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Rétention des mineurs étrangers: la CEDH condamne la France
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Métro) DROITS DES ETRANGERS – Quatre ans après avoir condamné l’enfermement de deux enfants d'une famille kazakhe dans le centre de rétention administrative (CRA) d'Oissel-Rouen, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) intime une nouvelle fois à la France de revoir ses pratiques de rétention des mineurs étrangers en vue de l'expulsion de leur famille.
C'était pourtant une promesse de campagne du président de la République. En mai 2012, dans un courrier adressé aux associations d'aide aux étrangers, François Hollande s'était engagé à mettre fin à l'enfermement des enfants en bas âge pendant plusieurs jours dans des Centres de rétention administrative (CRA), en vue de leur expulsion. Pourtant, quatre ans plus tard, dans une salve de cinq arrêts, la Cour européenne des droits de l'homme vient rappeler à l'exécutif français qu'il n'a pas tenu ses engagements.
Traitement inhumain ou dégradant
Mardi 12 juillet, la CEDH vient en effet de condamner la France pour la rétention de plusieurs mineurs et de leurs familles depuis 2012. Les juges européens, qui s'appuient sur plusieurs droits fondamentaux dont le droit à une vie de famille normale et le droit à la sûreté, estiment qu'il s'agit d'une privation de liberté assimilable à un traitement inhumain ou dégradant, et donc contraire à la Convention européenne des droits de l'homme.
"C'était prévisible, commente pour metronews Nicolas Hervieu, juriste en droit public, rattaché au Centre de recherche et d'études sur les droits fondamentaux (Credof) à Paris X. La Cour n'interdit pas en soi la rétention des mineurs en bas âge mais elle considère que cette mesure doit être exceptionnelle, brève et dans des conditions dignes qui tiennent compte de l'âge de l'enfant".
La France déjà condamnée
Le 19 janvier 2012, la France avait d'ailleurs déjà été condamnée dans l'arrêt Popov, pour ces même pratiques. A cette époque, les juges européens estimaient déjà que la rétention dans le centre de Oissel-Rouen de deux enfants kazakhes et leurs familles, plusieurs jours avant leur expulsion, constituait une atteinte à leurs droits.
"La France compte parmi les trois seuls pays européens qui recourent systématiquement à la rétention de mineurs migrants accompagnés", écrivaient-ils, et une telle privation de liberté a été un "facteur d’angoisse, de perturbation psychologique et de dégradation de l’image parentale pour les enfants" et que "les conditions dans lesquelles les enfants ont été détenus, pendant quinze jours, dans un milieu d’adultes, confrontés à une forte présence policière, sans activités destinées à les occuper, ajoutées à la détresse des parents, étaient manifestement inadaptées à leur âge".
105 enfants en rétention en 2015
De fait, depuis de nombreuses années, associations, avocats et juristes dénoncent cette pratique des préfectures et de la justice administrative. "Nous condamnons le principe même de l'enfermement des enfants en centre de rétention car on est dans un univers carcéral qui peut être traumatisant", déplore Jean-Claude Mas, secrétaire général de La Cimade, une association d'aide aux étrangers, qui a porté plusieurs affaires devant la CEDH.
Hormis une circulaire du ministère de l'Intérieur en juillet 2012 pour empêcher ces enfermements sauf en cas exceptionnel, la situation n'a en outre pas vraiment évolué. Pire, le nombre d'enfant retenus, selon les association, a plus que doublé par rapport à 2014, passant de 45 à 105 enfants en un an. Et à Mayotte, la situation est encore "plus préoccupante" puisque 4378 mineurs ont été enfermés en 2015. "La France persiste à enfermer. Depuis 2015, on a une augmentation des enfermements de confort près des aéroports l'avant-veille d'une expulsion. Ça met les familles dans des situations traumatisantes", regrette encore Jean-Claude Mas, de La Cimade.
"Un désaveu de la politique du gouvernement"
"C'était pourtant un engagement très clair, complète le juriste Nicolas Hervieu. Les préfectures n'ont pas changé leurs pratiques. Cette condamnation sonne donc comme une forme de désaveu de la politique du gouvernement en matière de droit des étrangers". L'avocate d'une des familles, Me Flor Tercero, du barreau de Toulouse, est sur la même longueur d'ondes. Le fils de ses clients, un petit Arménien de 4 ans a a été "traumatisé" après ses 18 jours au centre de rétention administrative (CRA) de Toulouse, en 2012, avec ses parents.
Après quatre ans de bataille judiciaire, elle se dit "fière" d'avoir fait condamner la France qui "a continué à appliquer une politique xénophobe". "Trois des affaires sont postérieures à la circulaire de 2012, alors que le gouvernement s'était engagé. Cela va désormais amener les juridictions à être plus vigilantes sur les violations des droits de ces familles", explique l'avocate à metronews.
Reste à savoir si l'Intérieur fera en sorte de faire évoluer ses pratiques. Votée le 7 mars 2016, la loi sur le droits des étrangers a, selon Jean-Claude Mas, "validé la possibilité d'enfermer en dernier recours en centre de rétention administrative". "Ce texte légalise une pratique qui ne devrait pas exister", craint-il. Il est sur ce point appuyé par le Défenseur des droits, Jacques Toubon, qui ce 12 juillet demandait lui aussi à réformer la loi pour mettre fin à la rétention administrative des enfants. Joint par metronews, le porte-parole du ministère de l'Intérieur n'a pas répondu à notre demande d'interview.