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Les trente sites politiques français ayant le plus d’audience sur le Web

Lien publiée le 22 octobre 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://blogs.mediapart.fr/antoine-bevort/blog/211016/les-trente-sites-politiques-francais-ayant-le-plus-d-audience-sur-le-web-0?utm_source=facebook&utm_medium=social&utm_campaign=Sharing&xtor=CS3-66

Journalistes, chercheurs et acteurs utilisent de plus le nombre de likes ou de followers pour rendre compte de l’audience politique d’un mouvement ou d’un candidat. Les données d’audience des sites web pour rendre compte de certaines évolutions socio-politiques sont cependant moins mobilisées. Pourtant des données sont disponibles et intéressantes.

Dans son très intéressant et instructif article intitulé« Pierre Rabhi, chantre d'une écologie inoffensive ? », publié dans Revue du crieur n°5 (oct. 2016), Jade Lindgaard, cite Mathieu Labonne, qui affirme que Colibris est «la 5e ONG la plus influente de France, au même niveau que Greenpeace, devant le Secours populaire et Emmaüs». Une estimation qui repose sur le nombre de leurs followers sur Facebook, précise ce responsable des Colibris. Selon Jade Lindgaard, une telle évaluation est fragile « car personne ne sait réellement si l’influence d’une structure peut se mesurer à sa seule présence sur les réseaux sociaux ». Cette remarque ne manque pas de pertinence, néanmoins Mathieu Labonne dit vrai. L’audience sur le net semble bien un indicateur, certes parmi d’autres, de l’influence d’un mouvement.

Cet exemple illustre la façon dont les journalistes, les chercheurs et les acteurs utilisent généralement les données d’audience des sites web pour rendre compte de certaines évolutions socio-politiques. Ni les journalistes, ni les chercheurs, à quelques rares exceptions près, n’utilisent ces données de façon approfondie et suivie, et privilégient le plus souvent les données des réseaux sociaux, négligeant les données de fréquentation des sites web.

Pourtant, des mesures de fréquentation des sites web sont disponibles à une assez grande échelle. Elles fournissent des indications assez précises et régulières (quotidiennes dans certains cas) sur la fréquentation des sites d’organisations, institutions et personnalités sociopolitiques ainsi que des sites des médias d’informations. Certes ces données, mesurées par plusieurs outils différents, ne sont pas faciles d’accès et au-delà d’un usage limité, payantes. Mais, notamment en période préélectorale, comme celle que nous vivons, ces données complètent avantageusement les sondages. Leur contenu d’information dépasse largement l’intérêt des données de Google trends, et à notre avis l’audience des sites est au moins aussi intéressant que les statistiques des likes et followers. L’analyse de la fréquentation des sites Web permet notamment de saisir certaines évolutions, de façon assez fine et quasi instantanée après un événement politique (attentat, démission, déclaration de candidature…) ou l’émergence, la croissance ou le déclin de certaines forces politiques dans la plus longue durée.  L’analyse un peu systématique peut également documenter certaines informations méconnues, comme par exemple, l’importance de l’audience des sites d’extrême droite en France (voir plus bas).

Ainsi la compilation, depuis juin 2016, des données d’audience sur plus de 200 sites socio-politiques et d’information en utilisant un des outils disponibles, Alexa, fournit une moisson de chiffres qui constitue une petite base de données riche d’informations. Ces mesures d’audience représentent un thermomètre très sensible aux variations du climat politique et social. Toutes proportions gardées, cette base de données constitue une sorte de Baromètre du Web, ébauche d’un observatoire des audiences des sites socio-politique du Web. Nous nous concentrons ici sur quelques résultats, renvoyant pour la dimension méthodologique à un billet publié précédemment sur un autre blog.

Ébauche et test d'une petite banque de données

Notre petite banque de données repose actuellement sur le suivi de l’audience d’environ 175 sites en France et de 30 sites politiques étrangers. L’échantillon  des sites français est constitué, d’une part, de près de 68 sites de médias d’information générale ou politique aussi bien presse écrite, radio-télévision, médias en ligne, médias de la gauche comme de la droite radicale compris, d’autre part, de plus de 107 sites d’organisations (partis, associations, sites politiques divers, organisations syndicales et patronales) et d’institutions socio-politiques, complétés par une quinzaine de sites de personnalités politiques. Le suivi des médias est intéressant à un double titre. D’une part, il existe des données d’audience sur les médias qui permettent de valider la mesure d’audience Alexa utilisée dans notre base de données, d’autre part, l’évolution du classement de certains sites de médias peut être rapprochée de l’évolution des opinions politiques.

Les données accumulées depuis juin permettent de formuler plusieurs observations suivantes :

-       Le classement des sites socio-politiques met en évidence la très bonne audience relative des sites d’extrême droite comme Égalité et réconciliation, Fdesouche et autres Salon Beige.

-       Ces sites d’extrême droite sont plus fréquentés que ceux des institutions politiques type Assemblée nationale ou Présidence de la République qui apparaissent entre les rangs 2 000 et 10 000).

-       Le classement des sites des partis politiques ayant une audience électorale est dominé et de loin par le Front national. Seul le site d’En Marche réalise une audience proche, mais ce mouvement doit encore faire la preuve de son implantation électorale.

-       Les données concernant les sites des personnalités politiques sont d’une extrême sensibilité à l’actualité. Le classement des sites des personnalités (candidats à des primaires ou aux présidentielles), d’abord dominé par le site de Marine Le Pen, l’est depuis fin août, par celui de Jean-Luc Mélenchon, suivi depuis quelques semaines par le site d’Alain Juppé. On note également que les sites de certaines personnalités comme Jean-François Copé ou Aranud Montebourg ont des audiences faibles ou médiocres.

-       Les sites de la CFDT et de la CGT arrivent en tête du classement des organisations de salariés et d’employeurs, assez loin devant les autres organisations aussi bien syndicales que patronales. Ces sites sont également beaucoup plus fréquentés que ceux des partis politiques.

-       Le classement de sites médias est dominé par les médias classiques, si l’on excepte Wikipedia (que nous avons choisi d’intégrer parmi les médias) qui est le site d’« information » le mieux classé. Il faut cependant noter le bon classement de deux médias russes, et le relatif bon classement de sites d’information d’extrême droite (souvent complotistes).

Les données de fréquentation des sites politiques ne peuvent pas se lire comme des intentions de votes. Elles expriment néanmoins dans leur classement comme dans leurs variations que l’on peut suivre quotidiennement l’évolution du climat politique. Elles révèlent (ou documentent) également des faits relativement méconnus comme l’audience conséquente de sites d’extrême droite, ou le succès ou l’échec de certains sites de personnalités.

Afin de tester la validité des données d’audience des sites, nous nous sommes intéressés à l’élection présidentielle états-unienne. Aux États-Unis, l’évolution de l’audience des sites de Clinton et de Trump (respectivement au 514è rang et 726è rang aux Etats-Unis, à la date du 19 octobre) se révèle ainsi assez cohérente avec les chiffres des sondages. Les courbes d’audience des deux sites (et même des quatre sites, puisqu’il y a quatre candidats) épousent assez bien les évolutions de la popularité sondagière des deux candidats depuis la montée de l’audience de Clinton à l’issue de la convention démocrate au mois de juillet, la remontée de Trump au mois d’août, puis son recul notamment après le débat du 26 septembre.

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Les trente sites politiques français ayant le plus d'audience

Pour illustrer l’intérêt de ces données dans le cas français, le tableau publiée ci-dessous récapitule les données telles que mesurées par Alexa à la date du 19 octobre 2016 pour les 30 sites classés dans le groupe des 10 000 sites français ayant le plus d’audience.

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Source des données : ©Alexa 2016

Il faut préciser que le classement (colonne deux) est calculé à partir des seuls visiteurs uniques se connectant en France. Le traffic rank d’Alexa est calculée à partir du nombre de visiteurs uniques sur les trois derniers mois, calculée ici à la date du 19 octobre.  Le nombre mensuel de visites (trois colonnes suivantes) est calculé à partir des connections dans tous les pays, constaté à la date du 1er octobre. Ces différences expliquent que le classement sur la base du nombre de visiteurs uniques ne correspond pas au classement que l’on calculerait sur la base du nombre de visites.

 Le classement est relativement stable dans le temps. Il confirme tout d’abord le très bon classement des sites d’extrême droite. Sur les dix premiers sites politiques, 7 appartiennent à l’extrême droite. Seuls les sites institutionnels du Sénat et de l’Assemblée nationale s’insèrent dans ce top ten, dans un ordre qui ne reflète d’ailleurs pas leur importance relative dans le processus de décision législative. Primaire2016.org, le site de la primaire de la droite et du centre, occupe la dixième place et témoigne de l’intérêt populaire pour cette primaire.

Égalité et réconciliation est le premier site politique français, et obtient 8,1 millions de visites mensuelles. Pour illustrer la bonne performance du site Égalité et Réconciliation, on peut observer, par exemple que le site d’Alain Soral est mieux classé que celui de Mediapart, qui dans les données d’Alexa occupe le 317 è rang. Autre exemple, le site d’ATTAC est au 31 631 è rang.  Fdesouche arrive en deuxième position avec 4,5 millions de visites. Le Front national est au douzième rang, et constitue, et de loin, le premier des sites des partis politiques.

Comme l’a souligné le récent ouvrage de Dominique Albertini et David Doucet, « La Fachosphère » (Flammarion), l’extrême droite a remporté la bataille du net. En tout il y a 16 sites d’extrême droite sur les 30 sites appartenant à la liste de sites politiques se classant dans le groupe des 10 000 sites français ayant le plus d’audience, tous types confondus. Polemia, et OJIM ferment la liste, deux sites d’extrême droite moins connus mais néanmoins très présents dans la bataille culturelle. OJIM est un espèce d’Acrimed d’extrême droite. Le site Initiative communiste (lié au PRCF) est dernier site classé dans ce groupe, un exemple typique des groupes confusionnistes qui empruntent la rhétorique de la gauche pour véhiculer un discours d’extrême droite. Pour plus de détails, voir ici.

Le site d’Amnesty France est le premier n’appartenant pas à l’extrême droite à s’insérer dans le classement, suivi du site d’Acrimed. Colibris est la troisième association à se classer dans la liste, ce qui confirme les affirmations rapportées par le responsable de cette association dans l’article de Jade Lindgaard, évoqué en début de ce billet.

Parmi les personnalités politiques, les deux sites de Mélenchon occupent les 16 è et 20 è places, devançant le site d’En Marche, que l’on peut considérer comme un site hybride, à la fois personnel et d’organisation. Le site d’Alain Juppé apparaît également dans ce groupe dont a disparu le site de Sarkozy.

Le tableau montre qu’aucun grand parti politique (ayant une certaine assise électorale) hors le FN n’apparaît dans le premier décile des 100 000 sites classés en France. On trouve en revanche dans cette liste les sites de la CFDT et de la CGT, ainsi que le site de la primaire de la droite et du centre, déjà mentionnée.

Notons que certains résultats sont assez étonnants, comme le bon classement de l’UPR, un groupuscule d’extrême droite n’ayant aucune existence électorale. Le fait que 14,5 % de son trafic provient de Thaïlande où le site de l’UPR occupe le 2981è rang incite à une certaine méfiance sur la fiabilité de leurs données.

Quoi qu’il en soit, ces données confirment que sur le net, la gauche a perdu le combat pour la direction idéologique et culturelle. Gramsci doit se retourner dans sa tombe d’avoir été ainsi mieux compris à l’extrême droite qu’à gauche. Hors du FN, une multitude de sites s’active dont nombre ne se soucient pas d’être diabolisés…