C’est la guerre des pauvres, des déshérités, des prolétaires », déclara-t-il, ajoutant : « Contre nous s’est dressé le front de la conservation, de l’égoïsme et de l’hypocrisie. »

    Une guerre meurtrière

    Depuis le début de l’année 1935, Mussolini avait pris ses dispositions pour envahir l’Éthiopie. 200 000 hommes de troupe, 700 camions et 150 tanks furent acheminés en Érythrée, d’autres en Somalie italienne. Parallèlement, en Italie même, une violente campagne de propagande fut déclenchée contre l’Éthiopie pour monter en épingle un minuscule incident frontalier. Enfin, le 3 octobre 1935, Mussolini donna l’ordre d’attaquer.

    L’Éthiopie vivait encore à l’époque féodale. De grands seigneurs régnaient sur une foule d’esclaves et faisaient allégeance à l’empereur Hailé Sélassié. L’armée éthiopienne était à l’image de cette structure sociale arriérée, équipée d’armes qui n’avaient pas changé depuis le dix-neuvième siècle. Cela ne l’empêcha pas de combattre avec héroïsme.

    Hailé Sélassié connaissait la disproportion des forces et comptait surtout sur les grandes puissances et la Société des nations (SDN) pour arrêter ­Mussolini. Il ordonna d’abord à son armée de se replier pour donner à la SDN le temps d’intervenir. Mais dès la fin novembre, les troupes éthiopiennes contre-­attaquèrent avec succès et occupèrent une ligne de sommets, tenant en échec les troupes italiennes.

    Voyant se profiler le spectre d’un nouvel Adoua, Mussolini entreprit alors de mener une guerre de terreur. L’aviation italienne bombarda sans relâche les troupes, mais aussi les villages éthiopiens. Sa principale arme, le gaz moutarde, utilisé pendant la Première Guerre mondiale, fit des ravages dans la population sans défense. Devant ce déluge de feu, l’armée éthiopienne lâcha prise. Le 5 mai 1936 la capitale, Addis-Abeba, fut prise et Hailé Sélassié s’enfuit.

    Le programme de colonisation agraire qui avait été un des prétextes de la guerre fut un échec. Il devait transformer l’Éthiopie en grenier à blé et fournir des terres à un million de chômeurs italiens. Trois sociétés furent créées pour mettre en œuvre cette colonisation mais la guérilla qui se développa après la prise d’Addis-Abeba obligea rapidement les colons à quitter leurs terres. En 1941 les troupes anglaises reprirent le pays avant de le remettre à Hailé Sélassié.

    L’invasion de l’Éthiopie ne fut pas seulement une guerre atroce. Elle constitua aussi une étape dans la marche à la Deuxième Guerre impérialiste mondiale. Moins de trois mois après la prise d’Addis-Abeba, Mussolini s’engageait militairement aux côtés de Franco contre la révolution espagnole, entretenant le peuple italien dans un climat de guerre. Pendant sa campagne en Éthiopie, Mussolini s’était rapproché de Hitler. Cette alliance se prolongea en Espagne et le 1er novembre 1936 fut proclamée officiellement l’existence d’un axe Rome Berlin, bientôt rejoint par le Japon. Les camps de la prochaine guerre mondiale se mettaient en place.