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Décès du mathématicien communiste Jean-Pierre Kahane

Lien publiée le 6 juillet 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.snesup.fr/article/deces-de-jean-pierre-kahane-hommages-et-temoignages

Les obsèques de Jean-Pierre Kahane ont eu lieu vendredi 30 juin au Crématorium du Père Lachaise, dans la Salle de la Coupole.

Chères et chers camarades,

Nous avons la tristesse de vous faire part du décès brutal, le 21 juin, de notre camarade Jean-Pierre Kahane. Éminent mathématicien, membre de l'académie des Sciences depuis 1998, président de l'université Paris XI (de 1975 à 1978), Jean-Pierre s'est impliqué très activement, jusqu'à son dernier jour, dans la vie militante, au service de ses idéaux progressistes, tant scientifiques et pédagogiques, que syndicaux et politiques. Parmi les très nombreuses fonctions et responsabilités qu'il a exercées sa vie durant, il a notamment été secrétaire général du SNESUP à deux reprises (1962-1963 puis 1964-1965).

Au nom de la direction du SNESUP-FSU et de l'ensemble de ses syndiqués, nous assurons sa famille de notre profonde sympathie en ces moments douloureux.

Bien fraternellement,

Hervé Christofol
Secrétaire général du SNESUP-FSU

Cette page est destinée à recevoir hommages et témoignages. Ils sont précédés de liens qui seront réactualisés.

Jean-Pierre Kahane

Hommage de la FSU et de sa secrétaire générale :

C'est avec une profonde tristesse que la FSU a appris le décès de Jean Pierre Kahane.
Elle tient tout d'abord à assurer sa famille et ses proches de ses plus sincères condoléances et de toute sa sympathie.
Jean Pierre Kahane a été bien sur un grand militant du SNESUP, dont il a été d'ailleurs secrétaire général, il a été aussi un militant de la FSU et à contribuer à sa construction mais il aura été aussi un grand syndicaliste. Un homme d'une grande exigence professionnelle, passionné par son métier, attaché à transmettre des connaissances, à former, à donner à travers ces savoirs un avenir à la jeunesse... un homme attaché au service public d'Education.
C'est cet héritage professionnel, culturel et syndical que nous gardons de Jean Pierre Kahane.
C'est cet héritage que nous nous attacherons à faire vivre.

Pour la FSU,
Bernadette Groison

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Communiqués, revue de presse et vidéos :

Communiqué de Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation : http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid118086/deces-du-mathematicien-jean-pierre-kahane.html

L’Humanité, deux articles : http://www.humanite.fr/deces-de-jean-pierre-kahane-un-homme-des-lumieres-637902

http://www.humanite.fr/disparition-jean-pierre-kahane-militant-du-progres-637946

Le Huffington Post : http://www.huffingtonpost.fr/2017/06/22/mort-de-jean-pierre-kahane-le-mathematicien-emerite-sest-etein_a_22583114/

Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/sciences/2017/06/22/01008-20170622ARTFIG00342-le-mathematien-francais-et-militant-communiste-jean-francois-kahane-est-mort.php

Académie des Sciences : http://www.academie-sciences.fr/fr/Membres-a-la-une/in-memoriam-jean-pierre-kahane.html

Société Mathématique de France (SMF) : http://smf.emath.fr/content/décès-jean-pierre-kahane

Communiqué de l'université Paris-Sud : ;

Communiqué du Centre d'Alembert-Université Paris-Sud : http://www.centre-dalembert.u-psud.fr

"Une heure avec Jean-Pierre Kahane", vidéo sur la web TV de l'Université de Lille 1 : http://lille1tv.univ-lille1.fr/videos/video.aspx?id=e751b3ab-076e-428d-be0d-d0380704a4ba

"Paul Langevin, le mouvement brownien et l'apparition du bruit blanc", vidéo d'une conférence de février 2014 organisée par la SMF : https://vimeo.com/97833419

HOMMAGES ET TEMOIGNAGES :

1. Nous donnons à lire en téléchargement (documents joints en haut et à droite de cette page) trois textes des journées en l'honneur de Jean-Pierre Kahane qui ont eu lieu à Orsay du 3 au 7 juillet 2016. Le SNESUP remercie Michèle Artigue, Daniel Perrin et Luc Trouche pour leur autorisation de publication.

2. Lettre du Président et du Président émérite de la Fédération mondiale des travailleurs scientifiques (FMTS) :

24 juin 2017

Le Président

           

            M. le Secrétaire général du SNESUP-FSU

Cher collègue

L’annonce du décès brutal de Jean-Pierre Kahane  a suscité une grande émotion au sein de la direction de la FMTS. Jean-Pierre  a participé à la vie de la FMTS non seulement comme Secrétaire général de son syndicat, le Snesup, entre 1962 et 1965, mais par la suite, au cours des années 70, comme membre du Conseil exécutif de la Fédération, plus particulièrement impliqué dans les questions de politique scientifique. Il répondait toujours présent à nos sollicitations. Citons les exemples les plus récents : en 2009, il introduisait un séminaire sur « la jeunesse et la science », en 2014, il prononçait une conférence sur « le partage des savoirs » dans le cadre d’un séminaire sur « Sciences et éducation ». Nous voulons citer quelques phrases-clefs de son exposé :

« ...l’égalité à venir de tous les peuples et, dans chaque peuple, l’égalité en droit de tous les individus…l’effort pour supprimer les gâchis et d’abord ce gâchis terrible qu’est le mépris des êtres humains, pour la réduction du travail contraint au strict nécessaire, et l’essor du travail nouveau qu’exigeront les problèmes auxquels l’humanité aura à faire face. Cela veut dire un essor considérable et sous des formes nouvelles du travail scientifique. Cela implique le partage et la collaboration comme condition du travail scientifique. Le partage du savoir scientifique pourrait alors inspirer l’enseignement à tous les niveaux et pour tous les âges de la vie. Il viserait à faire passer dans la conscience commune la dialectique qui relie le  mouvement de la science et la permanence de ses acquis… »

Nous conservons de lui le souvenir de ses interventions toujours originales, abordant son sujet sous un angle inattendu dont chacun de nous pouvait faire son profit. Nous sommes particulièrement sensibles au rôle qu’il a joué au plan international dans le domaine de la pédagogie de l’enseignement des mathématiques pour les plus jeunes.

C’était un militant infatigable de la diffusion et du juste partage des connaissances dans la perspective de l’émancipation humaine.

Nous vous demandons de bien vouloir transmettre ce message à sa famille et à ses proches.

Bien amicalement, pour le secrétariat international :

André JAEGLÉ, Président émérite

Jean-Paul LAINÉ, Président

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3. Témoignage de Jean Fabbri

Jean-Pierre Kahane nous laisse la marque rare  d'une personnalité  à la fois hors du commun et incroyablement accessible et attentive à des hommes et des femmes de formations et d'horizons variés. Sa vie contient d'une certaine façon de multiples vies jamais étanches les unes aux autres. Ecouter un exposé ou une conférence de Jean-Pierre était toujours un plaisir pour la clarté, l'attention au cheminement  intellectuel de son public, et pour les remarques historiques et la malice dont il faisait preuve. Ses convictions politiques, ses engagements étaient connus donnant cohérence et respect à sa démarche et à sa personne depuis très longtemps. Ce grand homme très largement admiré est resté à la fois fidèle et très attentif au SNESUP qu'il a dirigé par deux fois. Volontiers contributeur dans notre presse syndicale, il savait aussi dire ce qu'il analysait comme des insuffisances :  renouvellement trop lent, liens affaiblis avec nombre de collègues. Il était des nôtres  dans bien des manifestations parisiennes où sa haute silhouette ne passait pas inaperçue, comme lors du congrès du SNESUP à Orsay où de longues ovations avaient salué son intervention.

Jean-Pierre Kahane, mathématicien, intellectuel, grand président d'université et camarade fraternel nous manquera.

Jean Fabbri
Secrétaire général du SNESUP-FSU 2005-2009

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4. Témoignage de Michelle Lauton

Ancienne secrétaire générale Adjointe du SNESUP

Université Paris-Sud

J’ai appris avec une grande tristesse le décès de Jean-Pierre Kahane.

Mathématicien, spécialiste de l’analyse harmonique, mais impliqué dans maintes autres voies, il a influencé par ses travaux de nombreux mathématiciens – notamment Yves Meyer, Prix Abel 2017 – et il a contribué singulièrement au rayonnement de l’école mathématique française. Jean-Pierre impressionnait par sa capacité à comprendre l’essentiel de travaux qui lui étaient présentés, même s’ils étaient très éloignés de ses axes de travail, ou même de sa discipline. Mais d’autres pourront en dire bien plus sur ce plan.

Dans la continuité de ses engagements progressistes, il s’est impliqué avec passion dans des questions d’enseignement et de pédagogie, et plus largement de transmission des connaissances au plus grand nombre et aux plus jeunes. À ce titre, il a participé à divers colloques du SNESUP. Il a été président de la Mission interministérielle de l’information scientifique et technique (MIDIST) au début des années 80, dont les missions ont été étendues à la diffusion de la culture scientifique et technique. Il a aussi été président de la Commission internationale de l'enseignement mathématique (http://www.cfem.asso.fr/icmi). Sous son impulsion et grâce à son rayonnement, la notion pionnière de « Mathématiques, discipline de service » s’est imposée, trouvant une place de choix dans la formation des futurs ingénieurs, à côté de l’enseignement des mathématiques pour de futurs mathématiciens.

Jean Pierre a participé à l’aventure de la création de l’université Paris Sud et en a été son deuxième président. Sans doute, le devenir de cette université dans le cadre de la création de Paris Saclay l’a-t-il inquiété.

Jean Pierre était en même temps un militant politique et syndical. Membre du PCF dont il a participé à la direction, il a assumé la responsabilité de son secteur recherche et de la revue « Progressistes ».

Jean Pierre a aussi été par deux fois secrétaire général du SNESUP. J’avais formulé le projet de recueillir ses souvenirs pour contribuer à l’histoire du syndicat. Il en était d’accord et la date restait à fixer.

Trait d’union entre les plus grands scientifiques et le "simple" citoyen, il laissera la mémoire d’un homme affable, avec lequel on pouvait aussi avoir plaisir à discuter dans le RER entre Paris et Orsay.

Jean Pierre Kahane était une personnalité exceptionnelle et attachante, qui restera dans notre mémoire.

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5. Témoignage de Stéphane Tassel : 

C'est avec une profonde tristesse que j'ai appris le décès de Jean Pierre Kahane. J'ai une pensée émue pour ses proches et les membres de sa famille. 

Nous perdons un grand syndicaliste militant de toujours, un éminent scientifique, académicien des sciences. Ses collègues de l'université d'Orsay, ses collègues mathématiciens, les étudiants lui doivent la confection patiente de la bibliothèque de mathématiques d'une rare richesse. Son implication pour l’avenir des jeunes l’a fait intervenir à de multiples reprises sur les questions d'enseignement, de diffusion de la culture scientifique et de formation des enseignants. 

Je garde le souvenir d'un militant humble à la très grande gentillesse, souriant et toujours prêt à partager. Des discussions que nous avions eu, emprunte d'humour, je retiens une écoute complète, lucide et bienveillante. 

Nous perdons un grand homme qui ne prenait jamais personne de haut. La présence de sa silhouette gracile face à un amphithéâtre au cœur des luttes, ou dans toutes les manifestations nous manque déjà. 

Stéphane Tassel 
Secrétaire Général du SNESUP-FSU 2009-2013

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6. Témoignage d'Alain Policar : 

J’ai eu l’insigne privilège de travailler, de nombreuses années, avec Jean-Pierre lorsqu’il a, en tant que président de l’Union rationaliste, rejoint le comité de rédaction des Cahiers rationalistes dont j’étais le rédacteur en chef. Dire que le côtoyer fut un rare privilège ne suffit évidemment pas. J’ai appris avec lui le sens réel de la tolérance : accepter ce que l’on a le pouvoir d’empêcher et que néanmoins l’on désapprouve. Car nous étions bien souvent en désaccord sur le choix des textes à publier, mais l’homme d’autorité qu’il était n’abusait jamais de ses prérogatives, et son intelligence, servie par une impressionnante culture, laissait librement s’exprimer la pensée d’autrui. C’est à son contact que j’ai pu comprendre ce qu’était réellement un marxiste animé par l’esprit des Lumières, et mesurer le prix de son combat, à travers la raison, en faveur de l’émancipation. 

Alain Policar

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7. Témoignage de Patrick Rayou :

Je ne l'ai rencontré qu'une fois mais je connaissais sa réputation scientifique et ses engagements. Je travaillais, dans les années 80-90, aux publications du Snes et nous avions une rubrique dans laquelle nous interviewions des "personnalités" du monde de la culture. Je suis allé à Orsay où il m' a reçu dans son bureau, comme un collègue. Je le sentais modeste et rigoureux, à l'écoute de mes questions, très sensible à la réception de ce qu'il disait. Il a pris la craie et m'a donné au tableau des explications qui m'ont laissé penser que je comprenais quelque chose aux fractals... Brève rencontre, mais de celles qui marquent. Elle a, à sa manière,  contribué à ce que je fasse par la suite de la recherche. Je ne suis sans doute ni le premier ni le seul à avoir éprouvé cela à son contact, je tiens cependant à témoigner de ce qu'il a pu communiquer, à regretter sa disparition, à déplorer que les médias ne s'intéressent que trop peu aux êtres réellement exceptionnels dont il faisait à coup sûr partie. 

Patrick Rayou
Professeur émérite de sciences de l'éducation
Université Paris 8

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Décès de Jean-Pierre Kahane

8. Témoignage de Michel HENRY, membre du SNESup depuis 1967

J’avais croisé Jean-Pierre Kahane lors de différentes réunions nationales du SNESup, notamment en mai 1968. Il imposait le respect. Notre amitié s’est ensuite renforcée au cours de nos implications dans la vie des Instituts de Recherches sur l’Enseignement des Mathématiques (IREM). J’avais rencontré Jean-Pierre à Budapest en 1988 à l’occasion du 6ème congrès international sur l’enseignement des mathématiques (ICME), où j’y représentais le réseau des IREM. Jean-Pierre a été président de l’International Commission on Mathematical Instruction (ICMI) de 1983 à 1990 et à ce titre présidait ce congrès.

La vie des IREM a été mouvementée. À plusieurs reprises les autorités académiques et les ministères concernés ont cru pouvoir les supprimer ou les asphyxier financièrement. Chaque fois Jean-Pierre Kahane est monté au créneau pour peser de toute son autorité à la fois syndicale, politique et scientifique de grand mathématicien, afin de pérenniser ce réseau irremplaçable, créé et 1969 et encore très productif.

Puis, Jean-Pierre m’a succédé en 1997 à la présidence du comité scientifique des IREM qu’il a dirigé pendant deux ans, lui donnant ses lettres de noblesse par son ouverture aux nouveaux problèmes posés par l’enseignement des mathématiques à l’aube de la révolution numérique.

De 1999 à 2003, nouvel académicien, il a dirigé la commission de réflexion sur l’enseignement des mathématiques, dite commission Kahane, dont le rapport édité en 2002 chez Odile Jacob est toujours d’actualité, c’est un trésor pour les enseignants de mathématiques des collèges et lycées.

L’activité mathématique de Jean-Pierre Kahane, membre de l’Institut depuis 1998, est immense, elle fait l’objet de nombreux témoignages par ailleurs. Je voudrais souligner son souci constant de communiquer le plaisir de chercher et découvrir de nouveaux objets mathématiques à tous les niveaux. Jean-Pierre pouvait s’adresser à de jeunes enfants en se mettant à leur portée sur des questions parfois difficiles.

Son activité syndicale (il fut secrétaire général du SNESup de 1962 à 1965) et politique (il fut membre du Comité Central du PCF de 1979 à 1994), ponctuée par la création en 2013 de la revue Progressistes, témoigne de sa fidélité à ses convictions profondes.

Au cours de l’année 2000, Jean-Pierre m’appela et me demanda : « accepterais-tu de m’aider à relancer l’Union Rationaliste ? ». J’acceptais immédiatement. Je connaissais cette association par héritage de mes parents (mon père a travaillé au CEA avec Frédéric Joliot-Curie, un des premiers présidents de l’UR, mais en a été exclu car non habilité au secret au temps de la guerre froide), mais je n’en avais plus entendu parler depuis longtemps. Jean-Pierre était très attentif à la survie de l’UR, son père, le biologiste Ernest Kahane, en avait été un éminent président de 1968 à 1970. Jean-Pierre put réunir une petite équipe et réussir à redonner vie à cette association historique, dont un des créateurs en 1930 fut Paul Langevin.

Ainsi, l’Union rationaliste lui doit son existence actuelle, prolongée par l’action déterminée d’Hélène Langevin-Joliot et la présidence éminente d’Édouard Brézin.

Le 25 juin 2017

Michel Henry, administrateur de l’Union Rationaliste

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Jean-Pierre Kahane et Hervé Christofol, le 17 mai 2016 lors de la journée d'action contre le projet de loi "Travail"


 

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9. Témoignage d'Olivier Gebuhrer :

QUELQUES MOTS SUR JEAN-PIERRE 

On trouvera ce qui suit indécent ; à bon droit . Il est parti et je n’ai plus de larmes pour le pleurer ; ce qui est indécent est de dire « je » ici ,où « je » rassemble quelques souvenirs de Jean-Pierre comme si quelque part je me hissais à sa hauteur  ; j’ai réfléchi et je ne peux pas faire autrement.

J’adhérais au PCF en Juin 1968 et à la Cellule Evariste Galois qui donnait le « la » politique à l’Institut Henri Poincaré on croisait   des astres mathématiques, tous sans exception avec une culture politique rarement rencontrée aujourd’hui ; Jean-Pierre Kahane n’était pas en France au moment de « mes classes » militantes mais son ombre était là ; puis je partis et le perdit temporairement de vue ; d’autres diront ce qu’il fut à la tête de l’Université d’Orsay qui fut pionnière à bien des égards et fut tout un temps à la pointe du combat contre les assauts giscardiens menés par Alice Saunier -Seïté de sinistre mémoire .

Curieusement, des camarades le critiquaient férocement ; « j »’en avais des échos sans croire ce qu’ils m’en disaient …. Puis vint le temps des premiers troubles au PCF ; les Comptes Rendus du CC étaient pour « moi » devenus incontournables, essentiels ; je découvris Jean-Pierre Kahane ainsi ; il détestait les zizanies petites et ce qu’il disait visait le sommet ; c’est ainsi qu’il concevait le PCF ; jamais dans ces moments déjà compliqués, il ne perdit de vue notre horizon. Tout Jean-Pierre Kahane était dans cette attitude.

Avant tout, c’était un homme BON .

Le champ de son activité intellectuelle dépasse tout ce qu’on peut en écrire et « je » n’en dirais donc rien sauf cette anecdote qui n’en est pas une ; saisi par la portée de ses interventions « je » voulus en savoir plus et lus ses ouvrages mais avant d’évoquer l’un d’entre eux « je » dois revenir à mes années de culottes courtes au sens propre où un article de lui me frappa pour la vie ; il écrivit quelques mots sur la profession de mathématicien et mettait en garde : «  un jeune mathématicien vient montrer un résultat à son directeur de Thése ; celui_-ci jette un œil superficiel et dit 3 » C’est déjà connu » , puis s’en va laissant le jeune désespéré ; soudain , il s’en retourne et regarde à nouveau ; puis déclare «  d’ailleurs il y a une erreur » ; puis s’en va derechef ; le jeune mathématicien est sidéré ; voilà son Directeur qui revient et relit ; puis il prononce de façon définitive «  de toutes façons , j’ai publié ça il y a dix ans «  .  C’était pour indiquer que la profession n’était pas sans épines mais qu’il fallait ne pas se laisser impressionner.

Un de ses ouvrages  ( tous ont une Introduction qu’il faut lire ) raconte ceci en exergue :«  ayant montré ces travaux à des collègues leur réaction fut de dire d’un air entendu : «  c’est de l’analyse très fine » ; je n’ai jamais su si c’était une critique ou un compliment » ; tout l’humour de Jean-Pierre Kahane est concentré dans ces deux anecdotes .

Le hasard fit que « je » fis sa connaissance beaucoup plus tard et une autre période commença ; je ne me souviens pas d’une seule fois où il ne vint pas aux réunions de la Commission ESR du PCF fût-ce pour une matinée. A toute occasion, il venait avec une nouvelle idée, un nouveau thème ; sa jeunesse d’esprit était proprement hors de toute description.   

C’est peu dire qu’il m’aida : il devint « Jean-Pierre » privilège entre tous ;il relut en détail les propositions du PCF pour l’ESR fit de nombreuses remarques avant d’y donner son aval qui n’était pas rien . Nous correspondîmes souvent ; je dois à la vérité de dire qu’il était chagrin : le positionnement du PCF vis-à-vis de la Science ne le satisfaisait pas ; il avait conscience d’un écart grandissant entre le public populaire et les scientifiques et cela le préoccupait considérablement ; il pensait que le PCF avait abandonné des pans entiers de son héritage et à plusieurs reprises était colère ; à sa façon . Il existait une façon Jean-Pierre d’être « colére » ; le développement scientifique n’était pas pour lui un donné mais un enjeu , enjeu de classe , enjeu de civilisation .   Il en fut ainsi sur la question des OGM et plus récemment sur la question du nucléaire. En déduire que Jean-Pierre était au fond un scientiste impénitent est vraiment lui faire injure. Il voyait que nombre de scientifiques qui auraient pu devenir au moins des alliés s’éloignaient dangereusement ; l’absence de réponse adéquate de la part du PCF le souciait.

Nous eûmes notre dernière conversation sérieuse lors du choix de la présidentielle ; Jean-Luc Mélenchon était pour lui un homme dangereux. Beaucoup de scientifiques ne pouvaient de toute façon pas le supporter mais pour de bonnes et de mauvaises raisons ; il n’y avait pas ce genre de mélange chez Jean-Pierre. Jean-Luc Mélenchon allait saccager les chances d’une victoire de gauche et c’est ce qu’il fit ; Jean-Pierre vota comme il le jugea bon et je fis de même mais il m’écrivit que son vote ne retirait rien de sa profonde confiance en Pierre Laurent.   

C’était l’un des séquoias de la pensée de notre temps.  

Bien fraternellement

Olivier GEBUHRER

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10. Témoignage d'Isabelle de Mecquenem :

En 2014, Jean-Paul Lainé m'invita à prendre la parole au séminaire de la FMTS dont le thème était "Sciences et Education".
J'étais très impressionnée sachant qu'un académicien se trouvait au premier rang de l'auditoire... Surtout que Jean-Pierre Kahane me gratifia d'une attention extraordinaire, comme s'il était l'élève et moi le professeur, ce qui me fit macérer ensuite durablement dans un sentiment de quasi usurpation.
Je n'oublierai donc jamais sa silhouette longiligne, se noyant dans la foule du métro, la différence invisible de sa supériorité intellectuelle écrasante ne semblant pas le pousser à se distinguer des autres, au contraire, et il se faisait sans doute un honneur, de rentrer chez lui, comme tout le monde, avec les transports en commun.
Isabelle de Mecquenem
PRAG de philosophie

11. Témoignage de Marie Cottrell : 

Je pensais Jean-Pierre Kahane éternel, et je ne me remets pas de l’annonce de sa disparition brutale.

Il représentait pour moi l'idéal de l'enseignant-chercheur, à la fois chercheur remarquable, internationalement connu, ayant démontré des théorèmes très difficiles et tracé la voie de beaucoup d'autres, et en même temps enseignant extraordinaire qui expliquait les choses les plus complexes comme si elles étaient simples.

Malgré son prestige, son attitude toujours noble et digne, sa grande taille, qui pouvaient intimider à première vue, il était toujours d'une politesse remarquable, à l'écoute, prêt à discuter, aussi bien dans ses rapports avec ses collègues qu'avec les étudiants et les administratifs.

Un mot résume son attitude constante, j'ai entendu à de nombreuses reprises les administratifs du Bâtiment 425 de Mathématiques d'Orsay dire : « Tous les enseignants ont abandonné le costume-cravate après 68, sauf Jean-Pierre Kahane qui a continué à venir travailler dans la même tenue ». Il était unanimement respecté et apprécié parmi les personnels d'Orsay, en particulier à la fameuse bibliothèque de Mathématiques qu'il a tant contribué à constituer et à enrichir dès la création du centre d'Orsay, dont il a été l'un des pionniers.

J'ai eu la chance à titre personnel de le rencontrer assez souvent, bien que je sois très ignorante de son domaine mathématique. Tout d'abord j'ai appartenu à la même "cellule" du PCF à Orsay. Quand le PCF était parcouru par des débats quelquefois houleux, Jean-Pierre Kahane, qui participait à la direction nationale, ramenait toujours à l'essentiel, ses interventions portaient sur le fond et développaient une vision humaine et de progrès en toute circonstances. J'ai beaucoup appris de ces réunions et de ces débats fraternels.

Ensuite, il m'a constamment encouragée pendant la période de fin de ma thèse d'État, il n'hésitait pas à réfléchir aux difficultés mathématiques que je rencontrais malgré l'aide constante d'un autre professeur exceptionnel qui était mon directeur, Jean Bretagnolle. Lorsqu'il m'a fallu choisir un sujet de seconde thèse, comme c'était prévu pour la thèse d'État de l'époque, il m'a orienté vers un sujet qui m'était complètement étranger mais qui avait un joli énoncé « Mesure harmonique et dimension de Hausdorff, d’après N.G.Makarov ». Et pendant que je préparais l'exposé, j'ai eu la chance d'avoir quelques explications en cours particuliers, où Jean-Pierre Kahane répondait à mes questions avec une extrême patience. Il m'a fait l'honneur d'assister à ma soutenance et au pot mémorable qui a suivi.

Enfin, j'ai toujours admiré son engagement extrême au service de l'enseignement des mathématiques, comme l'ont souligné déjà beaucoup des contributeurs à cette page d'hommage. Il souhaitait vraiment réduire la distance qui existe la plupart du temps entre les élèves et les mathématiques, entre les citoyens et les mathématiques. À ce titre, et je ne suis pas sûre que ce soit très connu, il avait contribué à la création du CIEEIST, Centre Interdisciplinaire d'Étude de l'Évolution des Idées, des Sciences et Techniques, dirigé par Paul Brouzeng, qui organisait tous les mardis des conférences-débats en direction d'auditoires de diverses disciplines, sous le nom de UniverCité ouverte. J'ai eu la chance d'y être invitée à parler de mon expérience de direction d'une équipe de recherche universitaire. Je crains que les orientations actuelles ne s'éloignent de ses conceptions universitaires, universelles, fondées sur le travail d'équipe et les collaborations.

Ces derniers temps, je le rencontrais dans des manifestations, où il ne manquait pas de venir au moins un moment malgré son grand âge, avec la même prestance et la même attitude amicale et fraternelle, comme toujours. Il va falloir continuer malgré son absence à défendre les idées qui lui étaient chères.

Marie Cottrell

12. Témoignage d’Hélène Gispert, Université Paris Sud

Jean-Pierre Kahane…

Un nom symbolique des mathématiques d’Orsay, bien sûr, qui pour moi a été d’abord celui de mon professeur du certificat d’analyse en 1971-1972 dans un amphi de la fac des sciences, puis celui de mon directeur de thèse de troisième cycle, une thèse d’histoire des mathématiques soutenue en 1982 dans le bâtiment de mathématiques.

Mais pour un certain nombre de personnes d’Orsay, « Jean-Pierre », c’est aussi le nom d’un camarade sur le front syndical et sur le front politique. C’est sur le front politique que je l’ai côtoyé très tôt, encore étudiante, et ai eu le bonheur de mêler discussions sur les mathématiques et sur plein d’autres choses avec lui.

C’est ainsi que tout naturellement, après avoir quitté la fac et être devenue professeur dans le secondaire, je suis allée le trouver quand j’ai voulu me lancer dans l’histoire des mathématiques, un domaine très peu organisé au milieu des années 1970, surtout pour une provinciale d’Orsay… Jean-Pierre m’a alors donné un premier travail à faire, très lié à ce qu’il m’avait enseigné en analyse, puis le projet de thèse a pris corps auquel j’ai travaillé sous sa direction et celle d’un « vrai » historien des mathématiques, Pierre Dugac, auquel il avait considéré nécessaire de m’adresser. L’apport de Jean-Pierre fut important, décisif – certaines de ses critiques, dites toujours avec bienveillance, m’ont fait tout reprendre et réécrire – cela alors qu’il terminait son mandat de président d’université de Paris XI.

Quelques années plus tard, quand je devins enseignante-chercheure puis professeure d’histoire des sciences à la faculté des sciences d’Orsay, je le rejoignis à la « section de maths » du Snesup. « Émérite »,  il prenait toujours le RER pour venir à Orsay pour son séminaire ou pour ses réunions syndicales et politiques. Et cela il n’y a pas si longtemps encore…

L’an dernier, à l’occasion du colloque en son honneur pour ses 90 ans auquel je ne pouvais assister, je lui avais écrit pour m’associer à l’hommage qui lui était rendu.  Je lui avais dit alors ce qu’il était pour moi, ce modèle d'intellectuel rayonnant dans son milieu et passant si naturellement à des univers autres mais tenus ensemble dans lesquels l'investissement est tout aussi grand, tous ces univers se nourrissant les uns les autres.

J’ai envie aujourd’hui de partager la réponse qu’il me fit et qui est tant lui :

« Nous sommes plusieurs, pas une foule, mais quand même un bon nombre, à conjuguer les activités professionnelles, disons, le sens du métier, et les activités militantes, sociales et politiques, disons, le sens du bien commun. »

le 24 juin 2017, Hélène Gispert

13. Témoignage de Pascal Maillard, Université de Strasbourg

59 secondes

Je n’ai pas eu le bonheur de connaître personnellement Jean-Pierre Kahane et je le regrette beaucoup. De formation littéraire et engagé tardivement dans le syndicalisme - j’ai adhéré au SNESUP en 2009 -, j’avais objectivement peu de chances de le rencontrer sur ma route. Pourtant le nom de Jean-Pierre Kahane est pour moi étroitement associé à deux moments importants de l’histoire récente de l’Université de Strasbourg.

En décembre 2008 je rédigeai avec quelques collègues l’Appel de Strasbourg qui allait devenir l’un des textes initiant le mouvement universitaire de protestation contre les réformes de Pécresse. Jean-Pierre Kahane, contacté par un mathématicien co-rédacteur de l’appel, avait immédiatement accepté de faire partie des quelques premiers signataires.

En décembre 2016, quelques jours avant l’élection d’un prêtre à la présidence de l’Université de Strasbourg, une tribune fut proposée à la signature d’universitaires de renommée  internationale. Quand certains hésitèrent à signer, Jean-Pierre Kahane donna sa signature le premier. La fermeté des convictions, le courage de l’engagement : ne rien céder sur la laïcité et le principe de neutralité. La tribune a été publiée le 9 décembre, deux jours avant l’élection du prêtre-président : https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/091216/l-universite-doit-demeurer-neutre-l-egard-de-tout-engagement-religieux. En octobre 2016 Jean-Pierre Kahane avait accordé un entretien à L'Humanité, intitulé "La science pour lutter contre les obscurantismes". On peut le lire ICI. J'ai retenu cette phrase : "L’obscurantisme est une arme électorale quand la politique disparaît de la pensée commune". Outre l'extrême rigueur de la pensée alliée à un sens inédit de la pédagogie qui lui permettait de rendre accessible à tous le plus complexe, il y a dans chaque intervention publique de Jean-Pierre Kahane au moins une phrase qui mérite que nous la gravions dans nos mémoires.

Un petit fait vrai, pour terminer. La publication de la tribune de décembre 2016 est liée à une anecdote que je n’oublierai jamais, et qui est comme le symbole de la formidable vitalité qui habitait ce grand homme. Le 8 décembre, à 00h 4 mn et 52 secondes, je demande aux signataires leur accord pour une publication sur Mediapart. A 00h 5 mn et 51 secondes je recevais la réponse suivante de Jean-Pierre Kahane : « Accord. JPK ». Un jeune homme qui allait avoir 90 ans trois jours plus tard avait mis, sur son ordinateur au cœur de la nuit, exactement 59 secondes à répondre à mon message. JPK : l'intelligence qui va vite et qui dure toujours. 

14. Témoignage de Gérard Lauton

De Jean-Pierre Kahane, je retiens avant tout une double impression de haute stature et d’étonnante proximité, d’empathie manifeste envers qui venait à sa rencontre. Dans son expression, il savait faire preuve d’aplomb – avec ce style animé, direct et imagé qui lui allait si bien – mais aussi de nuance et de prise en compte d’autres points de vue que le sien. Nul ne pouvait oublier ses traits d’humour prononcés avec l’esquisse d’un sourire et le plus grand sérieux, sans se départir de son élégance.

Mon souvenir le plus ancien de moment passé en sa présence est celui d’un évènement du SNESUP des années 80 (congrès ou colloque) auquel il avait été invité. Son intervention avait été tout sauf rituelle, et il en était assez vite venu à exprimer, en forme de suggestion, deux idées qui tranchaient avec la rhétorique syndicale de l’époque. En premier lieu, il avait recommandé une vision plus étendue (plus dialectique) du lien enseignement – recherche. Alors que l’on entend trop souvent formuler ce lien sous l’angle simpliste d’un transfert du producteur au « consommateur » ("j’enseigne les contenus produits par ma recherche"), Jean-Pierre avait exhorté les participants à mettre en évidence l’apport, déterminant et même structurant selon lui, de l’enseignement à la recherche. En second lieu, il avait suggéré de diversifier les modes d’évaluation des acquis et d’articuler bien davantage les apprentissages avec leurs phases d’évaluation, au lieu de reléguer ces dernières loin derrière les premiers. Adepte avant la lettre d’un regain d’interactivité dans les relations apprenants – enseignants, il avait préconisé de donner une place inédite à l’oral s’agissant de l’évaluation.

Un souvenir plus récent est la présence si stimulante aux côtés d’autres académiciens, de Jean-Pierre dans la manifestation[1] du 17 octobre 2014 sous la bannière de « Science en marche », avec une banderole portant le slogan « Enseignement Supérieur et recherche : une autre politique est possible ».

En dehors de moments où je le croisais, il m’arrivait de tenter d’imaginer les cheminements de Jean-Pierre, ses interventions tantôt sous la coupole de l’Académie des Sciences, tantôt avec des jeunes d’une association scientifique, tantôt au siège du PCF selon son engagement politique, ou dans les nombreuses arènes scientifiques et universitaires qu’il aimait fréquenter.

Un autre souvenir se rattache à nos fréquentes et fortuites rencontres estivales à la gare de Lamballe en Côtes d’Armor où, apparaissant en short et en sandales, il nous faisait un signe de la main et nous parlait chemin faisant de ses projets du moment. C’est ainsi qu’il m’avait fait part de son invitation à un prochain colloque de l’APMEP[2] au cours duquel il devait faire un exposé sur les enjeux des mathématiques financières[3]. La perspective d’intéresser les participants à ce thème, qui ne faisait pas partie de ses sujets familiers, le passionnait et le préoccupait tout à la fois. C’est ainsi qu’il me fit part de tout ce qu’il comptait consulter sur ce nouveau domaine, avec notamment sa part de calcul stochastique, qu’il se promettait d’approfondir dans les prochaines semaines afin d’être sûr de bien posséder son sujet, et d’intéresser le public de ce colloque tout en se mettant à la portée.

Mais il prenait aussi des temps de vacances avec son entourage familial, et on le voyait dans divers évènements de la Côte d’Émeraude, notamment la Fête de la Moisson du PCF à la bourgade de Plurien, où il lui arrivait de faire une brève intervention sur les enjeux politiques du monde rural ou de la pêche.

Je me suis parfois dit que ses disciples doctorants, universitaires ou chercheurs avaient sans doute une grande chance de faire un bout de chemin avec un collègue d’une telle stature, sachant sa façon si attractive de faire comprendre des idées nouvelles, son attachement à valoriser les travaux, à encourager qui en avait besoin pour avancer dans son projet et le faire aboutir. Lors d’un hommage rendu au mathématicien Benoît Mandelbrot, Jean-Pierre avait tenu ce langage[4] imagé : « Il ne faut pas chercher à définir une fractale, c’est juste un objet à étudier dans le cadre de la géométrie fractale. Et la géométrie fractale est un champ mathématique dont avant Benoît, on connaissait bien certaines fleurs, des arbres singuliers et des fruits savoureux, mais à l’état sauvage, ou cultivé dans des petits jardins. C’est Benoît qui a ouvert le champ en en montrant l’étendue des applications et en lui donnant un nom (…). Les exemples auxquels je pense sont "le flocon de neige" à la place de "la courbe de Von Koch" et surtout "l’escalier du diable" au lieu de "la fonction de Lebesgue construite sur l’ensemble triadique de Cantor".


[1][1] http://sciencesenmarche.org/fr/paris/2014/10/14/itineraire-manifestation-nationale-pour-lenseignement-superieur-et-la-recherche.

[2][2] Association des Professeurs de Mathématiques de l'enseignement Public.

[3] http://www.apmep.fr/La-science-les-lumieres-et-les.

[4] http://sciences.blogs.liberation.fr/2010/10/17/benoit-mandelbrot-fractales-in-memoriam/.

15. Témoignage de Marc Neveu

« On naît jeune ». Devant ma moue perplexe, le regard amusé de Jean Pierre montrait qu’il avait une fois de plus atteint son objectif. Intriguer, capter l’attention. Pour développer ensuite et montrer l’intérêt de ce « paradoxe » biologique de remise à zéro de l’âge des cellules entre la mère et l’enfant, qui débouchait pour lui sur des recherches multi-disciplinaires passionnantes sur le temps, avec des implications mathématiques bien au-delà de mes capacités de compréhension. Recherches sur lesquelles lui, toujours très jeune nonagénaire, fondait avec l’avidité d’un jeune doctorant.

Son discours était toujours empreint de sa bonhomie et de sa simplicité : que ce fût dans l’amphi Richelieu de la Sorbonne où je le rencontrai pour la première fois, ou devant un verre dans sa cuisine comme c’était le cas plus récemment lorsqu’il abordait cette question du temps. Simplicité qui épousait la limpidité de son discours, jamais schématique et qu’il achevait par des questionnements multiples.

Dans ses interventions, il faisait souvent des détours, qui nous faisaient nous interroger sur le rapport immédiat avec le sujet qu’on abordait ; mais ses références historiques et son immense érudition nous ramenaient petit à petit au sujet, qu’il interrogeait d’une façon riche et originale, sous un angle qu’on n’avait pas perçu

A la fête de l’Humanité, pour la revue Progressistes, nous avons eu l’occasion de partager des chaleureux moments de convivialité. Avec Jean-Pierre, l’humanité était vivante à chaque instant, tant sa gentillesse immédiate et son attention à l’émancipation humaine se conjuguaient naturellement.

Lors de la dernière fête de l’Huma, après un débat où quelques interventions lui semblaient très dogmatiques, il me confiait, avec son sourire malicieux, qu’il aimait bien la maxime d’Oscar Wilde que Claudine et moi lui avions rappelée quelques mois auparavant : « on devrait toujours être légèrement improbable ». Modestie et doute devaient habiter chaque être humain et a fortiori tout chercheur, selon Jean Pierre.

Ce grand Monsieur, tellement modeste et tellement humain, nous manque déjà beaucoup.

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16. Témoignage de Michel Van Praët :

Ayant « découvert » Jean-Pierre Kahane  alors qu’il présidait la MIDIST, puis en collaborant plus étroitement avec Paul Brouzeng sur des questions de culture scientifique, je fus surpris en rejoignant il y a quelques années le Comité consultatif national d’éthique où j’eus le plaisir de siéger à ses côtés, de le retrouver toujours aussi vif et curieux, soucieux de partager ses interrogations. Depuis quelques jours les échanges entre membres du CCNE, alors qu’il y siégeait encore le 15 juin dernier, témoignent de la place qu’il y avait prise, soulevant avec modestie questions pertinentes, suggestions précises et lançant puis animant un groupe sur les questions éthiques de l’accès au médicament.

Au-delà de la tristesse pour les siens c’est le souvenir d’une « belle personne » que je voudrais partager et pour moi son regard attentif et émerveillé lorsque j’avais pu introduire le CCNE au sein des collections d’anthropologie au musée de l’Homme et débattre des questions scientifiques et éthiques qui s’y entrecroisent.

Michel Van Praët

Professeur émérite au Muséum national d’Histoire naturelle

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17. Témoignage de Simone et Claude Mazauric

Le décès de Jean-Pierre Kahane nous affecte profondément. Nous aimions et admirions cet homme qui était un grand savant et un collègue universellement respecté. Chercheur à l’imagination inépuisable, il savait rendre les mathématiques aimables à qui ne les pratiquait pas. Extrêmement sensible aux effets de durée et de rythme chronologiques,  il avait su se rendre maître de l’art de rendre intelligibles les mouvements de l’histoire et, fort de sa maîtrise des contenus, il n’hésitait pas à s’engager dans les plus rudes controverses épistémologiques, notamment lors de colloques, organisés en particulier par la revue La Pensée, auxquels nous avions participé. Toujours souriant et avenant avec quiconque, comme en passant, il instruisait ses interlocuteurs de tout âge et de toute condition, sachant faire partager son inépuisable savoir : lors d’une rencontre au festival d’Avignon et au détour d’une conversation à bâtons rompus, il nous apprit ainsi la bonne manière de préparer le caviar d’aubergines ! Fidèle en amitié, il le fut aussi à l’égard de son parti où il donnait son point de vue, à tous les niveaux de l’organisation, sans fanfaronnade ni agressivité, à l’image de tous les siens et de son père, Ernest Kahane, biologiste de talent qui présida l’Union rationaliste. Nous perdons un grand homme et un éminent syndicaliste,toujours présent dans les justes combats, dont le souvenir et l’exemple ne s’effaceront pas.

Le 27 juin 2017

Simone Mazauric et
Claude Mazauric, ancien secrétaire général du SNESUP-FSU

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18. Témoignage de Jean-Claude GARRIC

J'ai connu Jean-Pierre Kahane comme enseignant quand j'étais étudiant à Orsay dans les années 60, mais je ne l'ai découvert véritablement que plus tard. Il était pour moi une référence sinon la référence alliant l'engagement syndical, social et politique avec la sommité scientifique ouverte à tous. Il s'est beaucoup engagé pour le SNESUP, notamment dans les années 60 où il a été par deux fois Secrétaire Général. Il continuait à contribuer au travail syndical sous différentes formes, il intervenait notamment à l'occasion des colloques organisés par le syndicat où sa parole était à la fois originale et enrichissante pour le débat collectif, et toujours simple. Il restera cette référence dans notre mémoire collective. Du fond du coeur, je fais part de toute ma solidarité à sa famille.

Jean-Claude Garric

Ancien Secrétaire général du SNESUP-FSU

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19. Témoignage de Thierry Astruc :

C'est avec une grande tristesse que j'ai appris la disparition de Jean Pierre Kahane. Ancien étudiant à Orsay, je garde un souvenir admiratif de la manière dont il a créé la bibliothèque de mathématiques, en commençant par acheter, avec ses collègues les premiers livres de cette bibliothèque, maintenant une des plus riches. -----

20. Témoignage de Pierre Lauginie :

Pour moi, il était une référence intellectuelle. C'est triste, j'avais encore des questions à lui poser ! Mais je ne me suis jamais fait à l'idée qu'un camarade de cette stature puisse disparaître un jour.

Pierre LAUGINIE
Maître de Conférences honoraire
Université Paris-Sud, Orsay

21. Témoignage de Pierre Torasso, pour la secteion SNESUP de l'Université de Poitiers :

C'est avec une grande tristesse que j'ai appris le décès brutal de
notre collègue et camarade Jean-Pierre Kahane. Il était un grand
mathématicien très impliqué dans de nombreuses activités au sein de la
société : défense et promotion des sciences et de leur enseignement
dans une visée d'émancipation, souci de leur développement partout
dans le monde et notamment dans les pays en voie de développement,
engagement syndical et politique...

Il était très accessible et très à l'écoute de ses interlocuteurs. En
voici un exemple personnel qui remonte à quelques années. Je l'avais
rencontré par hasard en septembre 2009 à la fête de l'Humanité. Alors
que nous ne nous étions vu que trois ou quatre fois auparavant, il
m'avait tout de suite reconnu. Nous avons engagé la discussion et il m'a
parlé d'une conférence qu'il devait donner sur ``Mathématiques,
finance et politique'' le mois suivant aux journées nationales de
l'APMEP. C'était l'époque où, après la crise financière de 2008, l'on
mettait en cause le rôle qu'y auraient joué les ``mathématiques
financières''. Ce qu'il m'en avait dit m'avait paru intéressant et de
retour à Poitiers j'ai proposé qu'il soit invité à parler dans notre
Colloquium du laboratoire de mathématiques. Dès que je lui ai écrit,
il a accepté l'invitation. Son exposé eut lieu en juin 2010. Il fut
brillant, et dans la droite ligne de ses préoccupations évoquées plus
haut. Il y a mis en lumière le rôle des mathématiques dans la finance,
comme fournisseuses de concepts, de modèles, de méthodes et de
règles. Il a ensuite développé l'idée selon laquelle, comme dans
toutes les autres sciences, une partie de la recherche en
mathématiques est entraînée par la demande sociale, qui, dans la
société actuelle, est principalement celle du capitalisme
financier. En conséquence, c'est en élargissant leur champ
d'intervention que les mathématiciens pourront résister à une
orientation exclusive vers les mathématiques financières. Comme
citoyens les mathématiciens doivent contribuer à poser les questions
de société, comme celle du rôle et de l'organisation des banques et du
système financier. Comme scientifiques, ils doivent être prêts, en
développant leur recherche, à répondre à de nouvelles demandes
sociales. C'est ainsi que, selon lui, l'avenir des mathématiques
financières ``n’est pas de disparaître avec les décombres du
capitalisme financier, mais d’élargir leur domaine et de se
transformer profondément sous la pression de besoins nouveaux, et de
répandre leurs lumières sur un champ plus vaste au bénéfice de
l’humanité tout entière''.

Jean-Pierre Kahane était un homme des Lumières. Il considérait que  les
mathématiques, comme  toute science, doivent s'inscrire dans le
mouvement de la société, y puiser des problématiques, l'irriguer en
participant au débat démocratique et fournir des
outils pour l'émancipation humaine. Il nous manquera.

Pierre Torasso
pour la section SNESup de
l'Université de Poitiers