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"La Nouvelle Calédonie reste une économie de comptoir "

Lien publiée le 14 décembre 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.latribune.fr/economie/france/la-nouvelle-caledonie-reste-une-economie-de-comptoir-624012.html

En 2015, le PIB de la Nouvelle-Calédonie a progressé de 1,4%, comme en Métropole. En 2016, aucune accélération notable de l'activité n'est attendue. Résultat, le taux de chômage ne devrait pas baisser. Il s'élevait à 14,6% en 2014. Le taux de chômage des jeunes grimpait à 38,4%. Dans un entretien accordé à La Tribune, Chérifa Linossier, la présidente de la CGPME de la Nouvelle-Calédonie, détaille les obstacles qui empêchent le « Caillou » de se développer plus rapidement.

LA TRIBUNE - Croissance faible, taux de chômage élevé, notamment chez les jeunes... la Nouvelle-Calédonie est dans une situation économique délicate. Cette atonie est-elle durable ?

Chérifa Linossier  - La Nouvelle-Calédonie est prisonnière des accords de Nouméa. En 2018, conformément à ces accords, un référendum sera organisé sur l'autodétermination. Si les Néo-calédoniens votent non à l'indépendance, un deuxième référendum se tiendra en 2020. Si le résultat est le même, un troisième et dernier vote sera organisé en 2022. Si le non l'emporte une troisième fois, le « Caillou », comme on appelle communément la Nouvelle-Calédonie, restera français. Dans ce contexte, Paris et Nouméa ne sont pas enclins à prendre des décisions structurantes pour l'avenir de l'île. Le statu-quo prévaut.

Par ailleurs, notre gouvernance est un mille-feuilles qui étouffe les initiatives. Avant qu'une décision soit prise, il faut convaincre le Sénat coutumier, le Congrès, le gouvernement, les présidents des trois Provinces du Nord, du Sud et des Iles, les communes... Notre économie reste donc une économie de comptoir. Malheureusement. C'est la raison pour laquelle la CGPME fait, comme tous les ans, le déplacement à Paris et à Bruxelles, pour faire entendre la voix des chefs d'entreprises.

Pourquoi Bruxelles ?

Les relations économiques entre Nouméa et l'Union européenne sont bien plus fortes qu'entre Nouméa et Paris. En Métropole, la Nouvelle-Calédonie est considérée comme un poids, pas comme une chance. C'est également le cas des DOM et des COM, si j'en crois les témoignages de mes homologues des CGPME ultra-marines.

Paris vous délaisse ?

Le ministère des Outre-mer est surtout un ministère de gestion. Il n'a pas la main sur leur développement. C'est Bercy qui décide, qui tranche sur des textes de loi et des mesures qui sont pour la plupart du temps inadaptés aux économies ultra-marines. Résultat, ce sont des mesures qui peuvent couter cher, notamment quand ce sont des dépenses fiscales, et qui sont inefficaces. Il faut régionaliser la stratégie de développement. Pourquoi ne pas créer un ministère du Pacifique ?

Pour l'anecdote, j'ai assisté une fois à Bruxelles à la présentation de mon île par une task force constituée de hauts fonctionnaires français. Ils avaient confondu la Nouvelle-Calédonie et la... Nouvelle-Zélande. Nouméa avait remplacé Auckland... Alors que les îles du Pacifique sont les principales concernées par le réchauffement climatique et la montée des eaux des océans, nous n'avons pas été consultés avant la COP 21 ! On a bien voulu de nous sur quelques photos...

Présenté, le 3 août en conseil des ministres, le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer est actuellement débattu par le Parlement. Il vise à établir - enfin - l'égalité des droits économiques et sociaux entre l'Hexagone et l'Outre-mer. C'est plutôt une bonne nouvelle ?

C'est toujours positif, bien sûr. Mais ce texte était très incomplet car il a été en grande partie bâti à Paris sans que les citoyens, les forces vives aient été consultés. Nous sommes tous obligés de venir à Paris pour combler les manques, notamment dans le domaine de la formation professionnelle, du fret. Résultat, le texte, qui est passé de 20 à 120 articles, est devenu très complexe.

Tout ne va pas si mal. BPI France, la banque publique d'investissement, arrive en Nouvelle-Calédonie !

C'est exact. Grâce à la banque publique d'investissement, nous espérons profiter enfin de conditions d'emprunt plus avantageuses qu'aujourd'hui. Les banques présentes en Nouvelle-Calédonie, toutes filiales de grandes banques françaises, n'ont pas dû s'apercevoir que le niveau des taux d'intérêts des banques centrales était à des planchers historiques. Elles nous étranglent !

Je tiens à précise que l'arrivée de BPI France intervient après quatre ans de bataille et que nos entreprises n'auront pas accès à toute la gamme de ses services. Nous n'aurons pas accès au prêt à taux zéro que nous réclamons pourtant depuis longtemps pour développer l'énergie photovoltaïque.

Comment expliquer ce délai de quatre ans ?

Le décalage horaire a d'abord été évoqué... Ensuite, ce fut l'incapacité technique de convertir les numéros d'immatriculation Ridet des entreprises néo-calédoniennes en numéros Siret métropolitain.

Pourtant, c'est grâce aux îles du Pacifique et à leurs zones économiques exclusives que la France peut s'enorgueillir d'être la deuxième puissance maritime mondiale !

La France ne fait pas grand-chose pour développer ces zones et c'est regrettable. Pour inverser cette situation, outre nos déplacements à Paris, nous nous sommes associés avec la CGPME de la Polynésie française pour former la Représentation patronale du Pacifique sud. Ensemble, nous représentons plus de 2.200 entreprises. C'est davantage que dans certains départements métropolitains. Ensemble, nous espérons nous faire davantage entendre de Paris et de l'étranger.

C'est-à-dire ?

Si l'on veut que notre île se développe, il faut séduire les investisseurs étrangers de notre zone. Je pense notamment aux néo-zélandais, aux australiens. Je tiens à rappeler que la zone Asie-Pacifique est la troisième au monde en termes d'échanges commerciaux. Si la France n'en a pas pris conscience, les Etats-Unis, la Chine ont clairement les yeux sur nous. Même Bruxelles est présent dans cette zone. C'est juste dommage que l'Union européenne ait choisi de s'implanter aux Fidjis, et non chez nous. Les incertitudes politiques expliquent vraisemblablement ce choix. C'est regrettable.

La chute des cours du nickel explique-t-elle les difficultés actuelles de la Nouvelle-Calédonie à rebondir ?

En partie seulement. Le nickel ne représente que 4% du PIB calédonien moins de 4.000 emplois.

Outre son sous-sol, quels sont les autres atouts du Caillou ?

Sa biodiversité est unique au monde. La Nouvelle-Calédonie pourrait-être la start-up française du développement durable mais seuls les scientifiques semblent intéressés par cette richesse.

Et le tourisme ?

Actuellement, il est embryonnaire. Chaque année, 100.000 touristes viennent sur notre île, dont 30% seulement de métropolitains. C'est à peu de choses près deux fois moins qu'en Polynésie française. Des croisiéristes viennent bien passer quelques heures mais je ne crois pas que ce soit une voie à développer. D'une part, ils ne dépensent rien. D'autre part, l'impact écologique est désastreux. Les coraux de l'Ile des Pins, qui est l'une des plus belles iles au monde, souffre énormément du passage des touristes qui se sont enduits de crème pour se baigner quelques heures.

Pourquoi si peu de Métropolitains viennent découvrir la Nouvelle-Calédonie ?

C'est très simple : le prix moyen d'un billet aller-retour avoisine les 2.000 euros. C'est la raison pour laquelle nous essayons de séduire les touristes australiens, néo-zélandais, américains ou japonais.