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Macron : Président du Capitalisme Terminal

Macron

Lien publiée le 25 février 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/macron-president-du-capitalisme-190057

Voilà, c’est fait. L’ultime chance que la route fût barrée à Macron vient de s’évanouir. La politique sied mal aux « cathos » ces temps-ci. Fillon, l’homme « propre » d’hier, trébuche piteusement en faisant voler au vent une pile de contrats pas très catholiques. Et celui qui dénonçait en Macron le candidat des forces de l’argent, le chevalier blanc béarnais, chrétien de conviction mais néanmoins « laïcard », notre Bayrou national se plie. Pour quelle assiette de lentilles ? Un énième maroquin ? Peu nous importe. Désormais la piste est libre, l’avion, pardon, le Jet du capitalisme terminal peut prendre son envol, destination l’Elysée.

Ceux qui prennent l’avion embarquent auterminal. « Allez, allez, il reste encore des places, venez à bord de mon beau Falcon, je vous emmène au pouvoir. »

Pour les autres, il faudra se passer d’anglais et en revenir au bon petit terminus tout franchouillard. Ce sera la fin soudaine du rêve, celui du petit rab’ de sommeil qui s’empare des employés, train plus métro, au petit matin : « Terminus, tout le monde descend ! » Finis la Team ambiance et les gentils Helpers. Il faudra ranger les chaises, balayer les salles de meeting et retourner sagement travailler le dimanche et pour les lunettes remboursées aux marmots, on verra plus tard. Priorité aux gains de compétitivité ! On est global minded, non ? Comprenez pas ? Pas de souci, on pense pour vous.

Capitalisme terminal

La formule est du philosophe Jean-Claude Michéa, je l’ai notée dans son excellentissime opuscule, « L’Enseignement de l’Ignorance ». Ce penseur véritablement inclassable – bon, il admire Proudhon et Georges Orwell, nous voici bien avancés - y explique comment l’utopie capitaliste n’a pu développer son emprise qu’en se faisant le vampire de la civilisation européenne. Loin de la détruire, elle en a comme aspiré « le trésor de civilités » porté par des communautés traditionnelles et nouvelles - comme celle des ouvriers du XIXe siècle – assez fortes pour contenir « les effets destructeurs » d’une économie que Michéa qualifie d’autonomisée ; ce mot pour en dépeindre la nature intrinsèque, coupée de l’humain, vide de toute décence commune, locution que le philosophe de Montpellier se plait à employer.

En d’autres termes, ce sont les résistances à la marchandisation généralisée de la sphère sociale - le sens de la gratuité, de la probité, la fierté d’appartenance à un lieu, à un groupe, les solidarités traditionnelles…autant de ressorts étrangers à la vision mécaniste désincarnée de l’utopie libérale. De telles contraintes ont permis au capitalisme de renouveler la face de la Terre…

Sans la persistance des valeurs et des mobiles d’action du vieux monde, les révolutions industrielles successives n’auraient pas pu se produire. Cette contradiction fut donc une étape nécessaire, très bien assumée, « digérée » par le capitalisme, dans sa marche conquérante. Mais finit par venir le temps, pour filer la métaphore vampirique, où la victime du comte Dracula est exsangue. Les résistances au machinisme ont disparu, le chef des Verts a aussi rallié Macron, l’hyper automatisation a transformé les structures sociales en ordinateurs butés, la markétisation généralisée des échanges a vaincu la raison, le consumérisme forcené et ses apparents adversaires de la révolution culturelle soixante-huitarde ont fait se dissoudre les solidarités traditionnelles. Le peuple n’est enfin qu’une agrégation d’individus, et les électeurs, « un ordinateur dans l’gosier » chantent la Marseillaise, c’est du Léo Ferré, « avec des cartes perforées »… Le jour de gloire est arrivé ! 

L’ignorance, enseignée avec succès durant quatre décennies, a abruti assez de gens pour qu’une bouillie de chat puisse tenir lieu de discours électoral qu’on applaudit à tout rompre avant d’aller sagement porter son suffrage au porte-étendard du capitalisme total. « Total » au sens donné par Hitler en 1943 quand il déclara que la guerre était désormais « totale ». Et l’Europe a été totalement réduite en ruines.

Capitalisme terminal, capitalisme total et même capitalisme tout court, allons ! Macron n’a pas de telles formules dans ses discours. Il prêche plutôt le contraire, pourrait-on me rétorquer, il se dit le défenseur du travail, des vertus du travail. Et puis, si une figure historique du centre comme Bayrou « se sacrifie » pour le soutenir, désormais, c’est bien que le candidat d'En Marche présente de fortes garanties. Arrêtons de diaboliser !

Bayrou : une caution morale et doctrinale ?

Il faut s’arrêter sur la personnalité de Bayrou car elle nous en dit beaucoup. Les Français connaissent le bonhomme, ont une certaine estime pour lui, à défaut de savoir quelle est sa doctrine, si tant est qu’il en possède une.

Le maire de Pau est bègue.

Bayrou a sans doute beaucoup souffert de ce handicap et il lui a fallu grand courage et immenses efforts pour le surmonter. Ces qualités, si on y regarde de près, lui valent davantage d’admiration et de respect que de moqueries. Mais il y a plus. Un phrasé nécessairement très articulé, souvent haché par de brefs silences, lui permet de peaufiner son expression verbale et de composer un personnage réfléchi, animé par une forte conviction. Paradoxalement, ses mots portent, empreints qu’ils sont par une gravité au timbre prophétique que vient alléger la tonalité chantante de son accent béarnais.

Ce que je dépeins peut passer pour dérisoire au regard des enjeux de la présidentielle qui occupe nos esprits. Pourtant, ce masque de sage, volontiers imprécateur, permet de mieux comprendre pourquoi Bayrou, de l’ex-bande des « quadra » RPR-UDF - les Léotard, Madelin, Barnier and Co, demeure le seul encore en piste dans l’arène politique. De ses camarades, on ne peut pas dire qu’une grande originalité doctrinale l’ait distingué. Depuis l’élection de 2002, il tient certes la boutique centriste. C’est un fait, guère une idée.

Un centrisme sans trop d’état d’âme. 

Jusqu’au tournant du siècle, hormis Le Pen, personne ne se disait de droite. Conséquence de mai 68, la droite c’était le fascisme ou, dans le meilleur des cas, l’ultra-conservatisme. Par conséquent, des néogaullistes du RPR aux giscardiens de l’UDF, tous se réclamaient d’un libéralisme supportable, option sociale ou option antisocialiste en guise de variante et tous n’ont eu de cesse de batailler par intérêt partisan et/ou personnel, qui pour telle circonscription, qui pour telle mairie, qui pour tel ministère, Bayrou comme les autres.

Avant de s’installer au sommet de son phare, dans le rôle du veilleur probe et lucide, le nouvel allié de Macron a fait toute une carrière de parfait politicien du centre-droit, en l’occurrence giscardien.

A force de l’entendre dénoncer la stérilité du clivage gauche-droite, de fulminer contre les pratiques politicardes, d’en appeler à une moralisation de la vie publique, de se revendiquer d’une plus grande hauteur de vue, l’on finirait par oublier que notre agrégé de lettres de 1974 est devenu un professionnel de la politique en 1978 pour ne jamais en sortir.

D’enseignant et agriculteur en terroir béarnais, pour se retrouver à vingt-sept ans au cabinet de Poher, président du Sénat, il faudrait lui demander comment il s’y est pris. Le fait est que cela a marché : il a suivi sans coupure le cursus habituel, entre mandats locaux et portefeuilles ministériels.

Près de quarante ans de vie politique, enfant de Giscard, promu par Balladur et protégé par Juppé et voici qu’il repart pour un tour. En se présentant à la présidentielle, Bayrou se condamnait à quitter la scène ; en beauté, par principe, par refus qu’un pantin des « forces de l’argent » se prévale indûment de ce que lui, Bayrou, incarnait aux yeux des Français. Il pouvait aussi fermer la porte de son phare à tout visiteur et attendre, silencieux, tout en haut. Mais non.

Le sacrifice de Judas 

Contre toute attente, faisant manger ses chaînes et colliers à Ruth Elkrief, Bayrou n’hésite pas à se dédire de façon éhontée, tel un homme d’âge mur saisi par le démon de midi. L’adepte de Jésus qui nous dit « que ton oui soit oui, que ton non soit non », n’y est pas allé par quatre chemins pour (tenter de) se donner bonne conscience. Le salut de la France mobilise tout son être, il n’hésite pas à se sacrifier, c’est du Pétain… Il fait alliance avec le produit Macron pour faire barrage au péril Le Pen. Il y a eu Charles Martel en 732 face aux conquérants musulmans ; en 2017, Bayrou, tel un Grouchy arrivé à temps, refoule le fascisme aux portes du pouvoir ! Et en expert d’Henri IV, il use de manières chevaleresques. Il offre son allégeance fors l’honneur, imposant à Macron ses conditions, devant être scellées en un Camp du Drap d’Or revisité, au Palais de Tokyo. Pour faire simple, Macron devra tout mettre en œuvre pour qu’il fasse moins froid en hiver et plus frais en été. C’est tout ? Banco et en marche !

Une piste d’envol aussi nette, ça peut s’acheter à prix fort, surtout quand on a les moyens. Inutile d’imaginer un virement sur un compte off-shore. Matignon ira très bien et c’est payé par nos impôts, Lanterne y-compris.

Enfin le XXI ème siècle

Pour démarrer le quinquennat, Macron ne pouvait rêver mieux. « Paroles, paroles et paroles » chantée à deux voix, et quelles voix, cela va décoiffer ! Nous aurons des meetings du tonnerre et un Bayrou au sommet de son art pour arbitrer l’octroi des circonscriptions gagnantes aux gens qu’il faut. Ensuite, les choses sérieuses commenceront et il n’est pas sûr que l’entente qui se déclare aujourd’hui soit durable. Agaçant comme pas deux, Macron aura l’art de pousser son associé vers la sortie. Il lui faudra en effet les coudées plus que franches pour mener à bien cette entrée véritable dans le XXIe siècle dont il a commencé par parler dans ses tweets - la transition vers le capitalisme terminal.

Bref retour aux sources de ce qu’il faut bien appeler l’utopie libérale, qui est le fondement théorique du capitalisme, les deux termes étant si connexes qu’il n’est ni rare ni vraiment erroné d’employer l’un pour l’autre.

Les motivations des penseurs dits des Lumières n’étaient, de soi, pas illégitimes. Ils avaient à cœur de percer le secret des réalités sociales pour trouver comment débarrasser l’humanité des malheurs endurés depuis des siècles et des siècles : guerres de succession, disettes, pandémies, jacqueries, frondes, guerres de religions, bref tous les avatars d’un régime qui semblait avoir fait son temps.

Pour en finir avec les violences motivées par la religion, ils trouvèrent qu’il fallait éradiquer la religion, au nom de la raison, dieu de substitution d’une ère de progrès sans limite qui rendrait les hommes de plus en plus autonomes et donc heureux.

Pour assurer une prospérité stable aux nations et supprimer les causes de conflit, ils réinventèrent l’humain, affirmant que le ressort authentique de ses désirs et actes était un égoïsme radical.

L’Economie politique fut ainsi construite, sous la houlette d’Adam Smith, dont la Main invisible est aussi fameuse que la Pomme de Newton. L’idée sous-jacente de cette utopie consiste à faire triompher, en tout et chacun, les ressorts du monde marchand : la recherche infinie du gain, le calcul bien raisonné de son propre intérêt, la négociation plutôt que l’affrontement, l’émancipation de tout carcan territorial, culturel, catégoriel et même familial.

Le marchand n’a pas de pays, il cherche partout à développer ses affaires, il a pour cela besoin de bouger sans entrave, d’agir sans autres contraintes que celles découlant de la liberté d’action de ses semblables ; d’où la devise « Laisser faire, laisser passer » inventée d’ailleurs par un Français, le négociant et intendant au commerce, Gournay. Selon Smith et ses successeurs, en laissant agir le jeu de l’offre et la demande dans des marchés transparents aux acteurs mobiles et autonomes, une régulation des prix se produit automatiquement, réduisant l’intervention publique, au sens large, à très peu de choses.

La révolution non violente en Angleterre, la Révolution française puis l’Empire transcrivirent ces principes dans les lois et pratiques. Ainsi disparurent les contraintes jusqu’alors définies et surveillées par les diverses corporations, ce qui assura l’essor rapide et très fructueux du machinisme et de la finance, au détriment du sort de paysans transformés en mineurs ou ouvriers dès l’enfance, et au détriment de tous les équilibres territoriaux, catégoriels et environnementaux.

Comme l’explique Jean-Claude Michéa, le capitalisme a dû, malgré tout, « faire avec » des mentalités qui demeuraient accrochées au monde ancien.

Paradoxalement, grâce à cette résistance animée par une « décence commune » - qu’ignore l’anthropologie libérale, pour qui tout s’explique par un égoïsme universel - grâce à des générations d’ouvriers, d’employés, d’ingénieurs honnêtes, solidaires, capables de gratuité, le capitalisme a transformé la terre en un gigantesque réseau de marchés où zigzaguent affairistes, flux monétaires et flux d’informations à n’en plus finir.

Contrairement à la vision des pères fondateurs du libéralisme, la mercantilisation de plus en plus prégnante de tous les ressorts sociaux n’a mis fin ni aux violences religieuses ni aux guerres. On verra cela plus tard. Ce qui compte est d’être parvenu à une atomisation des acteurs, grâce au triomphe de l’individualisme. Des résistances demeurent ici et là, mais le plus gros est fait.

Le marketing quadrille le monde et on l’a évoqué dans un précédent article : Le Produit Macron : une première mondiale française ; les « forces de l’argent » naguère honnies par Bayrou, sont devenues capables de paramétrer un nouvel acteur du jeu politique, de le mettre sur orbite et de le conduire au pouvoir.

L’éducation, sous couvert de modernité, de démocratie, d’égalité – on peut allonger la liste, je vous ajoute des câpres sur votre pizza ? – a enseigné aux masses une telle ignorance qu’on peut les faire vivoter avec des smartphones et une alimentation grasse et sucrée - ce n’est pas avec des obèses hébétés que nous risquons des révoltes.

Alors que peut faire Macron de pire que son démiurge en chef, Hollande ?

Premièrement, il a déjà réussi à corrompre ce qui restait d’un tout petit peu honnête chez certains politiciens. Deuxièmement, il donne un fantastique signal optimiste à ses associés - je ne parle pas des « helpers » portant T shirt « Macron Président », mais des oligarques de sa génération et plus jeunes, qu’ils soient encore dans la haute fonction publique ou déjà attablés à quelques prestigieux conseils d’administration. Si pour le dénigrer, on l’assimile à un Jésus Canada Dry, pour rester dans le biblique, il faudrait plutôt voir en lui un Jean le Baptiste du capitalisme terminal. Comme Jean, il annonce la fin des temps (anciens), il invite à la conversion (à la cupidité intégrale) et incite à redresser les routes ainsi qu’à aplanir les chemins (d’une Terre mondialisée).

En un mandat de cinq ans, certes renouvelable, il n’aura pas le temps de se muer en Jésus, qui recueille les fruits de son cousin Jean. Et comme je l’écrivais dans mon précédent article : Macron : l’élection d’un Président impopulaire, il sera confronté à l’opposition populiste ainsi qu’à la combativité du collectif CGT- FO, sans compter les troubles d’un islamisme qui se moque pas mal de savoir qui sera ou pas le futur Président.

  • Mais il pourra répandre le code génétique libéral terminal par les nominations aux fonctions civiles et militaires auxquelles lui donne droit, sans limite, la Constitution.
  • Il pourra négocier les traités qui assureront les meilleurs débouchés aux « forces de l’argent » avec les plus grandes facilités pour engager de la main-d’œuvre étrangère sous-payée.
  • Il pourra agir en sous-main pour favoriser les carrières de politiciens clones de lui-même. Il tendra le plus possible la voilure publique, hôpitaux régionaux, gares, entretien des routes secondaires.

Enfin et surtout peut-être, Macron pourra agir sur le système éducatif. Priorité sera donnée à l’école primaire, a-t-il annoncé. Il ne me surprendrait pas qu’il tienne sa promesse sur ce plan. Mais pour faire quoi ? Il faut s’attendre à une perpétuation, en un peu plus pervers, de cet enseignement de l’ignorance destiné à « consumériser », « facebookeriser » et « googleriser » des habitants incapables de s’instruire et d’exercer leur sens critique.

Et comme cela est cher aux cœurs de tant de ces « néolibertariens », qui ne sont pas autre chose que des libéraux du capitalisme terminal, il forcera le trait multiculturel, quitte à faire grossir les rangs du FN, qui fera un excellent croquemitaine, car il faut toujours un croquemitaine pour faire peur aux enfants.