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Keny Arkana: "Le gouvernement nous pousse à la guerre civile"

Lien publiée le 29 juin 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20160623.OBS3223/keny-arkana-le-gouvernement-nous-pousse-a-la-guerre-civile.html?xtor=RSS-17

Ses morceaux sont diffusés lors de chaquemanifestation, utilisés dans des montages vidéo pour dénoncer les violences policières ou revendiquer les actions des Anonymous... La rappeuse Keny Arkana vient de sortir un nouvel EP, intitulé "Etat d'urgence". Violences policières, manifestations interdites, Nuit debout... Pour "L'Obs", la Marseillaise revient sur ce disque dénonçant la politique du gouvernement Valls.

Quelle est la genèse de ce nouvel EP, "Etat d'urgence" ?

- Après les événements de novembre dernier [les attentats terroristes à Paris, NDLR], j'ai mis entre parenthèses ce que je faisais pour écrire des chansons qui parlent de paix, à une époque de haine. J'aurai pu aussi l'appeler "Hymne à la paix". C'était important pour moi de m'exprimer, dans une démarche de bienveillance.

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C'est-à-dire ?

- On vit dans un monde de plus en plus violent. Depuis le 11 Septembre, des politiques liberticides et ultra-sécuritaires sont menées un peu partout, et le monde part en live [pris dans une spirale incontrôlable, NDLR]. Si ça continue comme ça, je ne vois pas d'autre issue que la guerre. En France, la politique du gouvernement nous pousse à ça, à la guerre civile. Nos politiques sont des gens agressifs, mesquins. Je voulais dénoncer ça, sans prétention, avec ma voix d'artiste. J'aimerais que les gens réfléchissent à casser le schéma, je veux proposer une autre vision.

N'est-ce pas une vision naïve ?

- On peut penser ça. La France est un pays assez cynique. Mais, depuis ce qu'il s'est passé [les attentats de novembre], je pense que les Français se posent des questions sur la guerre, sur la paix... Ce n'est pas si naïf, c'est le réel.

Dans votre EP, vous dénoncez largement le climat de violence. Visez-vous les violences policières qui ont particulièrement émaillées les manifestations contre la loi Travail ?

- La violence policière a toujours existé. Après, elle va de mal en pis. On est arrivé à un stade d'impunité pour des policiers surarmés. La police de proximité n'existe plus. La notion de gardien de la paix n'existe plus, il n'y a plus que des forces de l'ordre. Des jeunes sous de grosses armures qui ne savent pas forcément comment réagir face à une masse de manifestants mobilisés pour une cause. Il faut rappeler qu'être flic, c'est avant tout une responsabilité, c'est celui qui est censé incarner l'exemple.

Quel regard portez-vous sur les interdictions de manifestations ?

- Là encore, c'est l'illustration des lois sécuritaires. A l'école, on nous apprenait que la démocratie consistait a bien séparer les pouvoirs. Aujourd'hui, le gouvernement a décidé de tout mélanger, de tout centraliser. Refuser le droit de manifester, c'est passer sous une dictature. Au XXème, les gens se battaient pour obtenir des droits, au XXIème on se bat pour les conserver. Le gouvernementtraite les manifestants comme des terroristes, alors qu'ils veulent juste préserver des acquis sociaux...

Vous dénoncez cet état d'esprit de violence, lié à la peur. Que pensez-vous du fait que 54% des Français se disent favorables à la torture face au terrorisme ?

- Ça fait peur... [Silence] Si on devient ce qu'on combat, c'est qu'il y a une erreur d'appréciation quelque part. Oui, il y a des tarés qui font des choses graves, des choses qui ne seront jamais excusables. Mais il faut aussi essayer de comprendre les raisons politiques et sociales derrière. On ne peut pas faire la guerre pendant 10 ans depuis des avions et penser que ça n'aura aucune conséquence... Hélas, les politiques et les institutions médiatiques ne posent pas ces questions. Ils préfèrent éduquer à la peur, éduquer à la haine.

Est-ce votre objectif, mobiliser une population peu politisée ?

- Je m'adresse à tous les humains, sans distinction d'âge, de milieu, de religion... C'est vrai que parfois je veux faire passer des messages politiques, mais finalement ma musique n'est que le point de vue d'une humaine sur le monde. Je dénonce ce qui me semble fou, et j'essaye d'encourager ce qui me semble important.

Vous avez ainsi largement soutenu le mouvement des Indignés en 2012. Aujourd'hui, soutenez-vousNuit debout ?

- Oui, carrément ! Nuit Debout, comme les Indignés, représente une nouvelle manière de lutter sans être encarté. Ça permet de se mobiliser hors des syndicats, hors des partis politiques, hors des outils du système. C'est une forme plus horizontale de lutte. C'est relativement nouveau dans l'histoire de l'Europe, et je trouve ça bien que ça émerge parce que c'est une forme de lutte où l'écoute de l'autre est très importante.

Faut-il que Nuit debout débouche sur une formation politique, comme Podemos en Espagne ?

- Non. Le moment où ça s'institutionnalise, c'est perdu. Après, le mouvement entre dans une logique de partis, de campagnes, d'argent... Même si quelqu'un d'extrêmement intègre prenait les rennes d'un pays, il ne pourrait pas changer les choses, parce qu'aujourd'hui la conjoncture mondiale est dictée par le FMI et l'OMC. Je ne crois pas au changement par une institution ou par la force. Je crois au changement à un niveau humain avec des gens qui retournent à la terre.

Résister est important. Mais, c'est surtout construire autre chose à un niveau personnel qui permettra de changer. Retourner à la terre dans une recherche d'autonomie, ça permet de sortir de la logique du système. Et au passage de déstabiliser cette machine qui défonce tout sur son passage.

Comment envisagez-vous l'élection présidentielle de 2017 ?

- Je ne l'envisage pas vraiment quand je vois la brochette de candidats qui se dessine... Marine Le Pen – Nicolas Sarkozy – Manuel Valls... ça va être vraiment compliqué de voter. En ce moment, je m'intéresse particulièrement à lareconnaissance du vote blanc et de l'abstention.

On vous dit altermondialiste, anarchiste, écologiste, zadiste... Y a-t-il une étiquette qui définisse Keny Arkana ?

- Je déteste toutes les étiquettes en "istes". Je dirais que je suis "humaine". Pas "humaniste", "humaine".

Votre "Etat d'urgence" est proposé à "prix libre", c'est-à-dire qu'il peut être téléchargé gratuitementet que les internautes peuvent donner ce qu'ils souhaitent. Quel est l'objectif de cette démarche ?

- A la base, je n'avais pas vraiment prévu de faire cet EP. Aussi, j'ai voulu le rendre le plus accessible possible, pour que mon message de paix passe. J'aimerai bien faire de la musique uniquement libre, sans passer par le système. Mais ça coûte encore cher de faire des disques, et je vois mal un CD vendu à la Fnac avec la mention "prix libre". C'est pour ça que l'EP n'est disponible qu'en digital