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Pourquoi les chiffres du chômage de Pôle emploi et de l’Insee divergent
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Les Echos) L’institut s’est doté ce vendredi d’un outil informatique afin de percer ce mystère. Depuis 1996, les deux indicateurs ont toujours fortement divergé, mais la tendance s’aggrave.
Alors que l’Insee enregistre son plus haut taux de chômage depuis près de 20 ans, l’institut se dote d’un outil informatique pour répondre à une mystérieuse question : pourquoi ses calculs différent-ils tant de ceux de Pôle emploi ? En effet, ce dernier recense à l’heure actuelle 610.000 chômeurs de plus que l’Insee. Parallèlement, l’institut, qui vient de publier les chiffres du troisième trimestre 2015, enregistre un passage de 10 % à 10,2 % alors que pour Pôle emploi le chiffre est resté relativement stable sur les trois mois. L’outil informatique, dont la création a été acté par un arrêté paru vendredi au Journal officiel, devra l’aider à résoudre le mystère.
Selon l’arrêté, il s’agit d’un « fichier informatique rendu anonyme à partir de données à caractère personnel issues de l’enquête Emploi en continu et du fichier historique statistique des demandeurs d’emploi ». Cet outil, qui se concentrera sur la période 2012-2014, a « pour finalité d’étudier les divergences entre les évolutions du nombre de chômeurs au sens du BIT (Bureau international du travail, NDLR) et du nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois de catégorie A » (sans activité).
Selon ses derniers chiffres dévoilés jeudi, l’Insee recensait au 3e trimestre 2,94 millions de chômeurs en métropole, soit 610.000 de moins que Pôle emploi, qui en comptait 3,55 millions à fin septembre. Depuis 1996, les deux indicateurs ont toujours fortement divergé, sauf entre 2006 et 2009, période pendant laquelle l’écart était inférieur à 100.000 personnes. Mais le fossé, qui a atteint 690.000 chômeurs en juin dernier, n’a jamais été aussi grand que cette année.
Méthodes de calcul différentes
A l’origine de cette divergence, se trouve d’abord une question de méthode de comptage et de définition . Pour Pôle emploi, est considérée comme chômeur toute personne inscrite sur ses listes (avec différentes catégories A, B et C suivant que la personne a ou non travaillé dans le mois). Son calcul consiste donc à photographier le nombre d’inscrits chaque fin de mois et à observer la différence avec le mois précédent pour obtenir une variation en valeur absolue. A l’inverse, l’Insee effectue une enquête téléphonique auprès de 110.000 personnes et établit un taux de chômage. Mais sa définition même du chômage est différente puisqu’elle adopte celle du Bureau international du travail, afin de permettre des comparaisons internationales. Ainsi, seules les personnes se déclarant « en recherche active et immédiatement disponible » pour un emploi sont considérées comme chômeurs. Les personnes en recherche active mais non immédiatement disponibles ou celles qui ne cherchent tout simplement pas font, elles, partie de ce que l’institut appelle le « halo du chômage ».
Les deux méthodes ont chacune leurs vertus et leurs limites. Le calcul de Pôle emploi permet d’avoir un nombre absolu très parlant. C’est pourquoi il est le principal outil utilisé par les politiques. Mais l’organisme n’est pas à l’abri d’erreur statistique comme ce fut le cas pour l’été 2013 où il a annoncé 50.000 chômeurs en moins , avant de découvrir qu’il s’agissait d’un bug. Le taux de chômage proposé par l’Insee est de son côté plus abstrait. Ainsi, le record du taux de chômage est détenu par l’année 1997 où l’on dénombrait 10,4 % de chômage contre 10,2 % aujourd’hui. Mais en valeur absolue, le chiffre actuel bat de loin tous les records. La raison : en 1997 on comptait tout simplement beaucoup moins d’actifs qu'aujourd'hui.
Récupération et polémique
Ces divergences n’ont pas manqué d’être récupérées par les leaders politiques qui les interprètent à leur convenance. Lors de l’élection présidentielle de 2012, François Hollande et Nicolas Sarkozy se sont notamment affrontés sur l’augmentation du chômage pendant le quinquennat de l’ancien maire de Neuilly. Lors des débats, ce dernier prenait alors en compte les chiffres de l’Insee (400.000) quand François Hollande se basait sur ceux de Pôle emploi, mais en agrégeant l’ensemble des catégories (1.000.000). En réalité, le nombre de chômeurs de catégorie A, celui qui sert généralement de référence, avait augmenté de 747.000 personnes.
En juillet dernier, la droite s’est insurgée contre le changement de méthode de calcul décidé par Pôle emploi . Elle a dénoncé une manipulation politique de la part de François Hollande qui indexe depuis le début le succès de son quinquennat sur la baisse du chômage. Le gouvernement s’était en effet félicité de la hausse très légère qui avait été calculée pour le mois de mai. De son côté, l’organisme avait lui défendu un affinage de sa répartition des chômeurs dans les différentes catégories existantes. Les résultats de ce nouvel outil ne devraient pas pour autant mettre un terme à ce phénomène.
Gabriel Nedelec