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Attentats : pourquoi il faut agir et discuter politique

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Lien publiée le 15 novembre 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://npa2009.org/actualite/international/attentats-pourquoi-il-faut-agir-et-discuter-politique

L’horreur des attaques terroristes qui ont eu lieu vendredi soir est indiscutable. 130 morts, auxquels s’ajoutent une centaine de blessés en danger de mort, cela fait de cet attentat le plus meurtrier sur le territoire. Loin devant l'attentat de janvier contre Charlie Hebdo et les attentats du GIA pendant la guerre civile algérienne dans les années 1990. L’existence de militants se réclamant de Daesh, prêt à mourir pour assassiner autant de civils que possible, provoque notre indignation. Il y a trois réactions à cet événement, qui toutes sont politiques.

La réaction du gouvernement et d’une grande partie du personnel politique, voire syndical, est d’en appeler à l’Union nationale, de convaincre chacun•e de rester chez soi, d’exprimer sa compassion et sa solidarité avec les victimes par des actions individuelles, bougies aux fenêtres ou messages sur Facebook. Pour les laisser mener leur politique guerrière, il faudrait ne pas « faire de politique », refuser toute discussion ou action politique. Certains recommandent même d’exprimer une solidarité « française », faisant mine d’oublier que le même type d’attaques terroristes a endeuillé le Liban il y a seulement quelques jours et la communauté kurde de Turquie quelques semaines auparavant. Le gouvernement y ajoute l’état d’urgence, à savoir la restriction des libertés fondamentales (liberté de la presse, de manifester et de se rassembler, etc.) et la fermeture des frontières. Des mesures prises uniquement pendant la guerre d’Algérie mais aussi durant les révoltes des quartiers populaires en novembre 2005.

Ces mesures, que nous ne partageons pas, semblent cependant légitimes à la plus grande partie de la population, le gouvernement jouant sur la sidération pour en imposer l’évidence. Mais d’autres travaillent, à droite et à l’extrême droite. Des groupes néo-nazis (appartenant à la mouvance dite « identitaire ») appellent à expulser les « islamistes » tout en vociférant « Islam hors d’Europe », surfant ainsi sur l’ambiguïté d’un terme qui encourage l’amalgame entre « musulman » et « intégriste ». Ils appellent aussi à expulser tous les réfugiés, ceux et celles-là mêmes qui fuirent l’horreur répandue par Daesh. Certains, comme Philippe de Villiers – n’hésitent pas à pointer du doigt une « mosquéïsation de la France » ou, comme Laurent Wauquiez, à réclamer l’enfermement préventif de milliers de personnes dans des « centres d’internement »1. D’autres appellent à renforcer les interventions militaires en Syrie, en Irak, etc., ou, comme le directeur des rédactions du Figaro2, à engager une militarisation de la société française3

C’est donc un discours politique – raciste, en particulier islamophobe, et va-t-en-guerre – qui est mis en circulation par la droite et l’extrême droite, non simplement à des fins électoralistes (même s’il s’agit pour certains de s’attirer les faveurs de l’électorat du FN) mais parce que la logique raciste et impérialiste est un fonds idéologique commun pour ces courants. Il a pour visée de radicaliser la population française contre un « ennemi intérieur » – dans une logique mortifère de « clash des civilisations » – et autour de mesures d’exception.

Le gouvernement, lui, efface ses responsabilités dans la situation de pourrissement du monde actuel, et de la société française en particulier. C’est bien ce pourrissement qui favorise l’intégrisme et le racisme. Pourtant, même si la majorité de la population préfère souvent fermer les yeux et faire mine de n’être pas au courant, la France est déjà en guerre, depuis de longues années. En Syrie, dans plusieurs pays d’Afrique, en Afghanistan, en Irak. Comment peut-on croire que des actes de guerres commis dans ces pays pourraient rester sans réponse ? Nous ne sommes pas indifférents à la situation de ceux qui, au Kurdistan, en Syrie de manière plus générale, en Iran ou ailleurs combattent les courants intégristes. Bien au contraire, nous sommes convaincus que la seule façon de les combattre réellement, sur un plan militaire et politique, est que la population de ces pays parvienne à construire des mobilisations de masse contre les gouvernements, à s’organiser pour son émancipation, dans l’indépendance vis-à-vis des grandes puissances et des classes dirigeantes. L’ingérence des puissances impérialistes ne peut que renforcer les groupes réactionnaires, en solidarisant une partie des populations avec ces groupes.

La politique de l’Etat français – non pas seulement de Hollande, mais aussi de Sarkozy et de leurs prédécesseurs – ne peut donc qu’accentuer les problèmes qu’elle prétend résoudre. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, davantage de guerres et de morts ne produiront que davantage de désespoir et d’intégrisme. Si nous voulons vraiment empêcher de futures attaques terroristes, la seule voie qui s’offre à nous est d’obtenir le retrait des troupes françaises d’Afrique et du Moyen-Orient. Aucune politique répressive, aucune mesure d’exception, aucune intervention militaire, ne pourra empêcher des attentats. L’autoritarisme et la guerre composent une impasse mortelle pour les peuples. 

Prévues cette semaine, des grèves à Air France, aux impôts et dans l’Education nationale ont d’ores et déjà été annulées. Empêcher la contestation de s’exprimer, ou la reporter à plus tard, c’est participer d’une forme d’union nationale. Or nous sommes convaincus justement que, face aux discours de l’extrême droite et face aux menées guerrières que préparent déjà les gouvernements, le meilleur moyen d’affirmer la solidarité des populations est de se battre pour bâtir un autre monde, sans injustices ni oppressions, sans guerre ni terrorisme, sur la base de la mobilisation collective.

Pour cette raison, nous n’arrêterons pas de « faire de la politique », car nous pensons vital de ne pas laisser la politique à ceux qui sont les responsables de cette situation de pourrissement que nous évoquions plus haut. Pour que ce genre d’événements ne se reproduise pas, il nous faut exprimer cette « politique des opprimés » qu’évoquait le regretté Daniel Bensaïd, à mille lieues de la politique des fauteurs de guerre et des marchands d’armes, qui prétendent défendre la « civilisation » mais n’hésitent pas s’allier avec les régimes les plus oppressifs (de l’Arabie Saoudite à Israël en passant par le Tchad). Une réunion unitaire aura lieu lundi soir, à l’initiative de nos camarades d’Alternative libertaire, pour discuter des réponses politiques et militantes que nous pouvons formuler. Notre compassion doit pouvoir s’exprimer autrement que par des discours et des actes individuels, prendre une forme collective et fraternelle affirmant la solidarité avec les victimes et le refus de la guerre, de l’autoritarisme et du racisme. Nous rassembler aussi largement que possible sur ce thème, et au plus tôt, est une nécessité pour combattre les tentations autoritaires, les discours va-t-en-guerre et les dérives racistes qui se multiplient dans le camp des dominants.

Antoine Larrache, Mimosa Effe, Ugo Palheta

  • 1.Voir : « A droite et à l’extrême droite, ça dérape », Libération.
  • 2.Voir : « Gagner la guerre ». L’édito s’achève de la manière suivante : Contre la brutalité, il n'est qu'un principe: la force. Contre la sauvagerie, qu'une loi: l'efficacité. On se souvient de Clemenceau: «En politique intérieure, je fais la guerre. En politique extérieure, je fais la guerre. Je fais toujours la guerre.» Pour gagner la guerre, il faut la mener.
  • 3.D'autres appellent à “prier pour Paris”, introduisant une dimension religieuse qui ne peut qu'éloigner les non-croyants, risque d'encourager une séparation entre chrétiens et musulmans, et ne permet pas d'exprimer une protestation collective contre les logiques guerrières qui déjà se mettent en place