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Réforme du droit du travail : « Non à la double peine pour les femmes »
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Tribune signée par un collectif de militantes féministes, de chercheuses et de syndicalistes sur le site inegaleloitravail.fr
Une fois de plus, le gouvernement oublie les droits des femmes. Le préambule de l’avant-projet de loi rappelle que « le principe d’égalité s’applique dans l’entreprise. L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes doit y être respectée ». Voilà pour la théorie, et c’est bien le minimum quand on sait que les femmes continuent de gagner en moyenne un quart de moins que leurs homologues masculins et que la France se classe 132e en matière d’égalité salariale sur 145 pays. Le problème, c’est que cette déclaration de principe n’est accompagnée d’aucune mesure pour rendre enfin l’égalité effective.
Surtout, le projet de loi repose sur l’inversion de la hiérarchie des normes et fait systématiquement primer les accords d’entreprise sur les accords de branche ou la loi. Ce principe est fondamentalement nuisible à la lutte pour l’égalité professionnelle, qui n’a avancé qu’imposée par la loi et sous la pression des luttes féministes. Ajoutons que les femmes sont plus nombreuses dans les TPE/PME, où il y a moins d’implantation syndicale, et donc moins de possibilité de négocier et de se mobiliser. Faire primer les accords d’entreprise entraînera donc une baisse des droits et garanties collectives dans les secteurs à prédominance féminine. Dans la (longue) série de régressions prévues pour l’ensemble des salariés, certaines seront particulièrement discriminantes pour les femmes.
Un projet ségrégationniste
C’est d’abord le cas sur la négociation sur l’égalité professionnelle, déjà bien malmenée par la loi Rebsamen. Les obligations des employeurs sont encore allégées : les négociations annuelles peuvent devenir triennales, les accords d’entreprise primeront sur les accords de branche, et la durée de vie des accords sera limitée à 5 ans, sans garantie de maintien des avantages acquis ! En bref, l’égalité professionnelle qui avance déjà très, très lentement sur le terrain, est renvoyée aux calendes grecques !
Le temps de travail est le premier facteur discriminant pour les femmes, qui effectuent toujours 80 % des tâches ménagères. La norme du présentéisme, imposée notamment pour les cadres, les exclut des postes de responsabilité. De l’autre côté, 80 % des salariés à temps partiel sont des femmes, avec un salaire et une protection sociale partielle, mais une flexibilité et des amplitudes horaires maximums. Au lieu de réduire la durée légale du travail pour faire converger le temps de travail des hommes et des femmes, et permettre à toutes et tous d’exercer leurs responsabilités familiales, le projet de loi renforce considérablement la flexibilité. Il augmente les durées maximales de travail, notamment pour les cadres, et renforce les possibilités pour l’employeur de modifier de façon unilatérale les horaires et le temps de travail sans déclencher d’heures supplémentaires.
Flexibilité imposée
Pour les salariés à temps partiel, c’est la double peine : un salaire partiel, une précarité maximale, et des heures supplémentaires qui seront demain encore moins bien payées ! La majoration de leurs heures complémentaires est déjà deux fois plus faible que celle des salariés à temps plein, qu’à cela ne tienne, le projet de loi rajoute encore de la discrimination : le taux de majoration légal ne sera plus que de 10 %, alors qu’il atteignait 25 % actuellement. Cerise sur le gâteau, les délais de prévenance en cas de changement d’horaires pouvant être réduits à 3 jours au lieu de 7 actuellement.
Pour toutes celles qui ne pourront pas s’adapter, les modalités de licenciement sont facilitées. Aujourd’hui déjà, la moitié des femmes qui arrête de travailler à la naissance d’un enfant connaissait auparavant des horaires atypiques (de nuit, le week-end ou le soir). Demain, ce projet de loi facilitera les licenciements de celles et ceux qui ne pourront pas s’adapter à la flexibilité imposée.
Enfin, le projet de loi réforme en profondeur la médecine du travail. Il supprime la visite d’aptitude obligatoire et centre le suivi médical sur les salariés dits à risques. Sauf que les risques et la pénibilité des métiers à prédominance féminine sont justement sous-évalués. Une caissière de supermarché, qui porte chaque jour 15 tonnes, sera-t-elle considérée comme exerçant un métier à risque ?
Pour toutes ces raisons, nous, féministes, disons non au projet de loi travail. Toute réforme du code du travail devrait au contraire se donner pour objectif de faire enfin de l’égalité une réalité !
Sont notamment signataires de ce texte : Sophie Binet (pilote de la commission « Femmes mixité » de la Confédération Générale du Travail), Christine Delphy (sociologue féministe), Cécile Gondart-Lalanne (porte parole de l’Union syndicale Solidaires), Bernadette Groison (secrétaire générale de la FSU), Séverine Lemière (économiste et maîtresse de conférences à l’IUT Paris Descartes), Christiane Marty (chercheuse, Fondation Copernic), Dominique Meda (sociologue), Suzy Rojtman (porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes), Claire Serre-Combe (présidente d’Osez le Féminisme !). Retrouvez la liste complète des signataires sur inegaleloitravail.fr