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Les travaillistes et le référendum en Grande-Bretagne sur l’UE

Lien publiée le 15 novembre 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.contretemps.eu/corbyn-labour-labica-2/

Deuxième volet d’une analyse de la situation politique britannique dont le premier peut être lu ici. Thierry Labica y aborde la dimension électorale, mais aussi la question médiatique.

*

Reste la question du vote de l’électorat travailliste (des législatives de 2015) lors du référendum sur le maintien dans l’UE. L’affaire est d’une importance singulière ici, dès lors que ce sont les résultats de ce vote qui ont servi de prétexte au lancement de la tentative d’éviction de Corbyn par les échelons supérieurs du parti. « Corbyn a échoué à mobiliser l’électorat travailliste pour le maintien » est rapidement devenu l’argument central pour justifier le lancement de l’offensive et le soutien à une candidate alternative pour « l’unité », la « crédibilité » et « l’éligibilité » du parti, Angela Eagle, à laquelle on préféra finalement, quelques semaines plus tard, un autre candidat pour « l’unité », Owen Smith.

On a donc reproché à Corbyn de ne pas en avoir fait assez pour la cause du « remain » et de ne pas avoir manifesté l’enthousiasme adéquat pour l’UE. Le Brexit apparait couramment comme relevant de sa responsabilité personnelle. On ne pense pas gâcher un suspense délectable en pointant d’emblée la fragilité de telles imputations. Quelle fut la cause et la signification de ce « pas assez » ? Il faut brièvement aborder la dimension quantitative du problème (l’implication de Corbyn dans la campagne), la position généralement adoptée à son égard et, corollairement, la nature particulière de cet enjeu.

Du côté de l’implication, autant rappeler d’emblée qu’elle parut d’abord irréprochable à ceux-là mêmes qui devaient bientôt mener l’offensive contre Corbyn : Angela Eagle elle-même (alors encore ministre des entreprises du gouvernement d’opposition de Corbyn) fit part de son admiration (dans le Guardian du 13 juin) à voir « Jeremy parcour[ir] le pays de long en large, suivant un itinéraire qui épuiserait un jeune homme de 25 ans. Il n’arrête pas. Nous faisons de notre mieux, mais si personne n’en rend compte, c’est difficile »1. Du côté quantitatif, les nombreuses interventions de Corbyn sur le sujet ont fait l’objet de 123 comptes rendus médiatiques, une couverture qui parait faible en comparaison de celle reçue par les dirigeants conservateurs (favorables au maintien ou à la sortie).

Une étude conduite par des chercheurs de l’université de Loughbourough a montré à ce propos que la couverture médiatique de cette campagne a très distinctement dirigé l’attention du public vers les conservateurs ; sur les huit figures politiques nationales dont les propos ont été les plus rapportés, sept étaient des conservateurs totalisant à eux seuls plus de 1600 apparitions. Corbyn est la première personnalité travailliste à apparaitre dans ce classement, en 7eposition ; la première femme de cette liste arrive en 12e place (Gisela Stuart, une travailliste en faveur de la sortie). La construction médiatique de la campagne du Brexit, toujours selon cette étude, a donc été nettement centrée sur le camp (et le psychodrame) conservateur, a majoritairement fait écho aux partisans de la sortie, et a largement privilégié les figures politiques masculines2. Dans ces conditions, le « pas assez » de Corbyn mérite quelques précautions minimales, d’autant qu’en comparaison, Theresa May, alors encore ministre de la Justice du gouvernement Cameron et soutien pour le moins discret du maintien dans l’UE, ne fit qu’une vingtaine d’interventions dans cette campagne, manifestant alors une réserve que l’on jugea souvent, à l’inverse, très à-propos.

Corbyn est-il également responsable de ne pas en avoir fait assez du côté argumentatif ? Manqua-t-il de l’enthousiasme nécessaire pour défendre la cause de l’UE ? Son soutien initial au maintien dans l’UE fut, selon bien des critiques, trop peu enthousiaste, notamment en déclarant que sur une échelle allant de un à dix, son soutien se situait aux alentours de « sept, sept et demi ». On voudrait faire trois observations à ce propos.

La première, qui pourrait d’ailleurs être la seule à ce stade, consiste simplement à rappeler que dans ce référendum, 63% de l’électorat travailliste s’est prononcé pour le « remain », soit légèrement mieux, par exemple, que le vote écossais, lui-même jugé fortement majoritaire en faveur du maintien dans l’UE (62%). Mais plus significativement encore, ce résultat fut largement supérieur aux 42% de l’électorat conservateur en faveur d’un maintien. Le référendum avait été proposé et défendu par le premier ministre conservateur3. L’échec et la division furent donc incomparablement plus grands pour le parti au pouvoir.

Deuxièmement, le choix tactique de lancer l’offensive interne contre le dirigeant travailliste parait – dans ces conditions, et à ce moment – étrange ; l’argument selon lequel Corbyn aurait été le principal responsable de la défaite du « remain » semble trahir une impatience aux limites de la rationalité, affranchi de tout sens du kairos, même de son propre point de vue. Mais en outre, le conflit interne, ses intrigues et ses coups de théâtre, exhibé et commenté sans fin, laisse passer une occasion majeure de cibler la majorité en pleine déconfiture, ainsi que des partisans du « leave » d’une inconséquence partagée entre le comique et le méprisable4. La tentative ratée de coup du groupe parlementaire travailliste contre son propre dirigeant a, de cette manière, réussi à laisser le champ libre à une alternative conservatrice. Theresa May est devenue la nouvelle Première ministre d’un nouveau gouvernement tory prêt à assumer le « leave » choisi par plus de 17 millions de votants. Mais elle put surtout apparaitre comme l’alternative la plus digne et la plus viable à la fois aux créatures d’opérette qui avaient défendu le « leave », et à cette fébrilité autodestructrice de l’opposition travailliste pourtant si soucieuse « d’efficacité ».

La troisième observation porte sur une dimension déjà familière des enjeux liés à l’UE : les opinions concernant l’UE ne sont pas alignées sur les orientations de partis. Depuis bien longtemps, elles les traversent et y forment d’importantes lignes de clivage interne. C’est évidemment le cas du Labour, comme chacun le sait depuis longtemps dans le mouvement travailliste.

L’étude déjà citée sur la disparition des 5 millions de voix travaillistes entre 1997 et 2012 indiquait que parmi l’électorat resté loyal au Labour sur cette période, 41% souhaitaient que la Grande-Bretagne quitte l’UE (59% pour l’électorat qui s’était détourné du parti). Une défense pure et simple de l’UE (à concevoir qu’elle soit possible) renoncerait par avance à prendre en compte les réticences existantes. Qui peut dire, en cela, qu’une adhésion plus euphorique au maintien dans l’UE aurait emporté l’adhésion des plus indécis et des plus critiques ? Ne risquait-on pas, dans un tel cas, de participer d’une nouvelle idylle transpartisane célébrant dans un apolitisme revendiqué la grandeur d’un projet européen devenu au mieux introuvable ?

D’où la contradiction suivante : Corbyn, selon une critique récurrente venue de l’intérieur du parti, ne chercherait pas, en général, à porter son message au-delà de ses soutiens les plus convaincus. Mais lui faire grief d’un manque de détermination en faveur de l’UE dans la campagne référendaire, c’est lui reprocher d’avoir adopté une attitude qui précisément ne se limitait pas aux fervents partisans de l’UE ; une orientation offrant un terrain d’empathie avec toutes celles et ceux pour qui l’Europe de l’austérité, des lobbys industriels, de la brutalisation scientifique du peuple grec, des milliers de noyés en Méditerranée ou de la sous-traitance des réfugiés au gouvernement de Recep Tayyip Erdogan ne constituent pas nécessairement le projet social, économique, « civilisationnel » le plus exaltant.

Les 17 millions de personnes qui ont voté « leave » n’étant certainement pas toutes des racistes et des xénophobes convaincues, une position modérée et empathique, plutôt que polarisante, sur l’Europe est probablement plus avisée si l’on souhaite ne pas durablement s’aliéner de vastes secteurs ayant soutenu le « leave », auxquels on signifierait en outre que seule Madame May accepte de se conformer au résultat de ce référendum.

Polarisation, repolitisation, recomposition : au-delà du carcan de l’électoralisme

Les échéances électorales de la fin de l’année 2015 et du début 2016 devaient permettre d’établir la preuve du danger que Corbyn ne pouvait que représenter pour le Labour et l’avertissement définitif de son « unelectability » congénitale pour les législatives de 2020. Les catastrophes annoncées n’eurent cependant pas lieu : victoires et renforcements électoraux sensibles aux élections partielles, victoires dans de grandes municipalités, majorité de l’électorat travailliste en faveur du maintien dans l’UE (face à une authentique débâcle des conservateurs) en dépit de l’ambivalence historique du mouvement travailliste sur la question européenne.

Ces résultats doivent, certes, être modérés ou nuancés au regard des expériences antérieures. Il a souvent été rappelé, par exemple, que par le passé, les plus nettes victoires aux élections locales (en 2012, ou même en 1981) n’ont pas empêché les cuisantes défaites aux élections parlementaires suivantes (de 2015 ou 1983). Par ailleurs, les résultats favorables de 2015-2016 ne sont pas ceux du dirigeant mais de candidats locaux qui lui sont, dans certains cas au moins, ouvertement hostiles. Enfin, le vote travailliste lors du référendum peut toujours être réinterprété après coup au regard de la campagne menée, pourvu cependant que l’on tienne compte de l’expression médiatique de cette campagne (très centrée à la fois sur les querelles de l’élite politique conservatrice et sur les questions de l’immigration, et peu attentive à la campagne travailliste). Si ces analyses restent nécessaires (en réponse à d’éventuels surcroîts d’enthousiasme des partisans de la nouvelle direction, en permanence sommée d’établir la preuve de sa viabilité électorale), elles ne peuvent être mises au service de la confirmation du présupposé de départ des anti-Corbyn.

Il demeure, néanmoins, et au risque de se répéter, que les cinq millions de voix travaillistes perdues au cours des dernières années et l’électorat travailliste « classique » des régions désindustrialisées et livrées aux forces d’un développement très inégal du territoire national, ne sauraient se réconcilier en quelques mois avec un parti, parti bien loin leurs intérêts et aspirations. Le discours et l’orientation de Corbyn ont déjà réussi à (r)amener vers le Labour près de 450 000 adhérent(e)s, jeunes et moins jeunes, en un temps record, ce qui, pour une organisation qui en avait perdu plus de 250 000 depuis le début des années 2000, parait plutôt exceptionnel. On peut raisonnablement présumer que tout (effectifs, électorat et représentation, enracinement social, cohésion idéologique et organisationnelle, liens avec le monde syndical) ne peut se reconstruire au même rythme.

À la situation électorale du parti, qui n’est qu’un aspect d’un ensemble de questions beaucoup plus vaste et divers, à sa dynamique de renouvellement et de croissance, il faut ajouter un autre développement significatif, à savoir le début de reconstruction des liens historiques devenus difficiles et parfois conflictuels entre le Labour et le monde syndical. Corbyn et John McDonnell ont toujours été proches du mouvement syndical. Ils ont été de ceux – rares au sein du travaillisme parlementaire – qui apportèrent un soutien clair à la cause des mineurs lors de la grande grève de 1984-1985, et qui contestèrent les lois particulièrement restrictives à leur égard adoptées dans les années 1980. Ils continuèrent, en outre, de porter la critique, de l’intérieur du parti, à la fois du refus du New Labour au pouvoir de revenir sur cet enserrement législatif antisyndical des années 1980, et de la volonté concomitante des dirigeants néo-travaillistes de marginaliser la composante syndicale au sein même du parti.

Depuis 2015, Corbyn, pourtant si minoritaire dans le parti, a reçu le soutien déclaré de Unite et Unison, soit les deux plus grandes organisations syndicales du Royaume-Uni, qui comptent respectivement 1,42 million et 1,3 million de membres ; mais aussi des syndicats ASLEF (cheminots), BFAWU (industrie alimentaire), CWU (postes, communication), UCATT (bâtiment), TSSA (personnels ferroviaires). Le FBU (pompiers, sécurité civile) a, lui, décidé sa réaffiliation au Labour après l’élection de Corbyn5. Ce syndicat avait fini par rompre ses liens historiques avec le parti en 2004, après de longs mois d’affrontement sur les salaires avec le gouvernement Blair6.

En août 2016, alors que le travaillisme institutionnel mettait en route un nouveau processus électoral interne dans l’espoir de se débarrasser de Corbyn largement élu moins d’un an plus tôt, le dirigeant reçut l’appui de huit organisations syndicales sur les quatorze affiliées au parti (deux ne s’étant pas prononcées) et les quatre restantes ayant choisi de soutenir son concurrent d’alors, Owen Smith. Corbyn a gardé les soutiens de l’année précédente et a gagné celui d’UCATT, qui avait soutenu un autre candidat en 2015. Bien entendu, ces soutiens syndicaux ne veulent pas dire que l’ensemble des membres de ces organisations votent pour tel ou tel candidat. Certaines (Unison et GMB) ont déterminé leur choix sur la base d’un vote en ligne de leurs adhérent(e)s. Unite s’est prononcé suite à une recommandation émanant d’un millier de ses délégués réunis en congrès. UCATT et BFAWU ont procédé de la même manière7.

Le vote final pour la direction du Labour reste un vote individuel. Mais dans tous les cas, on est loin de l’époque où l’hostilité des organisations syndicales avait pris une ampleur inédite, plusieurs d’entre elles envisageant alors leur désaffiliation vis-à-vis d’un parti dont elles étaient censées être le fondement historique même8. Et même le RMT (syndicat des transports), qui dans ce même contexte du début des années 2000 avait été le premier syndicat exclu dans l’histoire du parti (en 2004), a également déclaré son soutien à Corbyn9. Si cette convergence-là est en bonne partie héritière de loyautés anciennes, maintenues dans des conditions d’isolement politique prolongé, elle est aussi le produit d’une clarté programmatique qui passe par l’engagement d’abolir la loi sur les syndicats adoptée en 2016 (Trade Union Act), et qui, même édulcorée, témoigne d’une agressivité antisyndicale digne des pires heures du thatchérisme (en dépit de la baisse historique de combativité observée depuis des années) ; par l’engagement de se débarrasser des législations des années 1980 laissées intactes par treize années de travaillisme au pouvoir ; et enfin par les perspectives avancées dans le document commandé par la nouvelle direction travailliste aux juristes de l’Institut des droits de l’emploi : A Manifesto for Labour Law. Ce document soumet vingt-cinq recommandations en vue d’une refonte du droit du travail, centrée sur l’expression des travailleurs aux niveaux national, sectoriel et d’entreprise. Contre une législation muée en arme fatale contre les organisations ouvrières depuis les années 1980, le projet est de refaire de la négociation collective le centre de gravité de la réglementation dans le lieu de travail. La négociation collective sectorielle aurait vocation à reconstruire en ensemble de droits pour tous les salariés d’un secteur, quel que soit le taux de syndicalisation de son entreprise ou lieu de travail, que l’employeur reconnaisse ou non les organisations syndicales ou qu’il participe ou non au processus de négociation. La négociation collective qui fut le modèle dominant en Grande-Bretagne au XXe siècle ne couvre plus aujourd’hui que 20% des salariés du pays. Son redéploiement nécessaire, selon ce manifeste, doit pouvoir s’appuyer sur un nouveau ministère du travail, responsable de sa promotion, et sur des Commissions sectorielles de l’emploi qui énonceraient, pour chaque branche d’activité, un ensemble de conditions d’embauche dans le cadre de négociations par branche d’industrie. Le Manifeste pour le droit du travail continue de proposer le recours à la législation protectrice dès lors que tous les travailleurs ne peuvent être couverts par la négociation collective. Mais il part également du constat que les formes et normes d’emplois contemporaines ne sont plus celles de l’emploi permanent, à plein temps, et qu’en conséquence, il y a urgence à reconnaitre et reconstruire des relations d’emplois là où la précarité du faux auto-emploi, ou les emplois zéro-heures, de l’économie informalisée, par exemple, a largement servi à disloquer ces relations d’emplois au profit de l’illusion d’un marché du travail mué en terrain de jeu pour atomes concurrentiels. Il va donc de soi, à ce stade, que le manifestepréconise aussi la suppression de la loi sur les syndicats de 2016, la fin des remises en cause du droit de grève par le biais de chicaneries réglementaires multiples, la reconnaissance des grèves de solidarité, ou l’interdiction des listes noires, encore si souvent utilisées aujourd’hui contre les syndicalistes en Grande-Bretagne.

La dynamique de recomposition du parti et de polarisation politique nouvelle apparue avec la campagne puis l’élection de Corbyn à la direction du parti en septembre 2015 se manifeste aussi à travers un débat public réinvesti et repolitisé. L’illustration sans doute la plus immédiate en est la participation de masse qui s’observe depuis l’été 2015 dans les réunions publiques de Corbyn. Le nouveau dirigeant du parti remplit les salles et des centaines de personnes doivent régulièrement rester à leur porte pour suivre les prises de parole de l’extérieur. En plus d’une occasion, Corbyn a dû venir s’adresser directement à l’auditoire resté dehors une première fois avant le meeting prévu dans la salle. Cet intérêt aussi vif qu’inhabituel porté au discours et aux débats politiques s’observe aussi dans le succès d’audience de la série de « New economics lectures » conduite par John McDonnell, auxquelles ont participé Yanis Varoufakis et Joseph Stiglitz, notamment.

Cette tendance à la repolitisation s’observe également à travers l’audience de médias en ligne qui ont entrepris, à la fois, de contester une tonalité médiatique ouvertement hostile à cette recomposition et cette nouvelle visibilité d’une gauche britannique, mais aussi, et plus généralement, d’élargir le terrain même du débat légitime. La rédactrice en chef du site The Canary10, Kerry-Anne Mendoza, résume utilement les termes du problème en expliquant que

« nous essayons, avec un succès croissant, de remettre en cause certains de ces récits dominants [dans la représentation médiatique de Corbyn]. Dans ce pays, nous sommes dans la situation où 81% des principaux médias sont la propriété de six grands groupes ; la majorité des journalistes qui y travaillent sont passés par le même nombre restreint d’universités et en sont sortis avec leur diplôme à dix centimètres sur la gauche ou sur la droite des uns et des autres politiquement parlant. Et c’est ce petit décalage entre eux qui devient l’arène minuscule du débat politique dans ce pays. Toute personne hors de ce périmètre fait l’objet de moqueries, ou est ignorée, ou ridiculisée, ou dénigrée en passant pour un dérangé malfaisant et dangereux. […] Il existe un très large éventail d’idées politiques qui sont terriblement sous-représentées dans les principaux médias aujourd’hui. »

Mais pour la rédactrice de The Canary, au-delà du problème que représente le confinement de la zone d’audibilité politique et l’entre-soi qui y règne, il y a un contexte plus large dans lequel s’opère « une série de révolutions parallèles à la fois en politique et dans les médias. Du côté politique, il y a les dirigeants habiles et courageux du SNP en Ecosse ; Plaid Cymru au Pays de Galles ; le Labour de Corbyn. Et sur le terrain médiatique, on trouve des équivalents de The Canary, qui n’existait pas il y a encore un an. En juillet [2016], nous étions l’un des sites d’information les plus lus du Royaume-Uni. »11

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références

1. Nombre d’internautes s’étonnèrent alors que dans sa lettre de démission du gouvernement d’opposition (le 27 juin), la même Angela Eagle déclare « Ce résultat du referendum m’a anéanti. Un trop grand nombre de nos soutiens se sont laissés avoir par les arguments de droite et je crois que cela a été possible en partie du fait que, sous ta direction, la défense du maintien dans l’UE en est restée dans une ambivalence mitigée au lieu d’être clamée haut et fort ».
2. Étude conduit par le Centre for Research in Communication and Culture de l’université de Loughborough : “Media coverage of the UE referendum (report 5 – 27 June 2016)”.
3. Lors des législatives de 2015, en guise d’appât électoral à l’intention de ces électeurs conservateurs potentiellement tentés par un vote en faveur de parti UKIP.
4. Boris Johnson, l’ancien maire de Londres ; Michael Gove, le ministre de la justice ; et Nigel Farage, le dirigeant du UKIP. Leur désertion en rase campagne immédiatement après le vote a vite fait savoir, lorsque c’était nécessaire, à quel genre de figures politiques on avait affaire.
5. « Firefighters have come back to labour today because we finally found a leader worth backing in Jeremy Corbyn”, Matt Wrack (secrétaire national du FBU), The Independent, 27 novembre 2015.
6. Blair avait accusé le FBU d’antipatriotisme lorsque cette organisation lança un mot d’ordre de grève à la veille de l’assaut sur l’Irak en 2003. On put s’étonner à l’époque de ce qu’un le journal télévisé de 20h de France 2 jugea utile d’évoquer l’affaire, et plus encore de l’information elle-même : un célèbre présentateur rapporta que le Premier ministre britannique condamnait les menaces de « frappes » du FBU. Cette « information » dépourvue du moindre sens fit l’amalgame certainement involontaire entre « strike » qui signifie « grève », et l’autre sens du même mot : « frappe » ou « bombardement ».
7. Jusqu’à l’association des gardiens de prison, qui n’est pas affiliée au Labour, et avait elle aussi décidé d’appeler ses adhérents à voter pour Corbyn dans la cadre de la participation individuelle payante.
8. Les dirigeants syndicaux les plus critiques gagnèrent bientôt l’appellation de « the awkward squad » (sorte de « bande gênante »).
9. « Transport union RMT ‎statement in support of Jeremy Corbyn », 26 juin 2016.
10. Créé en 2015 et devenu en un an l’un des sites d’information en ligne les plus fréquentés. Voir son site.
11. « Is the mainstream media biased against Jeremy Corbyn »BBC Newsnight, 22 Août 2016.