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Comment les jardins étudiants fleurissent près des résidences universitaires

Lien publiée le 14 janvier 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.autogestion.asso.fr/?p=6411#more-6411

À proximité des campus, des « maisons de l’étudiant » ou des résidences du Crous, les projets de jardins partagés, basés sur des démarches solidaires et autogérées, attirent de plus en plus de jeunes gens à mesure qu’ils fleurissent sur le territoire. Inspirées des « Incroyables comestibles », ces initiatives visent l’autosuffisance alimentaire ou, à défaut, à apprendre à leurs usagers à cultiver leurs fruits et légumes bio, si possible en partageant le produit de la récolte. Pour eux, il ne s’agit pas seulement de se détourner des filières de l’agriculture industrielle, mais aussi et surtout de construire un début d’alternative, ici et maintenant.

C’est sûr, la ville de Metz, en Moselle, n’en est pas encore au niveau de Todmorden, qui affiche une autonomie alimentaire de plus de 80 %. Mais elle y travaille. Pour cela, elle s’inspire de ce qui s’est fait outre-Manche dès 2008, alors que la crise frappait de plein fouet cette ville de 15 000 habitants située au nord-ouest de l’Angleterre. C’est là qu’est né le mouvement, depuis devenu international, des Incroyables comestibles (en anglaisIncredible edible), qui consiste à cultiver des potagers partout où cela est possible, pour mettre les légumes à disposition gratuite de la population. Les Incroyables comestibles visent « l’auto-suffisance alimentaire des territoires et la nourriture saine et partagée pour tous », précise la charte française du mouvement.

« Les objectifs sont multiples, complète Olivier Rudez, membre des Incroyables comestibles à Metz. Permettre à ceux qui n’ont pas d’argent de se nourrir, réapprendre les savoir-faire que les citadins ou les jeunes ne connaissent plus, effectuer une forme de retour à la terre, consommer local pour éviter les pollutions liées au transport des aliments, recréer du lien social à travers les rencontres, développer l’agriculture paysanne et sans produits chimiques… Et ça fonctionne ! »

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Autosuffisance alimentaire

Le collectif messin, comme les autres groupes informels du mouvement, est connecté à l’association nationale des Incroyables comestibles, qui a fait de très nombreux émules : dans plus de 80 communes en France, on a sorti les bêches du placard pour se placer dans le sillage de cette petite révolution verte. À Albi, la municipalité s’est ainsi laissée convaincre d’atteindre l’autosuffisance alimentaire dans les années qui viennent ! « Nous n’en sommes pas encore là, mais la dynamique est lancée. Nous commençons petit, pour voir si les choses prennent. Si ça prend, alors nous développons », poursuit le Messin. Lequel, avec des dizaines de citoyens de tous les horizons et de tous les âges, a déjà aménagé treize jardins, dont certains atteignent les 80 m2.

Début 2015, l’un des deux grands pôles universitaires de la ville a été investi. De petites graines ont été semées autour de l’IUT de mesures physiques, installé sur un technopôle où les idées écolos ne sont pourtant pas légion : ici, on forme les ingénieurs du nucléaire ou des nouvelles technologies. « C’est parti de plusieurs enseignants, et les étudiants ont suivi. À chaque atelier — buttage des patates, récolte des courgettes… — les étudiants sont maintenant une quinzaine. Quand ils sont là, les passants s’arrêtent, discutent, s’informent. Ça donne clairement des envies. »

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« Pédagogie de la gratuité et du bien commun »

Depuis quelques semaines, l’autre grand site universitaire de la ville a rejoint le mouvement. L’île du Saulcy, sorte de poumon vert de l’agglomération, accueille maintenant quatre buttes de permaculture ! « En une journée, nous avons monté tout ça, à vingt. Franchement, nous étions tous surpris », commente Yves, un étudiant en fac de lettres, qui est né et a grandi entouré de béton. Mais il s’est pris au jeu rapidement. « J’avais entendu parler de ce projet par une amie, et j’y suis allé sans trop savoir ce que j’allais y faire. Maintenant, je vais continuer. J’ai découvert que j’aimais bien jardiner ! »

À la maison de l’étudiant voisine, on se réjouit de cette action. Les zones vertes sont immenses sur cette île. Les tomates, radis et autres légumes ont toute leur place à côté des concerts et autres expositions proposées durant l’année. « Il y a une pédagogie de la gratuité et du bien commun qui est très intéressante dans tout ça. La terre appartient à tout le monde et avec un peu de travail, nous arrivons à produire les aliments qui nous nourrissent. Nous n’avons plus besoin d’aller au supermarché acheter des choses sur lesquelles des marges énormes sont prises, au détriment des paysans », explique Olivier Lallement, l’un des animateurs du lieu. Qui voit dans cette initiative les prémices d’une remise en cause d’un système à bout de souffle : « Il y a une prise de conscience chez les participants qu’un changement en profondeur est à opérer si on veut limiter les dégâts environnementaux et sociaux. À nous de jouer ! »

A Metz, les Incroyables comestibles pourraient bientôt essaimer dans d’autres lieux, notamment dans un foyer de jeunes travailleurs ou dans la court d’une école primaire.

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Du potager des « bonnes sœurs » au jardin étudiant

À une cinquantaine de kilomètres de là, à Nancy, quelques étudiants de la résidence Boudonville, gérée par le Crous, cultivent leur propre potager. Ici encore, à l’origine, l’initiative émane des étudiants eux-mêmes. Plus modeste, leur terrain ne dépasse pas les 100 m2, et l’équipe d’apprentis jardiniers est relativement restreinte — jamais plus d’une douzaine — mais le projet a le mérite de perdurer depuis 2005, transmis d’année en année, d’une génération d’étudiants à l’autre. Voire, parfois, grâce aux habitants du quartier.

« La première année, j’ai vu arriver des étudiants pleins de bonne volonté, les filles avec des fleurs dans les cheveux, tout le monde y croyait. Ce sont eux qui ont proposé de reprendre le terrain pour le cultiver. Mais le public étudiant fluctue énormément d’une année sur l’autre », se souvient-on du côté de l’administration de la résidence, qui encourage l’initiative. « Et puis, les grandes vacances rendent la tâche compliquée. Un été, j’avais planté des échalotes et à mon retour, à la rentrée, tout était pourri », confirme un ex-étudiant de la fac de Lettres, située juste en face de Boudonville, qui est resté fidèle au potager.

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D’après le récit local, avant les années soixante, Boudonville aurait été un immense potager et verger entretenu par des « bonnes sœurs », qui redistribuaient des légumes aux personnes nécessiteuses, aux hôpitaux ou aux maisons de retraite. Puis la résidence étudiante s’y est implantée, et après le départ de la première directrice du lieu, en 2000, le terrain épargné par les constructions est laissé à l’abandon. C’est donc par un travail de défrichage qu’ont commencé les jeunes à l’origine du jardin étudiant.

Non seulement s’opposer, mais aussi construire

« Le jardin potager de Boudonville, c’est la première approche que j’ai eue avec la culture de la terre. Après les cours, la tête bien remplie des théories accumulées durant la journée, ça nous faisait un bien fou de venir nous décharger sur notre parcelle de terrain », se rappelle William, 25 ans, qui compte retourner à la fac de lettres à la rentrée pour préparer le concours d’enseignement de l’histoire. C’est lorsqu’une association de culture libertaire s’intéresse au potager, en 2011, que le jeune homme va s’y impliquer.

« Je découvrais tout d’un coup, à ce moment-là, la politique, le militantisme… Dans cette association, nous apprenions à ne pas seulement nous opposer au système, mais aussi à construire de nos mains notre propre alternative, à proposer un projet autogéré. C’était une découverte essentielle pour moi. Militer en ville — en manifestant, par exemple — et parvenir à subsister de ses propres récoltes participe à une même façon de lutter. »

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Une première expérience qui peut ouvrir la voie à d’autres possibles. Aujourd’hui, William veut construire sa propre maison, « une grosse cabane de 20 m2 », dans la Meuse, sur le terrain d’un ami qui fait pousser des plantes médicinales. En attendant, il vit chez un autre ami, maraîcher, et continue d’aller à Boudonville pour entretenir le potager.

Article original : http://www.bastamag.net/Agriculture-urbaine-comment-les-jardins-etudiants-fleurissent-aux-abords-des