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Pour les députés, ce sera "Tais-toi et marche !" si Macron l’emporte

Macron

Lien publiée le 22 mai 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

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Le président de la République prépare plusieurs réformes afin d’éviter toute contestation possible à l’Assemblée nationale. Il entend renouer avec les visions gaullienne et bonapartiste qui ont inspiré la Constitution de la Ve République.

Emmanuel Macron va-t-il « moderniser » la démocratie jusqu’à la vider de son sens ? Cela semble bel et bien être son projet s’il parvient à remporter les législatives, pour mieux ligoter le Parlement dans la foulée. « Qu’on se le tienne pour dit : pour le nouveau président de la République, le Parlement est un problème, pas une solution. À ses yeux, il ne faudrait surtout pas qu’il devienne la caisse de résonance des revendications populaires », prévient Éliane Assassi, présidente du groupe communiste au Sénat. Si l’ensemble du personnel politique s’accorde sur le besoin de rénovation des institutions, tous ne vont pas dans le même sens. Emmanuel Macron ne s’en cache pas. Une fois au pouvoir, il compte bâillonner le Parlement en supprimant un tiers des députés, en réduisant son temps législatif à trois mois par an, en plus de recourir à des ordonnances. En somme, il souhaite se tailler sur mesure un Parlement aux ordres. Ce projet d’une violence inouïe peut être repoussé les 11 et 18 juin.

Amateur de théâtre, Emmanuel Macron souhaite mettre sur pied un Parlement d’apparat. Adepte d’une Ve République « contemporaine », selon ses propres termes, il vise en réalité à renouer avec l’ADN du coup d’État permanent porté par de Gaulle. « Le gaullisme, le debréisme se caractérisent par une défiance à l’égard du Parlement et une spoliation de ses pouvoirs. Macron veut renforcer le bonapartisme de l’actuelle Constitution », estime Charlotte Girard, spécialiste du droit constitutionnel et coordinatrice du programme « l’Avenir en commun » de la France insoumise. L’actuel président de la République aborde le sujet de façon totalement décomplexée. En 2015, il regrettait, dans un entretien à l’hebdomadaire le 1, le « vide émotionnel, imaginaire, collectif » laissé par « l’absence du roi ». « On a essayé de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace », poursuivait-il.

Aujourd’hui, Macron veut supprimer un tiers des députés. La représentation nationale au palais Bourbon passerait alors de 577 élus à 385. « Réduire le nombre d’élus, c’est réduire d’autant le lien avec la population et les territoires. C’est toujours plus éloigner le peuple du pouvoir », dénonce la sénatrice PCF Éliane Assassi. « C’est aussi s’attaquer au pluralisme démocratique, les petites formations politiques seraient les premières touchées », abonde Charlotte Girard. « On peut réduire le nombre de députés. Mais, attention ! Les départements ruraux seront encore une fois les grands perdants en termes de proximité avec leurs élus », prévient le député « Les Républicains » Philippe Gosselin.

Dans un entretien à Mediapart, entre les deux tours de la présidentielle, le candidat Macron expliquait vouloir « donner plus de moyens pour travailler » aux députés conservés. Il est possible de se demander comment, puisqu’il entend réduire drastiquement le temps législatif à trois mois par an, « pour légiférer et porter les lois du gouvernement. (…) Le reste du temps, on doit le consacrer au contrôle parlementaire. » « Trois mois ! Même Debré n’avait pas osé ! Lors de la création de la Ve République, il avait réduit le temps législatif à six mois. Ce temps a depuis constamment été étendu, par paliers, jusqu’en 1995 », s’alarme Charlotte Girard. Aujourd’hui, le Parlement peut légiférer de début octobre à fin juin, et se réunir de juillet à septembre en session extraordinaire.

Il serait impossible de réorienter un projet de loi

Le chef de l’État souhaite en parallèle instaurer la procédure accélérée comme procédure d’examen des lois par défaut. « Réduire le temps accordé aux députés, les solliciter dans l’urgence, c’est aussi une façon de les neutraliser », dénonce Éliane Assassi. « Sous Macron, le Parlement sera une machine à voter, pas à parlementer, à délibérer et à créer la loi. Il sera dépouillé de son potentiel de contradictions et d’enrichissements », mesure Charlotte Girard. Les amendements sont eux aussi visés – donc l’essence même du rôle de parlementaire –, puisque ceux rejetés en commission n’auront pas le droit d’être présentés dans l’Hémicycle. Or, les commissions, en plus d’être généralement contrôlées par l’exécutif, ne rassemblent chacune qu’une part infime des députés et ne sauraient se substituer à la représentation nationale. « Macron veut segmenter le débat. Il sera impossible de réorienter un projet de loi. Il compte aggraver ce qui avait déjà été introduit par Nicolas Sarkozy avec la réforme de 2008 », analyse Charlotte Girard.

Échaudé par un Parlement hostile lors de l’examen des lois Macron et El Khomri, passées en force à coups de 49-3, l’actuel chef de l’État a défendu pendant la campagne le recours aux ordonnances. Comme François Fillon, il considère que son élection vaut autorisation à appliquer son programme par tous les moyens que lui offre la Ve République. Macron est pourtant un président mal élu, avec un taux d’adhésion à son projet historiquement bas au premier tour, doublé d’une victoire à la faveur d’un second tour contre le Front national. Il le sait bien. Les législatives, phagocytées par la présidentielle depuis le quinquennat et l’inversion du calendrier, lui donnent l’occasion d’un hold-up parfait. Le processus d’investiture des candidats En marche !, totalement vertical, vise de plus à faire élire des députés godillots, qui n’auront que faire des mouvements et des luttes sociales qui s’annoncent.

« Une entreprise de soumission du Parlement »

« L’ordonnance suppose une autorisation des députés. Mais elle est profondément antiparlementaire puisqu’elle invite le Parlement à renoncer de lui-même à son propre rôle », constate Charlotte Girard. Si Macron dénonce lui aussi « l’affaiblissement du Parlement », la « dysenterie législative » et défend dans ses discours un « vrai contrôle parlementaire », force est de constater que le remède qu’il propose est pire que le mal. « Rendre plus efficace le Parlement, ce n’est pas le priver de ses prérogatives de délibération », répond Christian Paul, chef de file des frondeurs du PS sous Hollande. « Macron veut lancer une entreprise de soumission du Parlement, poursuit-il. Ce qu’il prépare, personne n’a jamais osé le faire sous la Ve République. Il va falloir résister très collectivement, bien au-delà des rangs de la gauche, pour éviter que l’Assemblée ne se transforme en fan-club. »

35 % des députés sortants ne se représentent pas

Le président de la République, qui ne s’interdit pas un recours au référendum si le Parlement rejette sa réforme, risque d’écœurer davantage les députés, soucieux de leur rôle. « Déjà sous Hollande, des élus, y compris de la majorité, s’étaient  demandé à quoi on pouvait bien servir, alors que l’Assemblée est censée être   un des poumons de la démocratie », raconte le député « LR » Philippe Gosselin. Avec la loi sur le non-cumul, nombreux sont les élus à préférer rester maires plutôt que parlementaires. En tout, plus de 200 députés sortants, de gauche comme  de droite, soit 35 % d’entre eux, ont d’ailleurs renoncé à se représenter en 2017.