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Les employés et les ouvriers ne votent jamais seuls

Lien publiée le 26 novembre 2015

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Le Monde) Mettez-vous une petite heure devant un bureau de vote, la semaine prochaine. Vous y verrez entrer des électrices et des électeurs, parfois seuls, parfois en petits groupes : couples, parents et enfants… La -mobilisation électorale est souvent affaire de -réseau : on ne vote pas vraiment tout seul. Les -appartenances collectives structurent la partici-pation électorale.

Dans un article à paraître très prochainement dans la Revue française de science politique, -le- -sociologue Camille Peugny s'intéresse au rôle que jouent les univers professionnels des employés et des ouvriers. Ces salariés d'exécution représentent aujourd'hui toujours plus d'un actif occupé sur deux. Mais d'importants clivages parcourent ce monde des classes populaires : les ouvriers et -employés non qualifiés sont sans doute maintenant les grands " perdants " de la mondialisation. De profondes évolutions ont eu lieu au cours des dernières décennies : un ouvrier sur cinq, aujourd'hui, -détient un bac ; l'ouvrier de l'industrie n'est plus la figure centrale de ces classes populaires constituées en majorité d'employés.

D'où la question : comment votent-elles ? L'enquête de Camille -Peugny confirme que " l'intégration dans un collectif de travail stable et constitué favorise la participation politique ". Ainsi, les salariés en emploi temporaire s'abstiennent plus souvent que les détenteurs d'un CDI. Et les personnes qui travaillent souvent seules (employés des services à la personne, de la -sécurité) ne bénéficient pas d'un collectif professionnel -solide, et participent beaucoup moins aux scrutins électoraux que d'autres groupes, comme les -employés de la fonction publique. Cette auto-exclusion se repère aussi dans un sentiment de compétence politique plus faible.

Un effet de halo

Le groupe des employés des services à la personne (assistantes maternelles, entretien ménager…) est très féminisé, et représente plus de deux millions de personnes. Mais il pèse beaucoup moins électoralement  car " l'isolement dans le travail les rend presque invisibles politiquement ". Ces différences de poids politique des groupes professionnels se -repèrent également si l'on prend en compte l'exclusion juridique des salariés de nationalité étrangère. Or, parmi les employées des services à la personne, une sur huit est de nationalité étrangère et ne dispose pas du droit de vote aux élections nationales. En cumulant cette information avec l'abstention et la non-inscription sur les listes électorales, le non-vote -concerne près de trois employées des services à la personne sur dix.

" Des pans entiers de certaines catégories d'ouvriers et d'employés demeurent à l'écart du vote ",écrit -Camille Peugny, ce qui réduit d'autant la capacité des groupes auxquels ils appartiennent d'exprimer leurs intérêts au sein d'une compétition électorale.

Une partie du rapport au politique se noue dans le cadre professionnel, dans les interactions avec les -collègues et avec la hiérarchie, et l'exclusion juridique des uns exerce comme un effet de halo sur l'auto-exclusion des autres. On ne vote jamais seul, et quand, autour de soi, on vote peu, alors on votera moins. Les conséquences pour la démocratie représentative sont importantes.

Baptiste Coulmont (Sociologue et maîtrede conférences à l'université Paris-VIII (http://coulmont.com))