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    L’Etat condamné définitivement pour des contrôles "au faciès"

    Lien publiée le 9 novembre 2016

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (afp) La Cour de cassation a définitivement condamné mercredi l'État pour des contrôles d'identité "au faciès", une première historique saluée par les militants qui dénoncent depuis des années une pratique discriminatoire.

    La plus haute juridiction, qui se penchait pour la première fois sur cette question, a condamné définitivement l'Etat dans trois dossiers. La cour a estimé qu'un contrôle d'identité discriminatoire constituait une "faute lourde" qui engageait la responsabilité de l'État et a précisé la façon dont la discrimination doit être prouvée.

    "C'est une grande victoire", a salué Me Félix de Belloy, qui a défendu en première instance et en appel les treize hommes à l'origine de cette bataille judiciaire. "On sort de plusieurs décennies de non-droit en matière de contrôle d'identité. Les policiers considéraient qu'ils pouvaient contrôler sans motif, c'est terminé."

    L'affaire avait commencé en 2013 lorsque treize hommes d'origine africaine ou nord-africains s'étaient lancés dans un combat judiciaire, dénonçant des contrôles injustifiés, parfois associés à des palpations, des insultes ou du tutoiement.

    Après avoir perdu en première instance en octobre 2013, les plaignants avaient fait appel, soutenus cette fois par le Défenseur des droits Jacques Toubon. En juin 2015, la cour d'appel de Paris avait donné raison à cinq d'entre eux, condamnant l'État à verser 1.500 euros de dommages et intérêts à chacun.

    L'État s'était pourvu en cassation pour les cinq dossiers dans lesquels il avait été condamné, et les huit hommes qui n'avaient pas obtenu gain de cause en avaient fait autant.

    Onze des pourvois ont été rejetés. Au final, l'État est définitivement condamné pour contrôles au faciès dans trois dossiers.

    - Un récépissé de contrôle -

    Point important, la Cour de cassation a indiqué la façon dont la discrimination doit être prouvée: la personne s'estimant victime d'un contrôle d'identité doit apporter au juge des éléments qui laissent présumer l'existence d'une discrimination et c'est ensuite à l'administration de démontrer, soit l'absence de discrimination, soit une différence de traitement justifiée par des éléments objectifs.

    Un aménagement de la charge de la preuve dont se sont réjouis les militants.

    "Cet aménagement est essentiel", a commenté Lanna Hollo, de Open Society Justice initiative (émanation de la Fondation George Soros). "Cela rend plus facile les recours en matière de contrôle discriminatoire. Ca va être maintenant au citoyen de s'en saisir."

    "Il est difficile pour une personne aujourd'hui de prouver qu'on a été contrôlé et c'est encore plus compliqué de prouver qu'on a été contrôlé +au faciès+", a témoigné Bocar, un des treize hommes qui se sont lancés dans la bataille judiciaire. Il n'a, au final, pas obtenu gain de cause.

    Au-delà des cas individuels, l'affaire est pour Lanna Hollo "la reconnaissance qu'il y a un problème de contrôle au faciès. Ça met la pression sur l'Etat pour prendre des mesures pour faire reculer ce problème".

    Selon Mathilde Zylberberg, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature, "cette décision fait bien apparaître la nécessité de mettre en place un récépissé de contrôle pour permettre aux personnes contrôlées de manière discriminatoire de rapporter la preuve du contrôle".

    Elle estime aussi nécessaire de modifier le cadre légal des contrôles d'identité qui "facilite les contrôles d'identité non fondés sur des raisons objectives".

    La création d'un récépissé est une demande de longue date des associations antiracistes, déçues par le renoncement de François Hollande sur cette question.

    Une étude menée en 2009 à Paris par Open Society Justice Initiative et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) montrait qu'en France, les personnes perçues comme "noires" et "arabes" sont contrôlées respectivement six et huit fois plus que celles perçues comme "blanches".

    "On a déjà fait bouger les lignes", s'est réjoui Bocar, car "ça montre qu'on peut aussi gagner face à l'Etat".