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Fringues, capitalisme, formatage

Lien publiée le 13 janvier 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://larelevesite.wordpress.com/2017/01/11/fringues-capitalisme-formatage/

En fin et en début d’année c’est généralement la grande messe annuelle de la consommation de masse. Peut-être as-tu déjà commencé à effectuer ces achats ou as-tu profité des démarques lors de la période de fête, et peut-être même enrichi ta garde-robe.

Selon Gramsci, l’idéologie (dans son sens large) est

une conception du monde qui se manifeste implicitement dans l’art, dans le droit, dans l’activité économique, dans toutes les manifestations de la vie individuelle et collective.

Tous les comportements de l’homme impliquent donc une idéologie. De ce postulat de départ penchons nous sur un trait culturel omniprésent dans nos vies et dans notre folklore : les vêtements que nous portons.

Tout d’abord les vêtements que nous portons sur notre lieu de travail. L’uniforme au travail a pour but de replacer l’individu dans le processus de production. L’uniforme réifie, dépersonnalise l’employé, il devient symboliquement la propriété de son employeur. Quand nous entrons dans un MacDonald’s nous somme accueilli au comptoir par des employés en polo bleu, cheveux attachés et sans bijoux. Or ils ne sont pas en contact direct avec la nourriture. Il n’y a donc pas de raison utilitaire à cet uniforme à part celle d’enseigner au prolétaire l’habitus de la soumission, c’est-à-dire sa place dans la hiérarchie et la façon dont il doit la respecter. Pour la femme de ménage, le livreur, etc., l’utilité de l’uniforme est la même. Le Bleu de travail en usine a lui aussi pour utilité de rappeler la hiérarchie. Au-delà de son aspect utilitaire et sécuritaire, les différenciations de couleur entre ouvriers, cadres et contremaîtres sont là pour inscrire dans l’esprit de notre ouvrier son infériorité, qu’il est remplaçable et que s’il n’obéit pas aux directives de son supérieur symbolique il pourrait bien aller grossir les rangs des chômeurs, l’armée de réserve des bourgeois.

Continuons sur nos employés du MacDonald’s : on peut remarquer plusieurs nuances d’uniforme, avec un logo plus ou moins prononcé en fonction des managers et des subalternes : il s’agit de faire ressortir l’appartenance à la marque de la force de travail. La tenue a pour but de retirer toute individualité à l’employé pour le transformer en chose, le réifier.

Nos vêtements suggèrent une appartenance sociale, allant d’une simple reconnaissance entre individus du même groupe (mode, prétendue « contre culture », etc.) à l’indication d’une place précise dans la société, pouvant susciter inconsciemment le respect comme l’indifférence, voire le dédain ou la crainte. L’uniforme du cadre confère à son porteur une autorité symbolique sur les autres sans autres formes de légitimité. Là encore il y a des distinctions, de couleur, de matière, de qualité qui différencient le grade hiérarchique et le domaine de travail. Par exemple la chemise bleue à col blanc renvoie directement au domaine de la finance, d’où le nom de col banquier.

La mode est avant tout urbaine, nous renvoyant au sens premier de société bourgeoise. Asseyons nous à un carrefour en centre-ville ou dans une gare et nous pouvons identifier des modèles dans le code vestimentaire des citadins. Penchons-nous sur trois d’entre eux en particulier : le « jean slim & Stan Smith », le costard Zegna et le survêtement de football.

Parmi les jeunes, la tendance est aux jeans slim : souvent troués au niveau des genoux, ils mettent volontairement les chevilles à découvert pour mettre en valeur des baskets, le plus souvent des Stan Smith blanches. Au-delà de l’incommensurable originalité de cet uniforme, on peut le dire, il dépersonnalise son porteur, comme l’uniforme MacDonald’s, en le faisant rentrer dans un cadre donné par le marché. En cela nous pouvons dire que le porteur est soumis à un formatage, à un conformisme véhiculé par les grands monopoles de marques de vêtement, où des employés sont formés pour le design et la mode. Pour comprendre intéressons nous à l’objet basket Adidas. Mais avant précisons que Adidas fut inventé par Adi Dassler, ancien membre du parti nazi dans les années 30, équipant la Wehrmacht durant la guerre. Les baskets Stan Smith, sont redevenues populaires en 2013 grâce à une fausse pénurie organisée par la marque, ce qui montre bien comment la mode est soumise aux intérêts capitalistes.

Si on s’amuse à regarder les remerciements inscrits à la fin des émissions télévisés, on remarque une prédominance de marques de vêtement haut de gamme, prêtées par les firmes à la chaîne pour qu’elles soient porté par les animateurs, véritables hommes-sandwich. Lanvin, Figaret, Zegna, etc. des marques que la grande majorité des téléspectateurs ne peuvent pas, et ne pourront probablement jamais s’offrir. Alors pourquoi les exhiber ainsi ? Là encore c’est un moyen pour la bourgeoisie d’éduquer les masses. Nous avons vu précédemment que nous avions été dressés et formatés pour respecter instinctivement sur la base du costume les hiérarchies sociales. Le spectacle télévisuel doit susciter l’acceptation et l’assimilation du message, ainsi que l’admiration pour les élites.

Bien en dehors du stade et terrain d’entraînement, le survêtement est un attribut vestimentaire, s’il est quotidien, socialement très connoté. Le survêtement estampillé d’un logo de club de football renommé est très largement porté dans les couches populaires et dans le lumpenprolétariat. Cette tenue est dévalorisée car portée par des franges de la population qui appartiennent ou se rapproche de l’armée de réserve du capital, les chômeurs, les précaires, une partie de ce qu’on appelait avant « les classes dangereuses ».

La garde-robe féminine est de même loin d’être dénuée de symbolisme. La femme est une des principales cibles commerciale de l’industrie du vêtement. En cela, la mode féminine est en constant renouvellement, chaque saison ayant sa couleur et ses matières phares. Au-delà de vider les portes-monnaies, cela sert à perpétuer nombre de préjugés inscrits dans l’idéologie bourgeoise. La réification du corps de la femme comme objet de désir passe en partie par les exigence des canons de beauté véhiculés par la mode.

Au vêtement en lui-même doit s’ajouter un accessoire très important, le maquillage. Au-delà du fait qu’il faille être séduisante en tout circonstance pour ces messieurs, ces produits, souvent hautement cancérigènes, ont pour vocation de cacher les aspérités du visage, d’aseptiser pour le rendre cohérent avec le canon de beauté, en effaçant toujours plus la personne. Ce culte de la beauté prêché par la société civile s’avère être un culte du faux, de l’illusion, d’un concept de beauté abstrait, non réaliste car coupé de la réalité matérielle. Ce culte moderne du corps n’est pas s’en rappeler le culte fasciste du corps, de l’homme comme de celui de la femme. Cette quête réactionnaire de la beauté par l’accessoire, vêtement, maquillage, bijoux, va à l’encontre de tout objectif d’émancipation, de genre comme de classe.

Les idées de la classe dominante sont aussi à toutes les époques les idées dominantes

explique Karl Marx dans La conception matérialiste de l’histoire. Ainsi donc, le goût dominant et socialement établi est le goût de la classe dominante, c’est le bon goût. Ce bon goût s’oppose au mauvais goût, particulièrement bien représenté à travers la « figure du beauf ». Le beauf représente tout ce qui est étranger à la classe bourgeoise, intégrant ainsi toute forme de tradition ou culture populaire. Ce bon goût tout puissant est la forme la plus aboutie du mépris de classe car il est assimilé dans toute la population, même chez certaines franges des classes populaires.

Les vêtements, et par extension la mode, sont un moyen de contrôle social pour la bourgeoisie car cela permet de différencier des groupes sociaux, et légitimer la domination et l’hégémonie de la classe bourgeoise.