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Beaumont-sur-Oise: "C’est notre façon de crier notre rage et de faire notre deuil"

Lien publiée le 21 juillet 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.liberation.fr/france/2016/07/21/beaumont-sur-oise-c-est-notre-facon-de-crier-notre-rage-et-de-faire-notre-deuil_1467713

La famille d'Adama Traoré, décédé mardi à la suite de son interpellation par les gendarmes, demande une contre-expertise pour faire la lumière sur les causes de son décès, ses proches suspectent une «bavure» des forces de l'ordre.

=Antonio est posté devant la mairie de Beaumont-sur-Oise. Il regarde avec affliction sa BMW. Ou plutôt ce qu’il en reste : mercredi soir, son véhicule «tout neuf» a brûlé. «Je crois qu’un gamin est mort de manière bizarre… Je peux comprendre la colère des jeunes mais ce n’est pas normal de brûler les voitures», dit-il à voix basse. Une colère sourde guide un certain nombre d’habitants du secteur après la mort d’Adama Traoré, un jeune de 24 ans, après une interpellation. Selon la préfecture, 15 véhicules ont été incendiés et 35 feux ont été allumés sur la voie publique. La police a aussi recensé deux tentatives d’incendie contre une école maternelle et le bâtiment de la mairie de Beaumont-sur-Oise. D’autres violences ont éclaté aux alentours de la commune, à Persan et Bruyères-sur-Oise : neuf personnes ont été interpellées et placées en garde à vue.

Autopsie et contre-expertise

De son côté, la famille du défunt court derrière la vérité. Mama, la sœur aînée d’Adama, arrive devant la marie après avoir vu le corps de son petit frère à l’institut médico-légal de Garches. Elle parle au nom des siens devant un parterre de badauds et de journalistes. Mama s’oppose aux violences de la jeunesse et réclame justice. Depuis mardi, les autorités évoquent un «malaise cardiaque» du jeune homme, dans le fourgon de la gendarmerie de Persan qui l’emportait au poste après son interpellation dans le centre-ville de Beaumont. Une version démentie depuis le départ par ses proches, qui dénoncent une bavure policière. Jeudi, en milieu d’après-midi, après les premiers résultats de l’autopsie, le procureur a indiqué que le jeune homme souffrait d’une «infection très grave touchant plusieurs organes». Et que le médecin légiste n’a pas relevé de «traces de violence significatives».

L’avocat de la famille, Frédéric Zajac, explique à Libération «On attend toujours les résultats complets de l’autopsie. On ne nie pas l’infection mais on n’a toujours pas les raisons officielles de sa mort, ni la justification des hématomes sur son visage.» Chez les proches, le doute n’existe pas. Ils préparent une demande de contre-expertise. «C’est la police qui l’a tué, martèle Lassana. Les Arabes et les Noirs, en France, on est des merdes. Y a que dans des camions de police qu’on décède.» Il interpelle les journalistes sur la raison de leur présence : «Regardez, y a des morts tous les jours en France, et y a pas la presse tout le temps. Là, vous êtes tous là pour ce décès-là. C’est bien que cette mort n’est pas comme les autres.»

Marche calme

Vendredi, à l’initiative de la famille, une marche aura lieu, à partir de 17 heures. «On veut rassembler partout en France. Je demande au monde entier de venir, prévient Assa, l’une des soeurs d’Adama. On appelle tout le monde à être calme pendant cette marche, histoire de montrer qu’on est plus intelligents qu’eux.» Le trajet ira du quartier de Boyenval, où habitait le jeune homme, au centre de Beaumont-sur-Oise, là même où il fut interpellé par les gendarmes. D’après l’événement Facebook, plus de 5 000 personnes sont attendues – alors que Beaumont-sur-Oise compte 10 000 habitants. Parmi elles, il y aura bien sûr les amis, les copains, les voisins – «Je le connaissais de vue, il passait tous les matins devant mon magasin, ça fait bizarre» – mais aussi, comme en témoignent les réseaux sociaux, de nombreux anonymes «révoltés» par la situation.

Colère et brouhaha

Les résidents de Persan seront également au rendez-vous, comme l’explique un jeune homme croisé dans la rue : «D’habitude, il y a des petites guéguerres entre nous et les jeunes de Boyenval [le quartier où habitait le jeune homme, ndlr], à Beaumont-sur-Oise. Mais là, dans cette affaire, on est tous ensemble.» Un autre, la vingtaine passée, rencontré près de la gare de Persan, cite les paroles du rappeur Rohff :«La mort met tout le monde d’accord.» Le jeune homme, «en galère d’emploi», nous explique, avec un sourire en coin, qu’il a participé aux dégradations de la veille. «Chaque fois qu’un mec meurt, c’est notre façon de crier notre rage et de faire notre deuil. Et ce n’est pas organisé, les choses se font naturellement : on se retrouve en bas et on fait les choses.» Pascal, père de famille habitant dans le quartier populaire du Village, à Persan, se gratte la tête. «Ce n’est pas très malin de la part des casseurs. Manifester pour crier justice, c’est logique. Mais mettre le feu, c’est se tirer une balle supplémentaire dans le pied.» Au milieu de la colère et du brouhaha, certains se posent des questions dont ils ont l’air de connaître la réponse. «Le gouvernement appelle en ce moment les gens à rejoindre la réserve opérationnelle. Ils croient vraiment qu’on va bosser avec les gendarmes après ce qui s’est passé ?»