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Moralisation disent-ils ! Et les médias ignorent le scandale de la Caisse des dépôts

Lien publiée le 3 juin 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Pourquoi grand média ne relaie le scandale de la CDC ? Pourtant, le secrétaire général du gouvernement a donné son accord au versement d’indemnités aux membres de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, alors que c'est illégal ! 

Et pendant ce temps là, Macron et Bayrou nous enfument avec leur loi de "moralisation" qui ne moralise rien du tout, et les médias complaisants applaudissent et passent sous silence les véritables scandales. Ils ne relaient pas par exemple les informations de Mediapart, que nous vous livrons ci-dessous

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(Mediapart) Le secrétariat général du gouvernement a approuvé le versement d’indemnités aux membres de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, bien qu’elles soient illégales ou bénéficient d'un statut juridique fragile.

Comment l’organe de gouvernance de la plus puissante institution financière publique française, composé qui plus est de parlementaires et de hauts fonctionnaires de la Cour des comptes ou du Conseil d’État, peut-il envisager de verser à ses membres des indemnités qui interviennent en violation de la loi ou qui disposent d’un statut juridique fragile ? Comment Marc Guillaume, le secrétariat général du gouvernement (SGG), auquel un avis juridique a été demandé, a-t-il pu donner son assentiment à cette violation de la loi, au moment précis où le gouvernement annonce son intention d’œuvrer, par un nouveau projet de loi, à une moralisation de la vie publique ?

C’est peu dire que les avantages que s’accordent à eux-mêmes, hors de tout contrôle extérieur, les membres de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts suscitent une avalanche de questions, qui ont trait soit au respect de la loi, soit au respect de l’éthique publique. Et l’avis juridique que vient de rendre le SGG ne va pas permettre, selon nos informations, de les résoudre puisqu’il suggère que… rien ne change. En bref, tout conseiller d’État qu’il soit, Marc Guillaume ne préconise pas que les parlementaires ayant perçu illégalement des indemnités rendent cet argent ; et il ne voit rien à redire au fait que les hauts fonctionnaires membres de cet organe de gouvernance perçoivent eux-mêmes ces indemnités, même si elles ont un statut juridique fragile.

Pour comprendre la crise qui est ainsi ouverte au sein de la commission de surveillance de la CDC, il faut rappeler la genèse de l’histoire. Dans une première enquête (lire Caisse des dépôts : selon que vous serez puissant ou misérable), nous avons d’abord évoqué un référé récent que la Cour des comptes a rendu public sur la gestion de la CDC. Ce référé dénonçait les indemnités versées aux membres de la commission de surveillance pour le motif suivant : « La Cour a également constaté que les indemnités versées aux membres de la Commission de surveillance reposaient sur une base juridique fragile. »

Puis, dans une deuxième enquête (lire Caisse des dépôts : les indemnités illégales des parlementaires), nous avons révélé que pour cinq des dix membres de la commission de surveillance, en l’occurrence ceux qui sont parlementaires, ces indemnités étaient même illégales, car, selon les termes de l’article 4 de l’ordonnance no 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement, « l’indemnité parlementaire est exclusive de toute rémunération publique ».

Dans les semaines qui ont suivi la publication de ces informations par Mediapart, une controverse a donc pris de l’ampleur autour de ces indemnités. Finalement, le directeur général de la CDC, Pierre-René Lemas, a décidé de solliciter un avis juridique auprès du SGG, et éventuellement auprès du Conseil d’État si ce dernier ne parvenait pas à une conclusion et, dans l’attente de cet avis, de suspendre le versement de ces indemnités. Depuis début avril, il est donc suspendu (lire Caisse des dépôts: le versement des indemnités illégales est suspendu).

Or, depuis, le SGG a rendu son avis. Dans une démocratie respectueuse des citoyens et du bon usage des fonds publics, un tel avis juridique devrait en toute logique être public, puisque l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme édicte un principe de transparence pour tout ce qui touche à l’argent public.

Pourtant... non ! Cet avis juridique est inaccessible. Mediapart a eu beau frapper à toutes les portes possibles et imaginables, nous ne sommes pas parvenus à en obtenir une copie du SGG, ni même le détail de ses principales recommandations. Seul le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a eu l’amabilité de nous faire savoir, à l’occasion d’un échange informel, qu’à sa connaissance le SGG avait validé le dispositif adopté par la commission de surveillance de la CDC, assorti de l’amendement adopté par elle, à la suite du référé de la Cour des comptes.

Nous avons aussi interrogé le président de la commission de surveillance de la CDC, Marc Goua, ex-socialiste passé chez Emmanuel Macron. Nous adressant en réponse à nos questions des SMS aigres-doux, nous qualifiant de « justicier » (on trouvera l’intégralité de nos échanges sous l’onglet Prolonger associé à cet article), il a refusé de nous indiquer précisément la teneur de cet avis juridique, en arguant de manière infondée qu’il s’agissait d’un « document privé ». Alors que les groupes du CAC 40 sont désormais soumis à des obligations de transparence, le président de la commission de surveillance de la CDC revendique donc, pour l’établissement public, le maintien de procédures opaques sur des questions ayant trait à l’argent public.

Au détour de quelques phrases, il nous a tout de même confirmé que le SGG n’avait bel et bien soulevé aucune objection contre le dispositif arrêté par la commission de surveillance de la CDC, préparée en amont par une commission de travail. « Le secrétaire général valide les conclusions de cette commission de travail », nous a-t-il indiqué.

Avant même d’obtenir cette confirmation, nous avions décidé d’interroger le secrétaire général du gouvernement, Marc Guillaume, pour qu’il nous indique lui-même qu’il avait bel et bien recommandé le statu quo.

Voici le mail que nous avons adressé à Marc Guillaume :

« Monsieur le secrétaire général,

Comme vous le savez sans doute, j’ai consacré plusieurs enquêtes sur Mediapart au problème des indemnités des membres de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Ma dernière enquête annonçait que le directeur général de la CDC avait décidé de suspendre le versement de ces indemnités et de vous consulter pour obtenir votre avis sur le statut juridique de ces indemnités.

Or, Didier Migaud, qui m’a reçu récemment, m’indique que vous avez apporté une réponse qui va dans le sens du dispositif arrêté par la commission de surveillance. Et ce que je comprends de votre réponse contredit la position de la Cour des comptes sur la fragilité de la base juridique et me surprend donc beaucoup. Avant d’en informer mes lecteurs, je me permets donc de venir vers vous pour que vous me confirmiez que j’ai bien compris la position en droit que vous défendez. Si je m’autorise à venir très inhabituellement vers vous, c’est que vous avez joué dans cette affaire un rôle clef, dont les protagonistes vont se prévaloir. Il me semble donc opportun de vous soumettre mes questions.

Je publierai naturellement, en même temps que cette lettre, toutes les réponses que vous aurez bien voulu m’adresser.

1. Les indemnités versées aux parlementaires. Dans ma première enquête, je donnais la parole à un professeur de droit public, Pascal Jan, qui expliquait en ces termes pourquoi le versement des indemnités était illégale dans le cas des parlementaires : “Le paiement d’indemnités ou la perception d’une rémunération ou toute gratification d’un parlementaire siégeant au conseil de surveillance de la CDC contrevient manifestement à l’article 4 de l’ordonnance no 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement qui énonce limitativement les possibilités de cumul de la rémunération des députés et sénateurs lorsqu’ils siègent ès qualités dans certains établissements publics. En l’espèce, la CDC est un établissement public (article L 518-2 du code monétaire et financier) doté d’un statut sui generis (“établissement spécial”) non mentionné par l’ordonnance de 1958. Par ailleurs, l’interdiction de cumuler des rémunérations et indemnités pour les parlementaires qui interviennent ès qualités résulte de l’article 145 du code électoral qui précise qu’un député (ou un sénateur article LO 297 du code électoral) “désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur ne peut percevoir à ce titre aucune rémunération, gratification ou indemnité”. En conséquence, si le fait est vérifié l’illégalité est établie.” 

Une nouvelle piste pour le projet de François Bayrou

Le professeur de droit public ajoutait : “C’est donc à tort que, dans sa réponse au référé de la Cour des comptes, le président de la commission de surveillance de la CDC se réfère à l’article 2 de la loi organique no 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique pour justifier le fait que les parlementaires membres de la Commission de surveillance cesseront de percevoir en juin prochain ces indemnités. Car cette loi annule, certes, la situation d’exception dont profitaient quelques établissements et généralise l’interdiction faite aux parlementaires de cumuler leurs rémunérations et ces indemnités. Mais comme la CDC n’entrait pas dans le champ de ces exceptions, ce cumul, s’il est avéré, contrevient dès à présent à la loi.”

Si, comme je l’ai compris de M. Migaud, votre avis va dans le sens de la commission de surveillance, est-ce à dire que selon vous les arguments du professeurs Jan ne sont pas fondés et qu’en conséquence les parlementaires de la commission de surveillance peuvent percevoir des indemnités jusqu’en juin prochain, sans devoir restituer celles dont ils ont bénéficié depuis 2007.

Ai-je bien compris ?

2. Les indemnités versées aux hauts fonctionnaires. Dans son référé, la Cour des comptes estimait que les indemnités avaient un statut juridique “fragile”. Elles n’ont en effet aucune base réglementaire. En réponse à ce référé, la commission de surveillance, comme elle l’a indiqué à Mediapart, “a souhaité actualiser son dispositif de versement d’indemnités, en s’inspirant des dispositifs existant dans différentes autorités publiques (CNIL, ACPR, HATVP…) tout en poursuivant un double objectif de transparence et de modération.”

Mais ce dispositif me semble poser un problème éthique sinon juridique puisque dans le cas des trois autorités indépendantes auxquelles la commission de surveillance se réfère, le versement des indemnités a été encadré par un décret. Tel n’a pas été le cas pour la CDC. C’est la commission de surveillance qui décide de ses propres indemnités. Résultat : la supposée “modération” qu'elle prétend appliquer est une plaisanterie. À preuve, dans sa réponse au référé de la Cour des comptes, le président de la commission de surveillance avait annoncé que, désormais, le versement des indemnités serait plafonné à 275 000 euros par an, le niveau le plus élevé atteint en 2015, en hausse de 800 % sur dix ans. Comme les cinq parlementaires cesseront l’été prochain de percevoir ces indemnités, cela signifie un  nouveau doublement des sommes allouées aux autres commissaires-surveillants. On est donc à l’opposé de la “modération” annoncée, mais bien dans une formidable inflation.

Si votre avis va donc dans le sens du dispositif de la commission de surveillance, comme le dit M. Migaud, est-ce à dire qu’il ne prend pas en compte les arguments qui précèdent ? Dois-je donc conclure que ces arguments n’ont pas de valeur à vos yeux ?

3. Si je résume, des parlementaires ont perçu des indemnités illégales depuis 2007, mais vous ne recommandez pas qu’ils rendent l’argent ; des hauts fonctionnaires fixent eux-mêmes, par leur vote, leurs indemnités, sans qu’elles soient encadrées par un décret, contrairement aux dispositifs en vigueur à la HATPV, la CNIL et l’ACPR, lesquelles indemnités ont connu une progression fulgurante depuis 2007. À l’heure où le gouvernement prépare un projet de loi de moralisation de la vie publique, pensez-vous que la commission de surveillance puisse ainsi constituer un semblable contre-exemple ? »

À ce courriel adressé au SGG, Mediapart n’a pas plus reçu de réponse.

En résumé, alors que le gouvernement met la dernière main à un projet de loi de moralisation de la vie publique, la commission de surveillance de la CDC, présidée par Marc Goua, partisan déclaré de La République en marche, a décidé de s’en tenir à l’écart. Et même de donner ostensiblement le mauvais exemple. Les membres de la Cour des comptes et du Conseil d’État qui siègent dans cette instance et profitent de ces confortables indemnités sont totalement solidaires de cette attitude assez peu vertueuse, qui s'appuie sur une procédure opaque.

L’imbroglio ne s’arrête pas là. Car compte tenu de cet avis juridique, le directeur général de la CDC, Pierre-René Lemas, décidera-t-il de verser les indemnités qui sont suspendues depuis avril ? En clair, des indemnités vont-elles être versées de nouveau au profit des parlementaires, en violation de la loi, pour la période qui va d’avril à cet été ?

Quoi qu’il en soit, ce comportement appelle deux réflexions qui ne sont pas de même nature. La première a trait aux parlementaires qui violent la loi : pourquoi ne sont-ils pas contraints de rendre l’argent qu’ils ont indûment perçu depuis 2007 ? Pourquoi ces faits qui contreviennent à la loi ne sont-ils pas dénoncés au parquet ? Pourquoi, au contraire, le conseiller d’État Marc Guillaume, dans son avis, a-t-il de facto entériné cette violation de la loi ? Il est passablement inquiétant que l'on en vienne à se poser de telles questions dans un pays qui est supposé être un État de droit...

La seconde a trait aux hauts fonctionnaires qui profitent d’indemnités dont le statut juridique est fragile. Il n’existe en effet aucun autre établissement public en France dont les organes de gouvernance décident, seuls, des indemnités dont ils profitent, sans être encadrés par un décret. Alors, pourquoi la CDC ferait-elle exception ? Comment comprendre, puisqu’il en va de l’argent public, que les membres de la commission de surveillance puissent chaque année majorer formidablement leurs propres indemnités, sans qu’une limite ne soit fixée à leur boulimie ?

Pour le garde des Sceaux, François Bayrou, qui met la dernière main à un projet de loi de moralisation de la vie publique, ce devrait être un sujet de réflexion intéressant. Car les pratiques assez peu exemplaires de la commission de surveillance pourraient être facilement enrayées. Il suffirait d’insérer dans le projet de loi une disposition édictant qu’en aucune circonstance un organe de gouvernance d’un établissement public ne peut s’auto-attribuer des indemnités, et que celles-ci doivent obligatoirement être encadrées par un décret.

Prolonger

Voici les échanges de SMS que j’ai eus entre le 31 mai et le 1er juin avec Marc Goua, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts.

L.M. : Monsieur, je crois comprendre, après avoir rencontré Monsieur Migaud, que le SGG a remis un avis juridique qui valide le dispositif de la commission de surveillance. Pour en informer mes lecteurs, pourrais-je avoir une copie de cet avis juridique? Cordialement.

L.M. : Monsieur, ne puis je obtenir une réponse de votre part ? Comme il en va d'argent public, pourquoi est-il si difficile de savoir ce qui se passe au sein de la commission de surveillance de la CDC ? Laurent Mauduit

M.G. : Bonjour , Vous avez eu l'information par le Président de la Cour des comptes donc vous avez les éléments qui confirment la position prise par la commission de surveillance
Je vous rappelle que la Caisse des dépôts est sous la responsabilité du parlement et non de l'État ( il n'y a pas d'actionnaire même pas l'État )
Ce sont les bénéfices cumulées qui constituent les capitaux de l'entité
Espérons avoir répondu à votre interrogation
Marc GOUA

L.M. : Non! L'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme édicte un principe de transparence pour tout ce qui touche à l'argent public. Je ne comprends donc pas pourquoi vous refusez d'accéder à ma demande. Même les groupes du CAC 40 sont astreints à des règles de transparence. Et la Cdc pourrait s'abstraire de cette règle? Je me permets donc d'insister : puis-je accéder à l'avis du SGG ? Ou y aurait-il quelque chose à cacher ?

M.G. : Non rien à cacher (vous ne faites pas confiance au premier Président de la Cour ?)

M.G. : Il s'agit d'un document privé et il est conforme

M.G. : S'il ne l'avait pas été vous pensez bien que vos informateurs auraient déjà transmis

L.M. : Il s'agit d'argent public mais l'avis est... privé ? Les citoyens n'ont pas le droit d'être informés ! À l'heure où le gouvernement travaille à un projet de moralisation de la vie publique, comment justifier cette règle du secret ? Je saisirai donc la Cada et poursuivrai mes recherches pour informer les citoyens de ce que vous voulez leur cacher. Incidemment, j'interpellerai les nouveaux responsables publics pour recueillir leurs avis sur la loi du secret qui prévaut à la CDC

M.G. : Je ne veux rien cacher monsieur le justicier

M.G. : Car il n'y a rien à cacher

L.M. : Je ne suis pas justicier mais attaché à la démocratie et au principe de transparence qu'elle induit sur toutes les questions d'intérêt public. Comme journaliste, il est donc de mon devoir d'établir que vous avez perçu des indemnités prohibées par la loi. Je ne vois pas d'autre explication au secret que vous voulez imposer à la CDC.

M.G. : Merci pour la confiance que vous accordez au premier Président de la Cour
Vous avez eu communication par des moyens détournés de la lettre du DG et du rapport fait à la CS par un groupe de travail
Le Secrétaire Général valide les conclusions de cette commission de travail