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Le mouvement des luttes afro-américaines

Lien publiée le 12 février 2017

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L'histoire des luttes afro-américaines reste centrale dans la contestation aux Etats-Unis. Ce mouvement ne s'arrête pas à l'égalité des droits mais remet en cause l'ordre capitaliste.

La lutte des Africains-Américains est devenue un véritable mythe. Mais cette histoire est souvent falsifiée ou aseptisée. La lutte pour les droits civiques, pacifiste et réformiste, est particulièrement valorisée. Les combats contre les inégalités économiques et sociales sont davantage occultés. Les luttes des femmes empruntent aux mobilisations radicales et ouvrières mais restent ancrées dans un activisme pragmatique qui tente de trouver des solutions concrètes aux problèmes de la vie quotidienne. Caroline Rolland-Diamond propose de retracer l’histoire longue de cette lutte dans le livre Black America.

Des divergences de classe traversent le mouvement des Africains-Américains. La petite bourgeoisie privilégie les stratégies d’élévation sociale contre des revendications plus frontales et plus radicales de transformation de l’ordre social. «Historiquement, la classe moyenne noire a joué un rôle controversé d’intermédiaire et de négociateur entre les élites au pouvoir et les populations noires défavorisées», souligne Caroline Rolland-Diamond.

                                      black-america  

Racisme et ségrégation

L’abolition de l’esclavage est promulguée en 1865. Mais les Etats du Sud élaborent des Codes noirs pour limiter la liberté économique et physique des nouveaux affranchis. En 1890, le système « Jim Crow » institutionnalise une véritable ségrégation raciale. Les toilettes, les écoles ou encore les hôpitaux sont séparés. Les Noirs doivent endurer les différentes insultes et abus du système ségrégationniste. Mais les Africains-Américains adoptent des modes de vie tout aussi différents que les Blancs entre eux. Les classes sociales traversent cette population. « Ces différences sociales et géographiques eurent un impact sur le combat des Noirs pour l’égalité », analyse Caroline Rolland-Diamond.

W.E.B. Du Bois estime que les élites noires doivent encadrer et moraliser les classes laborieuses. La bourgeoisie noire insiste sur sa propre respectabilité, distincte d’une masse populaire accusée d’immoralisme et de fainéantise, pour revendiquer l’égalité des droits. Elle reproduit les stéréotypes classistes et racistes pour défendre le travail et la morale.

Du côté des femmes, des intellectuelles proposent des récits pour valoriser la culture noire. Mais ce sont également des ouvrières, comme les blanchisseuses d’Atalanta, qui montrent les capacités des Noirs à agir comme des acteurs politiques autonomes. Par leur grève victorieuse, les blanchisseuses montrent qu’elles ne sont pas prêtes à accepter leur condition de subordination.

La population noire rejoins les villes industrielles du nord, comme New York ou Chicago. Mais elle subit la misère et de mauvaises conditions de logement. En 1919 éclatent les émeutes de Chicago. Les Noirs sont alors entassés dans de véritables ghettos qui imposent une ségrégation urbaine.

Le syndicat Industrial Workers of the World (IWW) est ouvert à tous les travailleurs y compris les femmes, les immigrés et les Africains-Américains. Ce syndicalisme de lutte suscite la peur des autorités en raison de ses pratiques d’action directe et de sa popularité chez les Noirs américains. Le nationalisme noir de Marcus Garvey insiste sur la fierté des origines. Il développe un discours inter-classiste qui vise à coloniser l’Afrique.

Le mouvement Renaissance de Harlem exprime la créativité de la culture noire. Des artistes et des écrivains rejettent les canons de la culture dominante de la civilisation blanche d’origine européenne. Le jazz connaît un succès important. « Période d’effervescence littéraire et artistique sans précédent, cette Renaissance était étroitement liée à l’effervescence politique qui agitait au même moment les milieux noirs socialistes, ouvriers, nationalistes, panafricanistes ou intégrationnistes, eux aussi en quête d’une reconnaissance de leur égalité », souligne Caroline Rolland-Diamond. Le blues et le cinéma, à travers les race movies, permettent également de créer une identité noire par la culture.

Le mouvement des luttes afro-américaines

La lutte pour l’égalité des droits

En 1930, le New Deal permet d’endiguer la crise économique. Les Noirs peuvent accéder à des emplois publics qui ne sont pas uniquement un travail manuel. Une partie de la population noire s’intègre dans la classe moyenne à travers la méritocratie scolaire. Mais une autre partie reste enfermée dans la misère. C’est cette classe moyenne noire qui veut encadrer les classes populaires pour orienter le combat pour l’égalité raciale vers une démarche juridique.

Après la guerre, c’est l’action directe non violente qui prédomine. Des opérations de boycott des magasins qui n’embauchent pas d’Afro-Américains sont organisées. Le NAACP valorise la dimension juridique et l’inscription sur les listes électorales. L’intégration raciale dans l’emploi et dans les institutions prime sur les préoccupations économiques de la classe ouvrière. Au contraire, le journal The People’s Voice ouvre ses pages aux militants des quartiers qui se battent contre les loyers trop chers, pour l’amélioration des écoles et contre les brutalités policières. Le Parti communiste valorise l’action directe et les grèves sauvages. Il attire une minorité active de Noirs mais subit la répression dans le contexte du maccarthysme.

Pendant la guerre froide se développe la consommation de masse. Un public africain-américain se constitue. Des magazines, des émissions télévisées, des musiques s’adressent à ce nouveau public. L’intégration des Noirs dans la culture de masse se traduit par l’émergence de stars africaines-américaines. Des chanteurs noirs deviennent de véritables vedettes. Mais cette intégration dans l’industrie culturelle reste mal perçue. Ce succès commercial interacial est perçu comme « le double signe d’une dépendance intolérable vis-à-vis des Blancs et d’une compromission pour satisfaire leurs goûts », décrit Caroline Rolland-Diamond.

Le SNCC permet de créer un réseau de pasteurs africains-américains. Ce mouvement, incarné par Martin Luther King, valorise la non-violence et le respect de la légalité. Ses actions contre la ségrégation dans les bus attirent de nombreux jeunes. Le mouvement Nation of Islam renouvelle le nationalisme noir. Son opposition aux institutions attire les classes populaires et les prisonniers. Malcom X devient la figure de ce mouvement qui ose tenir tête aux autorités policières.

Au début des années 1960, la jeunesse étudiante valorise l’action directe non violente. Les militants noirs défit la ségrégation des Etats du Sud à travers des sit-ins malgré les risques d’arrestations. Les marches des Freedom Riders permettent de dénoncer la ségrégation qui perdure, notamment dans les transports. Ce mouvement populaire permet d’améliorer la législation.

Dans le Nord, la Nation of Islam ne se contente pas de revendiquer l’égalité des droits. Ces nationalistes noirs réclament aussi l’amélioration concrète des conditions de vie dans les ghettos. Le discours de Malcolm X valorise l’auto-défense armée. Dans le Sud, Gloria Richardson incarne une évolution pragmatique. Lassés de la non-violence, de nombreux Noirs décident de se défendre et d’attaquer des commerces. Gloria Richardson décide de soutenir cette évolution.

Le mouvement des luttes afro-américaines

Le Black Power

En 1965 éclatent les émeutes de Watts à Los Angeles. C’est une nouvelle révolte dans un quartier populaire après une altercation avec un policier. Le pillage des magasins et la violence se prolongent pendant six jours. Martin Luther King rejette cette violence. Mais les jeunes prolétaires ne l’écoutent plus. Tandis que la bourgeoisie noire privilégie l’intégration et les droits civiques, les classes populaires restent attachées à la dimension économique et sociale. Watts exprime ce clivage, «la majorité des Africains-Américains se sentant trahis par les classes supérieures souvent coupées des réalités vécues par les plus pauvres », analyse Caroline Rolland-Diamond.

Le dirigeant du SNCC, Stokely Carmichael, lance le slogan de Black Power. Ce mot d’ordre insiste sur la conquête du pouvoir politique par les Noirs. Surtout, il évoque l’importance de l’autonomie culturelle et politique du mouvement noir. Avant d’agir avec les Blancs, les Noirs doivent s’organiser entre eux. Le SNCC décide de s’implanter dans les ghettos. Pour cela, il reprend la posture des gangs et leur rhétorique bien virile. Mais les femmes, souvent très actives dans les quartiers populaires, rejettent cette posture sexiste.

En 1966, Bobby Seale et Huey Newton fondent le Black Panther Party. L’auto-défense armée en habits paramilitaires renvoie l’image d’une fierté virile. Mais le BPP incarne la résistance des Noirs face au harcèlement policier quotidien. Le BPP reprend le discours nationaliste de Nation of Islam mais pas son séparatisme. Il noue même des liens avec les étudiants blancs de la Nouvelle Gauche. Surtout, le BPP s’inscrit dans une critique marxiste du capitalisme et défend la nécessité d’une révolution socialiste pour permettre aux travailleurs de prendre le contrôle des moyens de production. Le BPP entend améliorer les conditions de vie dans les ghettos qui subissent des problèmes de mal logement et de chômage.

En 1967, un vague d’émeute se propage dans de nombreuses villes. A Détroit, l’armée et la police ne parviennent pas à maintenir l’ordre. Nixon dénonce un « enfer d’anarchie urbaine ». La guerre au Vietnam crée également un clivage au sein du pays. Les Noirs s’opposent progressivement à la guerre.

Le Black Power comprend également une dimension culturelle. La créativité doit permettre l’émancipation de la communauté noire. L’expression artistique, y comprisles cultures populaires, comprennent un potentiel libérateur et révolutionnaire. Cette culture refuse l’intégration et lutte contre les rouages oppressifs de la société américaine. Larry Neal propose de « relier, de manière tout à fait consciente, l’art et la politique en vue de la libération du peuple noir ». Des théâtres et maisons d’édition indépendants doivent permettre de sortir de la culture commerciale blanche.

En 1968, des émeutes éclatent après l’assassinat de Matin Luther King. Les institutions décident de renforcer la répression alors que le mouvement noir devient de plus en plus menaçant. Nixon devient président et impose une politique conservatrice. Dans ce contexte, le BPP s’oriente vers la solidarité directe dans les quartiers. Il organise notamment des repas gratuits.

Le nationalisme noir assigne les femmes à leur rôle traditionnel de mère soumise. Mais le féminisme radical se développe au même moment. « Il fallait non seulement lutter contre le racisme et l’oppression économique mais également prendre conscience de l’oppression fondamentale des femmes dans la sphère privée, autrement dit de leur subordination au sein de la famille », décrit Caroline Rolland-Diamond. Mais le féminisme libéral refuse de remettre en cause le capitalisme. Les intérêts des femmes noires de la classe ouvrière ne sont pas pris en compte. Le mouvement noir se développe également dans les prisons pour dénoncer les conditions carcérales. Angela Davis incarne cette lutte des prisonniers noirs.

A partir des années 1980, la politique néolibérale incarnée par Reagan renforce la pauvreté, le chômage et la dégradation des soins.

Le mouvement hip hop évoque la répression policière et les problèmes du quotidien. Son succès dépasse les quartiers noirs pour toucher l’ensemble de la jeunesse. Le hip hop reste influent au sein des classes populaires. En revanche, les classes moyennes noires dénoncent le rap qui se conforme au cliché du jeune agressif et oisif. Les féministes critiquent les postures viriles.

Le culture de l’upflit valorise la responsabilité et la réussite individuelle. La petite bourgeoisie noire porte cette idéologie conservatrice. Elle n’est pas favorable à l’action collective pour améliorer les conditions de vie dans les ghettos.

Le mouvement des luttes afro-américaines

Racisme et luttes des classe

C’est une véritable histoire de l’Amérique que propose Caroline Rolland-Diamond dans son livre. L’historienne alterne bien le registre de l’histoire individuelle avec celui de l’histoire collective des Etats-Unis. Ce livre se révèle évoque donc des faits méconnus tout en s’inscrivant dans une histoire globale. L’historienne montre bien les différents courants et sensibilités politiques qui traversent la lutte des Noirs aux Etats-Unis. Mais il s’agit moins de clivages marqués que de stratégies complémentaires.

En revanche, l’analyse de classe de Caroline Rolland-Diamond se révèle trop floue. Il en ressort une absence de regard critique sur le nationalisme noir. L’historienne se contente de distinguer les classes populaires des classes moyennes. Mais la stratification sociale se révèle plus subtile. Surtout, les stratégies politiques dans la lutte des Noirs correspondent à la défense bien précise d’intérêts de classe. Ahmed Shawki, dans son livre Black and Red, propose une analyse pertinente.

La bourgeoisie noire désire s’intégrer dans la société capitaliste et devient assimilationniste. Cette classe défend l’égalité des droits. La petite bourgeoisie noire devient nationaliste voire séparatiste. Cette classe sociale défend des institutions exclusivement noires pour conforter son petit pouvoir. Seules les classes populaires ont intérêt à une transformation de l’ensemble de la société contre le racisme et les inégalités sociales.

Caroline Rolland-Diamond souligne le côté viril et militariste du BPP. Il faut également critiquer son aspect avant-gardiste qui prétend encadrer les ghettos noirs à travers une organisation hiérarchisée. Les dérives autoritaires de certaines organisations nationalistes doivent être critiquées.

Cette synthèse de Caroline Rolland-Diamond affirme un regard subjectif et des choix intéressants. Elle contribue à mettre en avant le rôle des femmes, souvent occulté derrière les postures viriles des militants nationalistes. Les femmes n’occupent pas le devant de la scène mais jouent un rôle déterminant. Leur approche pragmatique leur permet d’améliorer de manière concrète la vie quotidienne dans les quartiers, loin du folklore tapageur. Ensuite, Caroline Rolland-Diamond montre également l’importance des mouvements culturels. Le mouvement noir s’accompagne d’une importante créativité désormais ancrée dans les cultures populaires.

En revanche, Caroline Rolland-Diamond semble occulter le rôle de la classe ouvrière. Le racisme des organisations du mouvement ouvrier reste éludé. Surtout,les luttes des ouvriers noirs ne sont pas mises en avant. Pourtant de nombreuses grèves sauvages éclatent dans les usines automobiles, notamment à Détroit dansles années 1968. Ces luttes sortent de l’encadrement syndical et s’appuie sur des pratiques d’auto-organisation. L’importance des grèves dans l’amélioration du quotidien des populations noires doit être soulignée.

La lutte contre le racisme doit s’inscrire dans la lutte de classes. Le mouvement pour l’égalité des droits a pu permettre des avancées concrètes. Mais ce sont les luttes des prolétaires noirs, hommes mais aussi femmes, qui portent réellement des perspectives émancipatrices. Seules les classes populaires noires s’inscrivent dans une lutte contre le racisme et contre les inégalités sociales. Ces mouvements portent la perspective d’un monde sans hiérarchies, sans classe et sans Etat.

Source : Caroline Rolland-Diamond, Black America. Une histoire des luttes pour l’égalité et la justice (XIXe-XXIe siècle), La Découverte, 2016

Articles liés :

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Angela Davis et les luttes actuelles

Une histoire de la culture hip hop

CLR James, un marxiste noir

Les luttes de quartiers à Los Angeles

Les émeutes de Chicago en 1919

Pour aller plus loin :

Vidéo : The Black Panthers – All Power To The People, mis en ligne sur le site du groupe Alternative Libertaire Bruxelles le 16 février 2014

Vidéo : The Black Power Mixtape 1967-1975, mis en ligne sur le site Quartiers Libres

Vidéo : "Malcolm X, aux noms de l'identité noire", documentaire diffusé sur France Ô le 25 février 2015

Vidéo : Caroline Rolland-Diamond - Black America, publiée sur le site des Rendez-vous de l'histoire le 7 novembre 2016

Vidéo : Regards croisés sur les États-Unis la veille des élections 2016

Vidéo : Election présidentielle américaine, la course aux grands électeurs, émission diffusée sur France 24 le 11 novembre 2016

Vidéo : L’Amérique de Nixon au bord de l’implosion

Radio : Sortir du capitalisme, 50 ans après les Black Panthers, une histoire des luttes des Afro-Américain-e-s, émission diffusée sur Radio libertaire

Radio : émissions sur le livre Black America diffusées sur France Culture

Radio : Anik Schuin, Caroline Rolland-Diamond: Black America, émission diffusée sur RTS le 29 octobre 2016

Radio : Pierre-Edouard Deldique, émission Une semaine d'actualité diffusée sur RFI le 5 novembre 2016 

Radio : Sylvie Noël, émission Livre international diffusée sur RFI le 10 décembre 2016

Mathilde Carton, Pourquoi les inégalités raciales persistent-elles aux Etats-Unis ?, publié dans le magazine Les Inrocks le 11 octobre 2016

Catherine Calvet, Caroline Rolland-Diamond: « Obama avait annoncé qu’il ne serait pas le président des Noirs, et il ne l’a pas été », publié dans le journal Libération le 16 septembre 2016

Pierre-Louis Rolle, Entretien avec Caroline Rolland-Diamond, publié dans le webzine Bully Pulpit le 24 février 2015

Claude Grimal, No justice no peace, publié sur le site En attendat Nadeau n° 19 le 26 octobre 2016

Régine Vinon, Compte-rendu publié dans le journal L’Anticapitaliste n°82 en décembre 2016

Sébastien Zerilli, Compte-rendu publié sur le site Liens Socio le 28 novembre 2016

Igor Martinache, Compte-rendu publié dans le magazine Alternatives économiques

Jean-Marie Dinh, Culture du mouvement noir américain et activisme social, publié dans le journal La Marseillaise le 20 décembre 2016