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    Premier bilan de la mobilisation à Rennes 2 la Rouge

    Lien publiée le 3 juin 2016

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://www.revolutionpermanente.fr/Premier-bilan-de-la-mobilisation-a-Rennes-2-la-Rouge

    Alors que la Maison du peuple allait devenir, pendant 10 jours, un nouvel espace politique et le creuset de rencontres improbables transcendant la division sociale du travail, l’amphi B8 de la fac de Rennes 2 se vidait de ses anciens occupants. Orphelin de tous ses militants qui l’avaient occupé de longues semaines, son délaissement définitif, lundi 2 mai, marqua la fin de la mobilisation sur le campus universitaire rennais. Sans présumer de la semaine à venir, qui s’annonce décisive, un bilan de la mobilisation à Rennes 2 peut être entrepris, même à chaud.

    Hugo Melchior

    Cela faisait plus de cinq années que l’Université Rennes 2, « fac rebelle », à la tradition revendicative et contestataire remontant aux années 1970, n’avait pas été concernée par une mobilisation sur la longue durée d’une partie, même très minoritaire, de ses étudiants. Durant toutes ces années, la normalité universitaire continua à s’imposer, en dépit de l’actualité du temps présent ô combien affligeante et révoltante. Aucun mouvement d’insubordination pouvant, sinon suspendre, perturber temporairement l’ordre universitaire ne fut relevé au cours de ces années : les enseignants enseignaient, les étudiants étudiaient, et cela sans discontinuer depuis l’automne 2010 et l’exceptionnel mouvement des retraites, au final défait par un gouvernement inflexible.

    En février 2016, lorsqu’une fuite annonça l’avènement imminent d’une réforme du code du travail, le champ syndical et politique de l’université Rennes 2 était particulièrement sinistré, comme c’était alors le cas dans nombre de campus universitaires, après toutes ces années d’atonie, de léthargie sociale.

    Contrairement à 2006 où les organisations syndicales, bien que se caractérisant par la petitesse de leur assise numérique, pouvaient toutefois compter sur des militants aguerris, disposant d’une expérience réelle des mouvement de masse que ce soit à la fac ou au lycée, 2016 les a retrouvées non seulement particulièrement exsangues – au point que certaines, à l’instar de l’UNEF, étaient rayées de la carte – mais tenues par des militants ne disposant d’aucun capital d’expériences. De ce point de vue, ces derniers ne se distinguaient pas vraiment de l’immense majorité des étudiants non affiliés à des organisations partisanes qui, eux aussi, n’avaient pas connu l’expérience des mouvements de masse, ni au lycée, ni à la fac, et devaient apprendre sur le tas.

    En dépit de cette réalité handicapante pour impulser et structurer un mouvement, ce sont bien les organisations politiques et syndicales traditionnelles, et personne d’autre, qui ont été, comme ce fut le cas il y a dix ans, les initiatrices, les instigatrices de la mobilisation estudiantine à Rennes 2. Le mouvement contre la loi travail n’est pas né spontanément à l’initiative d’étudiantes et étudiants non organisés ou depuis les seuls réseaux sociaux. Ainsi, le jeudi 3 mars, une première réunion d’organisations politiques et syndicales de jeunesse, toutes opposées catégoriquement au projet de réforme du code du travail, se tint à la fac. Elle réunissait autour d’une même table des organisations de jeunesse politiques et syndicales qui, bien que nombreuses sur le papier, avaient cependant pour principal dénominateur commun le fait de disposer chacune de forces militantes particulièrement réduites. Seules les Jeunesses communistes paraissaient surnager. En effet, bien que ses militants fussent pour l’essentiel tout autant dépourvus d’expérience, de savoir-faire, elles disposaient néanmoins, du fait du nombre de ses militants supérieur aux autres organisations largement dépourvues, d’un avantage comparatif indéniable. Ce déséquilibre relatif entre les JC et les autres forces militantes n’aura pas posé de problèmes, ni engendré de conflits insurmontables, étant donné qu’en dépit de cet ascendant numérique, qui se donna à voir dans l’investissement de l’espace partagé de la fac, jamais les militants des JC n’auront tenté de noyauter le mouvement, d’essayer de consacrer dans le droit une quelconque prééminence. Au contraire, unitaires pour deux, ils auront défendu, comme les autres organisations politiques et syndicales engagées dans le mouvement, les principes cardinaux d’auto-organisation et auto-détermination des étudiants par eux-mêmes et cherché à se mettre au service du mouvement pour aider à sa structuration, à sa maturation et à sa massification. Encore une fois, contrairement à ce que certains médias se plurent à affirmer, le mouvement à Rennes 2, comme dans les autres universités, ne vit pas le jour spontanément par la seule force des réseaux sociaux, même si ces derniers indiquèrent qu’il existait bien un potentiel de résistance à cette réforme exploitable. Les organisations politiques et syndicales traditionnelles firent à nouveau la preuve de leur impérieuse utilité et donc de leur nécessaire existence, et cela malgré leur faiblesse numérique incontestable, pour élaborer une offre politique devant susciter une demande sociale de mobilisation et par là-même créer les conditions pour qu’advienne un mouvement de masse à l’échelle de l’université. Dès le lundi matin, ce sont des militants, pas très nombreux, et personne d’autres, qui se rendirent dans les amphithéâtres pour commencer le travail de sensibilisation auprès des étudiants.

    Appelée de ses vœux par l’inter-orga, la première assemblée générale se déroula, le mardi 8 mars, dans l’amphithéâtre B8 à partir de 12h30. 
    10 ans après le mouvement anti-CPE, les médias nationaux et locaux se déplacèrent en nombre pour la couvrir, et cela dès la matinée. Cette sur-médiatisation joua-t-elle un rôle dans l’intérêt suscité par cette AG au sein de la population étudiante ? Toujours est-il que contrairement au mouvement des retraites six ans auparavant, ce n’est pas quelques dizaines d’étudiants seulement, dont une large partie de militants, qui vinrent assister à cette réunion de présentation de la première mouture du projet de loi, mais bien plusieurs centaines qui n’avaient jamais pris part à une assemblée générale. L’amphithéâtre était plein à craquer, au point que nombre d’étudiants durent patienter à l’extérieur. Bien sûr, nombreux étaient les étudiants soit indifférents, soit dubitatifs, soit encore craintifs par rapport à ce début de mobilisation sur la fac. Toutefois, cette affluence inespérée témoigna à elle seule du potentiel de résistance existant et de la disponibilité d’une fraction, certes très minoritaire mais conséquente, d’étudiants prêts à s’engager collectivement contre cette réforme souhaitée par le Medef et jalousée par la droite décomplexée. Malgré la complexité du projet de loi et de ses quelques 130 pages, sa nature, sa philosophie générale absolument régressive, scandaleuse, inique, furent mises en lumière dès les premières interventions qui émanèrent principalement des militants politiques et syndicaux, tandis que son avènement fut réinscrit dans la longue durée. Selon les militants politiques et syndicaux, cette réforme constituait, en effet, une nouvelle étape d’un processus de réorganisation néolibérale du travail débuté depuis le début des années 1980 et auquel les socialistes avaient pris une part active lorsqu’ils vinrent à assumer le rôle de gardien intérimaire de l’ordre établi. Une fois de plus, les partisans de cette réforme postulaient que les salariés en activité étaient, en dernière instance, responsables du chômage de masse parce que bien trop protégés, insuffisamment flexibles, et dont les droits collectifs trop protecteurs décourageaient les employeurs d’embaucher d’autres salariés, en dépit des profits générés par leurs activités économiques. Le code du travail, bien commun aux 18 millions de salariés du secteur privé, jugé bien trop contraignant pour les employeurs, fut présenté, une fois n’est pas coutume, comme l’ennemi numéro un de l’emploi en France. Dès lors, seule une nouvelle étape décisive dans l’effort de flexibilisation du marché du travail, devant soi-disant permettre de lever la peur de l’embauche chez nombre d’employeurs, permettrait de créer à terme un nombre important d’emplois dans le secteur productif privé. D’où la volonté de consacrer dans le droit positif français l’inversion de la hiérarchie des normes, autrement dit la fin du principe de faveur voulant qu’un accord de branche prime sur un accord d’entreprise, hormis si ce dernier se révélait plus favorable pour les salariés que l’accord collectif décidé au niveau de la branche professionnelle. D’emblée les militants présents à l’assemblée générale insistèrent sur le caractère non seulement inefficace de ces réformes structurelles néolibérales du marché du travail dans la lutte contre le chômage, mais aussi scandaleux du point de vu des intérêts des salariés. Le fait qu’un « gouvernement socialiste de droite » décide d’imposer une telle réforme, contre son propre électorat, contre ses militants, contre sa base sociale, ne surprenait guère de monde au sein des étudiants étant donné qu’elle apparaissait comme l’aboutissement de la politique « pro-business » conduite par François Hollande depuis 2012, mais rajoutait au sentiment d’intolérabilité ressenti chez nombre d’entre eux. D’autres, enfin, prirent la parole pour rappeler le rôle central de détonateur, d’entraînement, qui incombait aux jeunesses scolarisées dans ce mouvement, dont le caractère intersectoriel et intergénérationnel fut systématiquement souligné. La mise en mouvement massive des jeunesses scolarisées progressistes devaient avoir une valeur d’exemple et donner envie aux millions de salariés du privé, directement concernés par cette réforme du code du travail, de franchir à leur tour le Rubicon de l’engagement collectif.

    Cette première assemblée générale, rapide et efficace, ne se perdit pas dans des affrontements stériles et au contraire se passa dans un excellent climat d’écoute mutuelle, de respect entre les différentes tendances politiques. Les applaudissements nourris de chaque intervention montrèrent la réelle envie des étudiantes et étudiants présents de faire leur le cadre unitaire initié par les organisations traditionnelles pour pouvoir mieux en découdre avec le gouvernement et le patronat fossoyeur des droits collectifs des salariés. Une communauté de combat était déjà en train de naître à la faveur de cette AG. Comparé à ce qui avait pu se passer lors de mouvements précédents, le mouvement ne pouvait pas mieux commencer et le fait que la présence du militant « Zapata », membre du bureau national de l’UNEF, assumant par ailleurs le rôle de suivi de l’AGE – « Association Générale d’Étudiants », section locale de l’UNEF – de Rennes, l’un des premiers à s’exprimer publiquement sur le contenu de la loi travail, fut acceptée in fine, témoignait de cet état d’esprit particulièrement inclusif. L’inter-orga, qui était l’initiatrice de cette première assemblée générale, décida se dissoudre immédiatement pour que l’assemblée générale des étudiants devienne la seule instance souveraine et donc décisionnelle.

    Bien que se déroulant sous des trombes d’eau, la première manifestation, partie de Rennes 2, se déroula sans heurts, les forces de l’ordre étant particulièrement discrètes. Si elle ne fut pas la démonstration que d’aucuns espéraient, elle parvint tout de même à rassembler plus de 5 000 personnes. Cette assise numérique fut saluée et considérée comme une belle réussite par une majorité d’étudiants lors de la seconde assemblée générale, qui se tint le jeudi 10 mars et rassembla 500 étudiants, tandis que d’autres camarades intervinrent à la tribune pour dire qu’il ne fallait pas pavoiser et tomber dans l’enthousiasme béat. Il est certain que le plus dur restait à accomplir : massifier le mouvement à la fac comme en dehors, et se tenir prêt à élargir le répertoire d’actions, quitte à s’inscrire hors du cadre de la légalité. Cette première journée de mobilisation marqua le véritable commencement du mouvement contre la loi travail sur la fac. Cette mobilisation estudiantine, avec ses caractéristiques propres, allait durer deux mois, chose inédite à Rennes 2 depuis six ans.

    A présent, il convient de mettre en lumière, sans prétendre ni à l’exhaustivité, ni à faire consensus, les réussites qui, à nos yeux, permettent de se réjouir de ce qui a été accompli à Rennes 2 dans le cadre de ce mouvement contre la loi travail, qui n’a pas encore connu son dénouement…

    1) Un des principaux acquis de ce mouvement à Rennes 2 a été le travail unitaire effectué de façon permanente entre toutes les organisations politiques et syndicales traditionnelles ou non, en dépit des divergences préexistantes entre elles et en dépit des clivages, des tensions qui ont pu survenir parfois au cours du mouvement, notamment au cours de la période difficile que fut la fermeture administrative de la faculté pendant la semaine de vacances de Pâques. Contrairement à des mouvements précédents, notamment celui de l’automne 2007 contre la LRU, où les tensions récurrentes entre les organisations traditionnelles et la mouvance dite « autonome » avaient rapidement rendu l’air irrespirable pour tout le monde, chacun s’est efforcé de préserver la dynamique unitaire initiale et de proposer un cadre de mobilisation suffisamment désirable afin de donner envie aux étudiants non encartés qui, pour la grande majorité, n’avaient jamais connu auparavant d’engagement collectif, de s’investir dans la durée. La fraternité de combat, que les militants appelaient de leurs vœux, est advenue, mais surtout a résisté à l’épreuve du temps et aux tensions inhérentes d’un mouvement. Aucune scission ne fut à déplorer : l’hétérogénéité, la pluralité et, par là-même, l’altérité, n’ont pas empêché l’ensemble des acteurs de marcher ensemble jusqu’à la fin.

    2) Les militants politiques et syndicaux, bien qu’ils aient assumé un rôle tout à fait essentiel dans le lancement du mouvement sur la fac,avant de jouer un rôle moteur dans son animation, ont été vite rejoints par des étudiants non affiliés à des structures partisanes. Ces derniers sont rapidement devenus largement majoritaires, autant dans les assemblées générales qu’au sein du comité de mobilisation, dont les effectifs ne firent d’ailleurs que croître au fil des semaines. Grâce à cette extension de la base du mouvement, les militants politiques et syndicaux ne sont pas restés entre eux. Ainsi, se voulant les gardiens de l’auto-organisation des étudiants par eux-mêmes, ils sont parvenus à donner envie à une multitude d’étudiants, convaincus comme eux du caractère scélérat de la loi travail et du monde qui l’avait enfanté, de s’investir au quotidien dans cette démarche collective de lutte, malgré la contrainte des cours. Des centaines d’étudiants et étudiantes, possédant au départ peu ou pas d’expériences politiques, ont pu apprendre beaucoup de choses, acquérir nombre de savoir-faire sur le tas. Souvent force de propositions, n’hésitant à prendre la parole en assemblée générale, mais plus particulièrement lors des sessions du comité de mobilisation, les étudiants non encartés se sont investis avec beaucoup de joie, de passion, de détermination, au point que nombre d’entre eux ont fait le choix difficile, et donc ô combien salutaire pour la mobilisation, de subordonner leur quotidien à leur engagement contre la loi travail qui devint, dès lors, le fil rouge de leur existence. Nombreux furent ceux qui participèrent à des diffusions de tracts le matin et en journée à la fac, à la vente des crêpes devant le Hall B, assurèrent des permanences au comité de mobilisation, mais aussi qui prirent part aux interventions dans les amphithéâtres pour tenter de sensibiliser leurs camarades à ce qui était en train se jouer. Leur engagement collectif au quotidien aura permis de renvoyer l’image d’une mobilisation pleinement ancrée, insérée dans la réalité concrète estudiantine et en même temps de façonner un mouvement qui, loin d’être amoureux de lui-même, loin de cultiver l’entre soi stérile, aura cherché en permanence à travailler aux jointures, aux liaisons avec les autres secteurs de la société et en premier lieu avec les salariés du privé. Cette ligne interclassiste, cette démarche de désectorisation sociale pu se voir à travers les slogans, les banderoles en tête de manifestations, les distributions de tracts à l’entrée des boîtes privées. Á noter que cette volonté unitaire se donna à voir également au sein de l’université où les étudiants mobilisés tendirent la main autant à la minorité enseignante qui, sans surprise, ne l’a que trop peu saisie, qu’aux personnels administratifs, pour que puisse se constituer un front de lutte intersectoriel.

    3) Si lors de ce mouvement, comme ce fut le cas partout ailleurs en France, les assemblées générales qui se tinrent à Rennes 2 n’ont pu malheureusement jouir d’une assise numérique comparable à ce qui fut lors du mouvement anti-CPE en 2006, il n’en demeure pas moins que Rennes 2 fut l’université mobilisée parvenant à réunir le plus grand nombre d’étudiants dans tout l’ensemble français, avec une moyenne de 500 personnes par AG, avec un turn-over qui, à défaut de disparaître, s’atténuera progressivement. Ainsi, au cours des deux mois de mouvement, l’on peut supposer qu’entre 2 000 et 2 500 étudiants ont fréquenté, ne fusse qu’une fois, les assemblées générales, ce qui est loin d’être négligeable à l’échelle de l’université. La limite principale fut, cependant, de ne pas avoir réussi à dépasser, à un moment donné, ce plafond de verre que constitua cette barre des 500-600 personnes, si l’on excepte le pic mémorable des 1 500 étudiants réunis devant les marches du Hall B lundi 18 avril, au retour des vacances de pâques, où la question du devenir immédiat des examens du second semestre était posée et source de vives inquiétudes. La principale contrainte, qui limita fortement les possibilités d’élargir l’assise numérique des assemblées générales, fut, contrairement à d’autres mouvements estudiantins, l’absence de grève des cours prolongée à Rennes 2, comme ce fut pareillement le cas dans la quasi-totalité des universités françaises. Mais il apparut que la plupart des étudiants, même parmi les plus investis, n’étaient pas disponibles pour s’engager dans un mouvement de grève dure, sans discontinue. Le fait qu’aucune dynamique dans ce sens ne se donne à voir ailleurs dans l’ensemble français n’incita pas les étudiants rennais à s’engager dans cette voie, bien que cette position fût défendue par un certain nombre de camarades en assemblée générale, et cela malgré la faiblesse numérique de celles-ci.

    4) Un des autres possibles acquis fut le dialogue institutionnalisé entre le mouvement des étudiants et la Présidence de l’université, chose tout à fait inédite dans l’histoire de Rennes 2. Bien que l’utilité d’un tel dialogue ne fit jamais consensus au sein des étudiants mobilisés, qu’il put faire à plusieurs reprises l’objet de critiques acerbes, celui-ci permit aux étudiants engagés de porter et défendre leurs doléances directement auprès des autorités universitaires dans le cadre de réunions pour lesquelles l’assemblée générale mandatait plusieurs délégués. Grâce à ce dialogue exigeant, parfois difficile et houleux, entre l’assemblée générale et la Présidence, les étudiants mobilisés purent obtenir des concessions importantes de la part de celle-ci (l’occupation journalière de l’amphi B8, la levée de l’assiduité et des contrôles continus les jours de manifestations, la mise en place de barrages filtrants à l’entrée des principaux bâtiments, la possibilité d’afficher en toute latitude partout sur les murs de la fac…) ; autant de choses qu’elle n’aurait évidemment jamais accordé d’elle-même, de bonne grâce, sans que ces demandes aient été portées fermement par la représentation de l’assemblée générale. Ces concessions obtenues furent autant de victoires politiques pour le mouvement qui, grâce à elles, pu se rendre remarquable au sein de l’université au cours de ces semaines et se donner les moyens de son développement.

    5) La politisation accélérée de plusieurs centaines d’étudiants et étudiantes qui, pour la majorité, connaissaient avec ce mouvement leur première expérience politique prolongée. En effet, les étudiants durent se positionner par rapport à un projet de loi impactant la vie quotidienne au travail de 18 millions de travailleurs et travailleuses du secteur productif privé. Ils débâtèrent, se renseignèrent, furent obligés de lire pour comprendre et parfaire leur argumentation. Au fil des semaines, ils se retrouvèrent confrontés à de multiples réalités, souvent imprévues, parfois difficiles à appréhender, que ce soit à la fac ou en dehors. Celles-ci les amenèrent à se questionner, à réfléchir au moyen d’y répondre politiquement et collectivement. La violence d’État contre le mouvement par la médiation des forces de l’ordre devint rapidement une question, sinon centrale, incontournable sur la scène rennaise. Alors que les affrontements avec les forces de l’ordre étaient demeurés inexistants lors des mouvements précédents à Rennes, à l’exception du mouvement anti-CPE en 2006, la stratégie de saturation de la sphère partagée par la police, de bouclage délirant de l’hyper-centre obligea les étudiants mobilisés à prendre à bras le corps la question de la défense collective des cortèges et des manifestants contre les provocations et les différentes formes de répression policière, et cela notamment à travers la mise en place des équipes « médics », dont l’utilité se révéla indiscutable dès les premiers affrontements entre manifestants et policiers.