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Les voies africaines de la géopolitique castriste

Lien publiée le 8 mars 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://libeafrica4.blogs.liberation.fr/2017/03/08/les-voies-africaines-de-la-geopolitique-castriste/

Africa4 propose de revisiter les liens de l'histoire Atlantique qui unissent l'Afrique à la Caraïbe du XVIe siècle à nos jours. 
L'Afrique & la révolution tricontinentale #2

La Havane, capitale mondiale de la Révolution ?

La Havane, capitale de la Tricontinentale : c’est dans le fief de Fidel Castro, au lendemain de la défaite américaine de la Baie des Cochons (1961) et de la crise des fusées (1962), que s’organise en janvier 1966 la grand messe de l’organisation de solidarité des peuples d’Asie, Afrique et d’Amérique (OSPAAAL) – le titre officiel de la Tricontinentale. L’opposant socialiste marocain Mehdi Ben Barka était prévu pour être le grand maître des cérémonies ; mais il est enlevé en plein Paris le 29 octobre 1965 et tué. Certains ont même avancé, sans plus de preuve tangible, que sa mort n’est pas étrangère à ce calendrier.

La Tricontinentale n’est pas une invention cubaine : elle est le fruit d’une branche militante des non-alignés qui ont vu le jour en 1955 à la Conférence de Bandoeng. L’axe politique traçait alors un lien entre l’Asie et l’Afrique – Nasser se rêve à la fin des années 1950 comme le trait d’union de la lutte des mouvements nationaux anti-coloniaux à destination de l’Afrique (du Maghreb avec le FLN algérien au Congo avec le mouvement lumumbiste). Deux lettres sont absentes de l’acronyme de l’OSPAA : le A et le L d’Amérique latine, car il manque encore à cette date une révolution anti-impérialiste victorieuse pour incarner le lien avec ce troisième continent. La course à l’influence révolutionnaire en Afrique est lancée dans les plis de la décolonisation. À l’aube des années 1960, la Chine communiste de Mao, qui est en train de rompre avec l’URSS, envisage ce mouvement comme. Zhou En-Lai effectue sa première tournée du continent africain pour prêcher son credo révolutionnaire dès 1963.

La victoire des « barbudos » de la Sierra Maestra en janvier 1959 change la donne géopolitique. La période de lutte contre-révolutionnaire chaude sur l’île de Cuba (1959-1965) fonctionne comme un incubation géopolitique accélérée : la CIA, symbole de l’impérialisme par excellence pour les partis marxistes, échoue sans cesse à renverser Fidel Castro.

Réacteur d’un appareil américain abattu par l’armée cubaine, Musée de la Révolution de Trinidad (© Jean-Pierre Bat, 2017)

Ce dernier, ne cessant de les défier, s’efforce de faire de La Havane la capitale mondiale de la lutte anti-impérialiste... amorçant une course avec la Chine moaïste au sein de l’OPSPAAL. L’Afrique constituera un champ de bataille idéologique et militaire fondamental pour les Cubains.

Le secrétariat de l’OSPAAL tient une refus qui publie, entre les années 1960 et 1980, les tribunes et interventions les plus célèbres des révolutionnaires du monde entier : les principales figures africaines qui y contribuent se nomment le bissau-guinéen Amilcar Cabral, l’angolais Agostinho Neto et le sud-africain Tabo Mbeki.

Le Che et le « foquisme »

En 1965, Cuba entre sur la scène révolutionnaire africaine avec son atout le plus célèbre : Ernesto Che Guevara. Dans le cadre du conflit congolais, chaque camp déploie ses forces. Auprès des éléments lumumbistes, La Havane envoie clandestinement le Che pour lutter contre le régime de Tshombé qui s’appuie, de son côté, sur l’Armée nationale dirigée par Mobutu et sur les régiments de mercenaires sud-africains, rhodésiens, belges et français. Guevara, arrivé en Afrique par Dar-es-Salam, pénètre au Congo depuis le lac Tanganyika et s’installe dans l’Est du territoire. La portée réelle de son action s’avère finalement limitée : problème de connexion avec la rébellion lumumbiste, problème d’application et d’efficacité de la guérilla, présence plus ou moins souhaitée par des organisations révolutionnaires congolaises. Pour toutes ces raisons, un terme est mis à sa mission à la demande des lumumbistes, lorsque Tshombé est renversé. Mais sa chute ne doit pas grand chose au Che.

Couverture de l’édition officielle cubaine du Journal du Congo du Che (édition Ocean Sur)

Cependant, la propagande de sa mission sera assurée par la publication officielle de son Journal du Congo. Celui-ci trouve un écho jusqu’à la chute de Mobutu et la prise du pouvoir par le Mze Kabila. En effet, malgré toutes les limites énoncées par le Che sur la révolution congolaise en général et sur Kabila en particulier, il conclut son Journal du Congo en considérant que, dans la jungle des factions et le mercato des chefs rebelles, c’est certainement Kabila qui tôt ou tard s’imposera. Fort de cette onction posthume de Guevara, le Mze pouvait afficher son brevet d’authentique révolutionnaire en 1997. D’autant que les Angolais, premiers partenaires des Cubains en Afrique depuis 1975, n’étaient pas loin...

L’engagement militaire massif

Avec la reprise de la guerre froide dans les années 1970, connue sous le nom de guerre fraîche, Cuba entre dans une phase de soutien militaire musclé aux régimes socialistes africains. L’heure n’est plus au « foquisme » guévariste, mais bel et bien à la coopération militaire de masse. La Havane, avec l’aide de Moscou, soutient prioritairement la lutte des mouvements nationalistes marxistes de Guinée-Bissau et du Cap-Vert, de Mozambique et surtout d’Angola, contre la dernière puissance coloniale du continent : le Portugal salazariste.

En 1975, les guerres coloniales portugaises passent le relais à des guerres civiles inscrites dans la guerre froide, notamment en Angola. Livré de l’intérieur grâce à son appartenance à un journal communiste polonais, le témoignage du célèbre journaliste Kapuscinski (Angola. D’une guerre l’autre) donne à voir cette transition militaire au sein de Luanda tenue par le MPLA de Neto. Or, dans les années qui suivent l’indépendance, ce n’est que grâce à l’aide militaire de Cuba que le régime du MPLA ne s’effondre pas face aux coups de boutoirs redoutablement efficaces de l’UNITA de Jonas Savimbi... lui-même soutenu par les services secrets américains, français et le régime sud-africain. Cuba va jusqu’à soutenir les visées sécessionnistes de Nathanaël M’Bumba au Shaba (ex-Katanga) en 1977 et 1978 ; des colonnes militaires cubaines se tenaient prêtes à la frontière congolo-angolaise en 1978. À la même époque, les régiments cubains débarquent dans l’Éthiopie de la « Terreur rouge » de Mengistu. Les forces cubaines, alliées au Soviétiques, sauvent le régime de Mengistu en triomphant sur le front de l’Ogaden.

Des milliers de soldats cubains sont encasernés en Afrique, entre l’Éthiopie et l’Angola, à la fin des années 1970. Sans le concours militaire castriste, peu de révolutions africaines auraient survécu par elles-mêmes... L’apogée de cet engagement militaire cubain massif est atteint en 1988 avec la bataille aéro-terrestre de Cuito-Canavale. Derrière les forces du MPLA et de l’UNITA, cette immense bataille de chars (la plus importante au monde depuis Stalingrad!) met aux prises l’armée cubaine et l’armée sud-africaine. Le combat idéologique cubain s’inscrit en réalité dans une lutte contre Pretoria et le régime de l’Apartheid. Cuba revendique d’avoir été le principal État non-africain à avoir soutenu l’ANC de Mandela. Bref, à avoir incarné, manu militari, les promesses révolutionnaire de l’OSPAAL en Afrique, mieux que son principal concurrent, à savoir la Chine maoïste... et si loin des apparences romantiques du guévarisme.

Affiche de la journée de solidarité avec le Congo, 13 février 1972.

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Série «Afrique-Caraïbe»

Cuba, une révolution africaine : La Havane-Brazzaville #1