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Irrégularités du scrutin: circulez il n’y a rien à voir

Lien publiée le 28 avril 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://blogs.mediapart.fr/laure-constant/blog/260417/irregularites-du-scrutin-circulez-il-ny-rien-voir

A l'heure du bilan de ce premier tour des élections présidentielles, force est de constater que le rouleau compresseur médiatique rechigne à faire son travail. Obnubilé qu'il est par le maintien artificiel de l'hystérie collective qui sermonne aussi bien les foules que les importants, nul ne s'attarde sur les zones d'ombre que voudraient masquer les papiers glacés.

Ces derniers jours, on ne compte plus les unes, les articles, les interviews, les reportages, les analyses qui décryptent, décortiquent, pronostiquent ce que sera le second tour de cette élection présidentielle. Bilan pour les uns, tactiques politiques pour les autres, les salles de rédaction s'empressent, se déchainent et s'en donnent à coeur joie, toutes à leur passion sans cesse renouvelée pour la fabique d'opinion. Il s'agit aujourd'hui de commenter ce qui adviendra, supposer les répercussions probables qu'auront les résultats que tous s'accordent à décrire comme un "séisme", "un résultat historique, "sans précédents". En se gardant évidemment de dire qu'il était clairement prévisible, au risque de voir retomber le soufflé.

A l'inverse, il est un phénomène particulier qui ne suscite guère d'engouement dans le sérail journalistique et qui pourtant mériterait que l'on s'y attarde sérieusement.  A peine aura-t-il fait l'objet d'un ou deux articles le jour du scrutin, sans que ne soit fait de lien manifeste entre eux. Aux observateurs attentifs et aux nombreux témoins, il n'aura néanmoins pas échappé que ce scrutin électoral a été entâché de nombreuses irrégularités. Nonobstant les articles faisant état des 500 000 doublons de cartes d'électeur auquel le Conseil d'Etat, saisi, n'aura pas jugé utile de donner suite, prétextant que la loi suffisait à dissuader toute vélléité de frauder, des milliers de témoignages postés sur les réseaux sociaux et plusieurs médias font aujourd'hui état de nombreuses irrégularités durant le scrutin de dimanche. 

Le journal "Le Monde" s'était pourtant étonné des 15 000 électeurs radiés à Strasbourg dont beaucoup ont décidé de saisir la justice. Mais le besoin d'en savoir davantage ne s'est manifestement pas fait sentir. Pourtant, on pourrait arguer que les articles parus dans la presse locale et régionale du pays ainsi que les centaines de témoignages d'électeurs scandalisés constitueraient des élements suffisants pour en faire un sujet. Car ce ne sont pas de 15 000 électeurs seulement dont il s'agit. On en dénombre aujourd'hui 81 305 dans le Val de Marne, 5000 au Havre, 4079 au Mans et des cas sont repértoriés de jour en jour sur les réseaux sociaux, dans d'autres villes comme Nancy, Créteil, et d'autres petites communes. Des personnels de Mairie ont même fait anonymement état d'une "purge" systématique effectuée dans les listes électorales, laquelle viserait selon certains à faire baisser les chiffres de l'abstention. Ce phénomène n'est pas sans rappeler des faits similiaires aux Etats-Unis où des milliers d'électeurs s'étaient vus radiés des listes avant le scrutin présidentiel. Si les autorités administratives justifient ces radiations par la prise en compte de déménagements, de nombreux témoignages font état de radiations intervenues alors même que la personne avait pu participé aux différents scrutins précédents, n'avait pas déménagé ou avait pu s'exprimer lors des primaires il y a quelques mois. 

De plus, plusieurs bureaux de vote ont été évacués durant la journée de dimanche pour raisons de sécurité comme à Besançon ou à New York sans que l'on sache si les personnes évacuées ont été en mesure d'exprimer leur vote une fois le calme revenu. Des disfonctionnements ont eu lieu dans les bureaux de vote consulaires. Des milliers d'expatriés français n'ont pu s'exprimer en raison d'une trop grande affluence, le nombre de bureaux de vote mis en place à l'occasion n'étant pas suffisant au regard du nombre de votants. Ainsi fallait-il attendre au  minimum deux heures dans le froid pour voter à Montréal et à Londres et de nombreuses personnes ont fini par jeter l'éponge. Nombre de ces bureaux de vote ont également fermé avant que ces milliers de personnes n'aient eu le temps d'exprimer leur voix. 

Le journal la Provence a reporté un évènement singulier s'étant produit dans une des circonscirptions de Marseille. Le président du bureau de vote ayant disparu en possession des bulletins de vote durant près de 40 minutes avant qu'il ne soit retrouvé par les services de Police à son domicile. Ce dernier n'ayant, selon ses dires, pas bien compris la procédure de dépouillement et d'enregistrement du scrutin. 
Des centaines de personnes ayant fait procuration dans les délais se sont également vues interdites de vote en raison, selon les autorités administratives, d'un bug informatique qui n'aurait pas pris en compte leur démarche. Une femme a découvert désabusée qu'elle était déclarée morte par les autorités, d'autres personnes ont vu  la liste d'émargement déjà signée à leur place, des enveloppes contenant déjà le bulletin d'un des candidats ont été répertoriées à Paris. 

Par ailleurs, des dizaines de témoignages d'assesseurs ou de personnes venues y assister ont fait part d'irrégularités lors des dépouillements, telles que des centaines de bulletins de vote frappés de nullité car tous tachés ou déchirés, des urnes déjà ouvertes ou contenant un nombre de bulletins inexacte. 

Enfin, l'annonce même des résultats a suscité critiques et interrogations. Tandis que plusieurs journaux avaient jugé bon d'avertir leurs lecteurs quelques jours plus tôt du délai inusité que prendrait l'annonce des résultats, en raison d'un écart de voix décisif trop réduit entre les candidats, il n'en a rien été. Tous les médias ont annoncé les résultats sur la base d'estimations provenant d'Instituts de sondages, alors même que tous les bureaux de vote n'avaient pas encore fermé et que les principales grandes villes du pays n'avaient pas encore achevé le dépouillement des bulletins. La prudence ne fut une fois encore pas de mise.  Les résultats définitifs arrêtés par le Ministère de l'Intérieur ont quant à eux mis plus de 24 heures à être fixés et ce, non sans que certains phénomènes étranges ne se soient produits entre temps.  Des résulats annoncés ne comportaient, par exemple, aucun bulletin blanc dans une commune  comptabilisant pourtant près de 300 000 votants, curieusement le chiffre fut modifié ensuite. Le nombre de voix exprimées en faveur de certains candidats diminuait d'heure en heure ou encore des pourcentages annoncés différaient de ceux comptabilisés par le bureau de vote. 

De tous ces élements, seuls certains ont recueillis l'attention des médias, sans pour autant susciter de réflexion plus approfondie. Alors même que l'on s'accordait à souligner, dans une quête avide de sensationnel, le caractère extraordinaire de ce scrutin tant l'écart entre les candidats et l'incertitude quant aux résultats étaient inédits. Le rouleau compresseur mis en branle, seule la fuite en avant vers le second tour méritait l'attention des lecteurs. De même, au vu du nombre d'irrégularités constaté le Conseil Constitutionnel n'a lui-même pas jugé opportun de se fendre d'un communiqué attestant d'une éventuelle prise en compte de certaines anomalies portées au procès verbal des bureaux de vote. Les initiatives populaires émanant des réseaux sociaux en appelant à la saisine du Conseil Constitutionnel par l'un des candidats ou la mise en place d'une commission d'enquête électrorale ont peu de chances d'aboutir à cette heure.

Faudra-t-il attendre les résultats du second tour pour que le système médiatique se décide enfin à accorder un intérêt aux irrégularités manifestes ayant entâché ce vote ? A l'heure où une majorité de la population n'accorde plus sa confiance dans les institutions et où l'avenir politique du prochain gouvernement est plus qu'incertain, le système médiatique  une fois encore ne choisit pas d'éteindre l'incendie, ne s'alarme pas des disfonctionnements manifestes de ce régime politique, ne fait pas écho au désarroi de ces centaines de milliers d'électeurs à qui le droit d'exprimer leur voix a été répudié. Choisir de taire ces irrégularités, c'est s'assurer d'ajouter au manque de légitimité dont aura déjà à souffrir le vainqueur quel qu'il soit. Mais c'est aussi risquer une crise politique sans précédents. Faute d'une sortie de crise institutionnelle, désormais peu plausible durant ces cinq prochaines années, force est de constater que ce scrutin n'aura fait qu'ajouter sa pierre à l'édifice.