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Quand Assad dit "non" aux Kurdes, Poutine pourrait dire "oui"

international

Lien publiée le 25 octobre 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Si la thèse de la bataille d'Alep dans les prochains mois s'inscrit dans la doctrine militaire du « pays utile » adoptée par Damas, celle d'une coalition entre forces progouvernementales appuyées par Moscou et forces kurdes est en revanche plus surprenante.

Dans un article publié pour le Washington Institute, « Syria's Kurds Are Contemplating an Aleppo Alliance with Assad and Russia » (Les Kurdes de Syrie envisagent une alliance avec Assad et la Russie à Alep), Fabrice Balanche, spécialiste de la géographie politique de la Syrie, envisage le scénario d'une alliance entre les troupes loyalistes et les forces kurdes dans l'inéluctable bataille d'Alep.

Celle-ci est effectivement centrale dans la stratégie du régime de Damas de sécuriser et de stabiliser le « pays utile », c'est-à-dire l'axe Hama-Homs-Damas-Alep. Pour réaliser leur objectif, les troupes d'Assad et leurs alliés, confortés par la campagne russe en Syrie depuis le 30 septembre, viennent d'opérer une révision stratégique sur le terrain militaire. En attaquant sur plusieurs axes simultanément pour harceler les insurgés de l'Armée de la conquête, réduire leur mobilité et les empêcher d'acheminer leurs forces d'un front à l'autre, ils tentent de pallier les défaillances stratégiques et d'éviter une réédition du scénario d'Alep où une partie des forces de l'opposition armée engagées dans la bataille ont été ensuite transférées dans la province d'Idleb. Mardi, les forces progouvernementales ont lancé une offensive dans la province de Hama. Le lendemain, elles ont attaqué à Sahl el-Ghab puis à l'extrême-nord de Lattaquié. Ces offensives terrestres sont renforcées par les frappes russes sur les lignes d'approvisionnement des groupes armés d'opposition.

Ces évolutions par touches successives devraient donc naturellement conduire à la bataille d'Alep dans quelques mois, pour laquelle les forces kurdes pourraient être sollicitées. Or, si une coordination a minima existe déjà entre l'armée gouvernementale syrienne et les forces kurdes, particulièrement visible dans la bataille de Hassaké, ou dans la livraison d'armement et de munitions du gouvernement syrien aux forces kurdes (150 tonnes la semaine dernière), une coalition s'avérerait autrement plus coûteuse pour le régime de Damas.
 

(Lire aussi : Profitant des raids russes, l’EI se pointe aux portes d’Alep)

Surenchère politique
Selon une source sécuritaire proche du régime, il y a quelques jours, une rencontre secrète s'est tenue entre trois responsables kurdes venus de Qamechli et le directeur du bureau de la Sécurité nationale, le général Ali Mamlouk, pour aborder les conditions de formation d'une coalition entre les forces progouvernementales et leurs alliés, ainsi que les Kurdes. Et elle s'est soldée par un échec. Les deux principales conditions posées par la partie kurde ont entraîné un refus catégorique de Ali Mamlouk, puisque Damas exclut toute livraison de chars d'assaut et d'armements lourds au parti de l'Union démocratique (PYD) et ne veut pas entendre parler d'un projet d'unification des trois cantons de Djazeera, de Kobané et, plus à l'ouest, de Afrin, soit la reconnaissance d'une zone autonome qui s'étendrait du nord-est de la Syrie jusqu'au nord-ouest de l'Irak et la région pétrolière de Kirkouk. Toujours selon la même source, le refus inexorable du régime syrien a conduit ces trois responsables à porter leurs revendications aux Russes au cours d'une rencontre séparée. Or, il n'est pas improbable que le PYD prenne place dans le schéma russe à l'avenir. Cette possibilité de rapprochement russo-kurde a essentiellement été favorisée par l'attitude des Américains qui s'enlisent dans l'immobilisme.

(Lire aussi : Entre Ankara et Moscou, l'histoire ne se répéterait pas)



Selon Fabrice Balanche, les États-Unis n'ont aujourd'hui plus rien à offrir aux Kurdes. Alors que Washington attendait des forces kurdes qu'elles s'engagent dans une confrontation avec le groupe État islamique (EI) à Raqqa, ces dernières ont décliné, estimant que l'EI a pu renforcer ses défenses dans cette zone grâce à l'approvisionnement turc en armements et munitions, et que les Américains ne leur offraient aucune garantie de protection. En juin dernier, Saleh Moslem, la tête dirigeante du PYD kurde, a fait savoir qu'ils n'avaient pas l'intention d'engager la bataille de Raqqa. Pour M. Balanche, « les Kurdes se sentent aujourd'hui protégés par les Russes. Ils se sont rendus aux États-Unis pour faire monter les enchères, mais l'administration américaine n'a rien laissé entrevoir. Les Kurdes ont besoin d'un soutien américain qui neutraliserait Ankara, mais Washington ne semble pas en mesure de leur offrir la liaison entre Kobané et Afrin. Ils sont donc allés voir les Russes tout en sachant qu'Ankara ne va pas réagir face aux Russes », puisque les Kurdes restent une carte de dissuasion pour contraindre le président turc à cesser tout soutien à l'État islamique.
 

(Lire aussi : Damas, pomme de discorde entre Riyad et Le Caire ?)

Que si le régime d'Assad reste faible...
Mais, en réalité, l'arrière-fond indispensable aujourd'hui pour analyser l'éventualité d'une coalition entre Damas, Moscou et les forces kurdes reste l'évolution des rapports de force sur le terrain dans les mois à venir. Les Kurdes posent des conditions inacceptables pour Damas, qui reste attaché au principe intangible de l'intégrité et de l'unité de l'ensemble du territoire syrien. Sur ce point, le président syrien Bachar el-Assad refuse toute évolution dans la perception du problème. Son équation reste la suivante : stabiliser « le pays utile » pour, dans un second temps, stabiliser l'ensemble du territoire, et, en ce sens, tout projet de partition et autonomiste est honni par le président syrien.

Or, pour Fabrice Balanche, les développements sur le terrain dans les 3 à 6 mois à venir avant le lancement de la bataille d'Alep seront déterminants dans la décision russe de faire appel aux forces kurdes. Selon lui, Assad pourrait se retrouver acculé devant le choix d'accepter un deal avec les Kurdes. « Nous sommes encore dans cette phase de négociations où chaque acteur tente de savoir quels sont les moyens à la disposition de l'autre. Tout dépendra de l'avancée de l'armée syrienne dans les mois à venir, mais surtout de sa capacité à maintenir son contrôle dans les zones reconquises. Les Kurdes sont conscients qu'ils ne pourront concrétiser leur projet que si le régime d'Assad reste faible. Et ils savent également que Poutine peut leur donner ce qu'Assad ne leur donnerait pas », conclut Fabrice Balanche.