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    Pays-Bas: des élections marquées par l’atomisation de l’électorat

    Pays-Bas

    Lien publiée le 8 mars 2017

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/pays-bas-des-elections-marquees-par-l-atomisation-de-l-electorat-655768.html

    13 millions de Néerlandais sont appelés à renouveler la chambre basse du parlement le 15 mars. Outre le renforcement de l'extrême-droite, le scrutin devrait être marqué par une fragmentation de l'électorat qui ne rendra pas aisée la constitution d'une coalition.

    Il reste désormais un peu plus d'une semaine avant les élections législatives aux Pays-Bas qui se tiendront le 15 mars. Cette élection est perçue comme un scrutin à haut risque par plusieurs observateurs en raison de la progression du parti d'extrême-droite PVV (Partij voor de Vrijheid - parti pour la liberté) de Geert Wilders, allié indéfectible du Front National français, ouvertement islamophobe, xénophobe et europhobe. Certains ont même agité le spectre d'un éventuel « Nexit », une sortie des Pays-Bas de l'Union européenne dans la foulée. Mais ce scénario semble hautement improbable.

    Certes, le PVV est historiquement au plus haut. Lors du scrutin de septembre 2012, il avait recueilli 10,08 % des voix et était arrivé en troisième position. Les derniers sondages disponiblesle donnent en deuxième position derrière le parti libéral-démocrate VVD du premier ministre Mark Rutte entre 14,4 % et 16 %. Ceci peut paraitre beaucoup, mais, en juin 2010, le PVV avait déjà recueilli 15,7 % des voix. Il retrouve donc son ancien point haut électoral, mais on est loin d'un « raz-de-marée » et le PVV n'est clairement pas en mesure de former un gouvernement avec un tel score, puisqu'il ne dispose d'aucun allié dans le paysage politique.

    Un PVV en perte de vitesse

    Surtout, le PVV semble plutôt sur le reculoir ces dernières semaines (il a longtemps été en tête des sondages) alors même que, en 2012, les sondages avaient surestimé son score. Plusieurs éléments freinent l'avancée du PVV. D'abord, ce dernier s'est enfermé durant la campagne dans un discours xénophobe et islamophobe qui réduit sa base électorale. D'autant que les partis de droite ont également axé leur campagne sur la sécurité et l'immigration, tout en prétendant défendre les « valeurs des Pays-Bas », pour reprendre les paroles de Mark Rutte.

    Son discours eurosceptique peut séduire certains, mais les Pays-Bas demeurent un pays d'épargne et d'exportation et la sortie de l'UE et de la zone euro effraie une grande partie de la population. Certes, comme l'a montré le référendum de l'an passé qui a rejeté l'accord d'association avec l'Ukraine, notamment à la faveur d'une forte abstention, l'UE n'est pas populaire, elle est jugée trop lointaine, trop bureaucratique. Mais les Néerlandais souhaitent sans doute davantage une UE réformée dans un sens plus libéral que pas d'UE du tout. Un point de vue que la masse des partis traditionnels, des travaillistes sociaux-démocrates aux libéraux, défendent tous.

    Enfin, le programme du PVV est très léger et il peine à convaincre en dehors de ses cercles habituels une fois la campagne lancée. D'autant que l'identité revendiquée par Geert Wilders avec Donald Trump ne l'a guère avantagé. Au final, le PVV ne semble pas devoir atteindre les 30 sièges sur 150 qu'on lui promettait cet automne et devra se contenter de 21 à 25 sièges.

    Fragmentation de l'électorat

    Même en tête du scrutin au soir du 15 mars, il faudra donc se garder de voir dans cette élection une « victoire » de Geert Wilders. Le principal fait nouveau de cette élection risque d'être ailleurs, principalement dans la fragmentation extrême de l'électorat. Certes, ce fait n'est pas nouveau. En 2012, on comptait 11 partis représentés à la Seconde Chambre des Etats-Généraux, la chambre basse du parlement. Cette fois, il pourrait y en avoir 13, mais la différence sera que, contrairement aux habitudes, aucune « grande force » ne devrait se dégager. En 2012, les travaillistes du PvdA et le VVD cumulaient 51,4 % des voix. Cette fois, les deux premiers partis ne devraient pas faire mieux que 35 %. La part des voix réparties dans les 11 autres partis sera donc importante et les scores des uns et des autres risquent alors d'être très proches, ce qui, du reste, rend les sondages assez peu fiables et très divergents.

    Défaite annoncée de la coalition sortante

    Le premier élément fort de ce scrutin sera d'abord la volonté de sanctionner la coalition sortante entre travaillistes et libéraux. Selon les derniers sondages, les deux partis ne devraient pas cumuler plus que 26 % des voix, soit près de la moitié du score de 2012. Le VVD de Mark Rutte pourrait terminer en tête encore cette année, pour la troisième fois de suite, mais il perdra néanmoins pas moins de 10 points et entre 12 et 16 sièges. Quant au PvdA social-démocrate, il n'a pas résisté à son alliance avec les Libéraux-démocrates et à l'application d'une politique d'austérité sévère. De 25 % des voix et 38 sièges, le parti, traditionnellement un des plus puissants de la politique néerlandaise, est donné entre 7 et 9 % des voix et pas plus de 10 à 14 sièges...

    Un bilan économique en demi-teinte

    Dans les deux cas, la facture est sévère. Certes, la croissance est revenue aux Pays-Bas, et elle est assez soutenue en 2016 (+2,1 %) après celle de 2015 (+2 %). Parallèlement, le déficit public est passé de -5,4 % en 2009 à -1,9 % en 2015. Mais l'effet de la crise et de l'austérité se font encore sentir dans le pays. Sur le moyen terme, la performance néerlandaise reste modérée. De 2010 à 2016, le PIB a progressé de 6,1 %, soit autant que la France (6 %). Rapportés par habitant en parité de pouvoir d'achat, le PIB néerlandais a crû au cours de la législature, c'est-à-dire depuis 2012, de 4,8 % contre 7,4 % pour la France.

    Si le taux de chômage est revenu en moyenne en 2016 à 6 % après avoir atteint 7,3 % en 2013, il reste historiquement élevé selon les critères néerlandais. Avant 2013, il faut remonter à 1997 pour voir un tel taux de chômage. Entre 2008 et 2015, le pays a connu 312.000 personnes de plus en risque de pauvreté, alors que, par exemple la France n'en compte que 103.000 de plus avec une population cinq fois supérieure. Et si le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités, reste un des plus faibles de l'UE, il a progressé nettement au cours des dernières années, passant de 25,4 en 2012 à 26,7 en 2015.

    Les petits partis en hausse

    Tout ceci concourt naturellement à un sentiment de déclassement de la population néerlandaise qui ne fait que sortir de la crise. On comprend mieux que l'électorat se détourne des partis au pouvoir et se sente perdu politiquement. Au profit de quels partis ? Les partis traditionnels d'opposition comme les Chrétiens-démocrate du CDA profitent en partie de ce désaveu : ce parti est donné entre 10 % et 14 % contre 8,5 % en 2012. Même constat pour les sociaux-libéraux de D66 donnés à 11-12 % contre 8 % en 2012. A gauche, c'est la gauche écologiste de GroenLinks, pro-européenne, qui tire son épingle du jeu, avec 9 à 11 % des intentions de vote contre 2,3 % en 2012. En revanche, le parti socialiste (SP), parti de gauche eurosceptique, se tasse et pourrait rester proche de 9,8 % de 2012 (les sondages lui donnent entre 7 % et 11 %). Enfin, tous les petits partis devraient fortement progresser : les animalistes du PvdD (1,9 % en 2012), les retraités de 50+ (1,9 % en 2012) et les protestants de la ChristenUnie (3,1 % en 2012) pourraient atteindre ou dépasser les 4 %. Enfin, de nouveaux venus comme le parti des immigrés Denk ! pourraient faire son entrée au parlement. Le mode de scrutin, une proportionnelle intégrale sans seuil d'entrée, favorisera encore cette dispersion des voix et des élus.

    Avec qui gouverner ?

    Devant une scène politique aussi atomisée, constituer un gouvernement ne sera pas tâche aisée. Mark Rutte devrait pouvoir recevoir du roi Guillaume-Alexandre cette charge comme leader du parti le plus représenté à la Deuxième-Chambre, mais atteindre les 76 députés pour construire une majorité sera une gageure. Si le « cordon sanitaire » à l'encontre du PVV est maintenu, ce qui est très probable dans un premier temps, la coalition devra comporter beaucoup d'alliés. Or, la campagne de Mark Rutte a été très à droite, insistant sur la sécurité, la maîtrise des migrations et le libéralisme économique, afin de contenir Geert Wilders. Cela rendra une alliance plus difficile.

    Tradition de la coalition

    Certes, les Pays-Bas sont habitués aux compromis politiques et aux alliances, souvent à trois. De 2010 à 2012, par exemple, VVD et CDA gouvernaient sous la tolérance du PVV. Entre 2007 et 2010, la majorité incluait CDA, travaillistes et ChristenUnie qui avaient remplacé D66. On a même vu des alliances à cinq dans les années 1970. Or, si les sondages voient juste, il faudra sans doute cette fois inclure de quatre à cinq partis pour faire une majorité. Cette majorité sera-t-elle solide ? Rien n'est moins sûr. Une chose l'est cependant : le Nexit n'est pas pour demain dans la mesure où le PVV restera dans l'opposition. Mais son influence pourrait peser sur le futur gouvernement. Soumis à la critique externe du PVV, Mark Rutte risque de durcir son discours sur les migrations, l'évolution de la zone euro, la dette grecque ou le Brexit. L'UE va donc devoir compter avec cette nouvelle donne néerlandaise.