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Allemagne - Die Linke s’éloigne toujours un peu plus du SPD

Allemagne

Lien publiée le 12 juin 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Mediapart) Un programme électoral résolument social, mais des divisions stratégiques face au parti social-démocrate et aux écologistes, telle est l’image brouillée que renvoie le programme adopté par Die Linke lors de son congrès ce week-end près de Hanovre.  

Berlin (Allemagne), de notre correspondant.-  Après le Grec Alexis Tsipras ou l’Espagnol Pablo Iglesias les années précédentes, le bon esprit du congrès de Die Linke, qui s’est tenu du vendredi 9 au dimanche 11 juin dans la banlieue de Hanovre, était cette fois Jeremy Corbyn, le leader travailliste britannique, presque tombeur de Theresa May : « Le résultat des élections anglaises montre que des surprises sont possibles […] Qui aurait cru à la remontée de Corbyn, il y a quelques semaines […] Le succès de Corbyn est le succès d’une vraie alternative sociale face au courant dominant libéral. Cela montre que nous pouvons gagner une élection avec des sujets sociaux classiques, par exemple en proposant de réhabiliter le système de protection sociale », s’est réjouie l’intransigeante Sarah Wagenknecht, vedette de l’aile gauche du parti et co-tête de liste aux côtés d’un Dietmar Bartsch plus prêt au compromis que sa camarade.

Sarah Wagenknecht, dimanche 11 juin 2017, au congrès de Die Linke. © Reuters Sarah Wagenknecht, dimanche 11 juin 2017, au congrès de Die Linke. © Reuters

« Social. Juste. Pour tous. » Tel est le slogan électoral que la gauche radicale allemande s’est choisi pour aller au combat. « Nous voulons lutter pour la disparition de la pauvreté et en faveur des classes moyennes, c’est-à-dire pour les 40 % d’Allemands dont le revenu a diminué depuis 1999 », a précisé la coprésidente du parti, Katja Kipping. À la tribune, Sarah Wagenknecht a pour sa part lancé que l’objectif du parti est « de restaurer l’État social, et de ramener nos soldats à la maison. Si nous trouvons des partenaires d’accord avec cela, alors nous gouvernerons avec eux ».

Dans un pays qui ne cesse d’afficher des excédents commerciaux records, un faible taux de chômage, mais aussi près de 13 millions de citoyens menacés par la pauvreté, Die Linke a définitivement mis le paquet sur le rattrapage social. Le parti veut supprimer sur-le-champ l’allocation d’existence minimum plus connue sous le nom de Hartz IV (409 euros par mois). Introduite par Schröder en 2005, celle-ci est devenue au fil des ans le symbole par excellence de l’injustice sociale. À la place, Die Linke demande un revenu d’existence minimum de 1 050 euros par mois (plus 573 euros pour un enfant), ainsi que le relèvement du salaire minimum, de 8,84 euros de l'heure à 12 euros de l'heure. Par ailleurs, il est question de faire remonter le niveau des retraites. Actuellement, celui-ci représente 48 % du dernier salaire et doit baisser à 43 % d’ici à 2030. Mais Die Linke veut le ramener à 53 % afin de lutter « contre le phénomène grandissant des retraités pauvres ».

À cela le programme adosse un vaste programme d’investissements. Soit 120 milliards d’euros injectés annuellement pour financer le logement social mais aussi les écoles, les hôpitaux et les infrastructures de transport. Logiquement, son concept fiscal prévoit d’augmenter les charges des gros salaires (imposition de 60 % au-delà de 260 000 euros et de 75 % au-delà de 1 million) et de relever l’abattement de base à 12 000 euros contre 8 820 euros actuellement. À quelques détails près, cet ensemble de mesures est soutenu par les divers courants et chapelles qui existent au sein du parti.

Là où les choses se compliquent, c’est quand Dietmar Bartsch annonce à la tribune que l’Allemagne, « c’est notre pays, reprenons-le en main ». Pour les 600 délégués de Die Linke, une telle déclaration, peu étonnante en période de campagne électorale, ne tombe pas sous le sens. En disant cela, Dietmar Bartsch demande en effet à ses troupes d’accepter la responsabilité du pouvoir, c’est-à-dire la perspective de s’allier au SPD et aux Grünen en une coalition dite « rouge-rouge-verte » (R2G), la seule faisable pour Die Linke, et, bien sûr, de se préparer aux compromis qui l’accompagnent.

Or, sur des sujets comme l’Europe ou la défense, la volonté de compromis avec les sociaux-démocrates est limitée. Ainsi, sur la question européenne, le programme prévoit un « nouveau départ pour l’Europe ». Celui-ci doit se faire grâce à de nouvelles structures et à de nouveaux contrats européens destinés à mettre un terme à la politique d’austérité et au chômage de masse. Mais contrairement au programme que défend un Mélenchon, le texte ne mentionne aucune intention ni calendrier pour dénoncer les traités mis en cause, en premier lieu celui de Maastricht. Soucieux de lever l’ambiguïté et de faciliter un rapprochement avec un SPD pro-Union européenne, une motion pour une « République Europe » mettant en garde contre la décomposition de l’UE a été donc présentée… et rapidement retoquée.

Sur la défense également, le programme choisi est ambigu et complique une alliance. « Die Linke ne participera pas à un gouvernement qui fait la guerre et engage les soldats de la Bundeswehr dans des combats à l’étranger. Nous voulons la dissolution de l’OTAN qui sera remplacé par un système de défense collective intégrant la Russie », déclare le texte. Die Linke a toutefois accepté une entorse à ses principes : les soldats allemands pourront éventuellement participer à des missions de maintien de la paix. C’est maigre, face à un SPD pleinement atlantiste et très engagé sur la réforme de la Bundeswehr mais aussi de la défense européenne. Au passage, la motion qui condamnait l’occupation de la Crimée par la Russie a été rejetée par les délégués de Die Linke, quand celle qui demande l’arrêt des sanctions contre le même pays a été largement acceptée.

Par ailleurs, des points de désaccords importants existent entre les deux grands courants internes du parti, comme en témoigne la motion adoptée contre la privatisation des biens publics. Cette dernière vise clairement un accord récent qui va permettre à l’État fédéral de faire en partie appel à des capitaux privés pour la rénovation et la gestion des autoroutes, dont une partie est effectivement dans un sale état. Pour obtenir cette possibilité, Berlin a dû âprement négocier avec les Länder qui, en échange, ont reçu un gros paquet de milliards. Cet accord a été rendu possible, entre autres, grâce à l’accord du Land de Thuringe, le seul qui soit à la fois dirigé par un ministre-président issu de Die Linke, Bodo Ramelow, et dans le cadre d'une coalition de gauche. Bodo Ramelow, qui pousse de toutes ses forces pour une alliance R2G au niveau fédéral, n’était d’ailleurs pas présent lors du congrès. Tout un symbole.

« Le succès de Corbyn nous a renforcés dans notre résistance contre le démantèlement social, contre les privatisations et contre les guerres. C’est aussi un signe pour que Die Linke soit plus autonome et offre un profil clair, plutôt que de se mettre dans une alliance avec un SPD néolibéral, ce qui équivaudrait à brader la politique de gauche », a expliqué la députée fédérale Sevim Dagdelen, partisane de la ligne intransigeante défendue par Sarah Wagenknecht.

Le succès de Jeremy Corbyn n’est sans doute pas la seule raison de la « victoire » d’une ligne plus dure vis-à-vis du SPD. On peut y voir aussi une blessure narcissique et des considérations stratégiques récentes. Le dimanche 26 mars dernier, à l’occasion de l’élection du Parlement du Land de Sarre, le SPD avait bien prévu d’emporter la région et de la gouverner avec Die Linke et les écologistes. Cela aurait constitué un possible coup d’envoi pour la constitution d’une union de la gauche. Or les électeurs sarrois ont montré qu’ils ne voulaient pas de Die Linke à leur tête et ont préféré réélire la ministre-présidente conservatrice. Dès lors, le SPD a changé son fusil d’épaule et promis à ses électeurs qu’il ne rechercherait plus l’alliance avec Die Linke. Cette volte-face réaliste, mais brutale et opportuniste, a bien sûr été vécue comme une gifle au sein du parti de la gauche radicale.

Malgré cela, la défaite sarroise a été suivie de deux autres défaites à chaque fois plus retentissantes que la précédente. Plus tard, le SPD a aussi décidé de ratisser plus large et de ne plus placer la seule question de la lutte pour la justice sociale au centre de sa campagne. Une déception pour Die Linke. Enfin, Martin Schulz, trop lent à dévoiler son programme, s’est effondré dans les sondages.

Même si certains estiment que ne pas s’allier avec le SPD, c’est mettre une croix sur tout espoir d’imposer une politique plus sociale en Allemagne, une partie de Die Linke préfère s’aligner sur la position de Sarah Wagenknecht, qui ne donne plus grande chance à une coalition de gauche pour 2017. Répondant à un journaliste du quotidien berlinois Der Tagesspiegel qui lui demandait si R2G était un projet « mort-né », celle-ci répondait que « cela en a tout l’air », en précisant que « ce n’est pas nous qui avons commandité le tueur »