[RSS] Twitter Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

Agenda militant

Newsletter

Ailleurs sur le Web [RSS]

Lire plus...

Twitter

Comment Mélenchon compte diffuser sa "contre-société"

Mélenchon

Lien publiée le 3 octobre 2017

Tweeter Facebook

Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.marianne.net/politique/comment-melenchon-compte-diffuser-sa-contre-societe-en-attendant-l-effondrement-du-systeme?utm_term=Autofeed&utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#link_time=1506966344

Depuis la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon et ses amis concentrent leur stratégie sur la guerre culturelle contre ce qu'ils nomment le "système". Parlement, médias, rue, médias mais aussi universités... Aucun secteur n'est délaissé dans cet activisme militant tous azimuts.

Difficile de passer à côté des Insoumis. Depuis la présidentielle, les amis de Jean-Luc Mélenchon sont partout et font un maximum de bruit. A l'Assemblée nationale, où leurs dix-sept députés multiplient les coups d'éclat. Dans la rue, où le mouvement se place en tête de la lutte contre les ordonnances réformant le code du travail. Dans les médias, avec l'impulsion donnée par la directrice de la communication du mouvement, Sophia Chikirou, à la création d'un canal sur Internet destiné à porter des idées alternatives. Lancé en janvier prochain, celui-ci s'appellera tout simplement… "Le Média". Et d'ici là, les cadres du parti écument sans relâche les plateaux pour porter la parole insoumise.

Et La France insoumise (LFI) ne se contente pas des terrains institutionnels et médiatiques, somme toute classiques pour des élus. Ce mois-ci, l'offensive va gagner les universités où elle espère bien peser pour la rentrée, histoire de ne pas laisser retomber la grogne étudiante générée par la baisse de cinq euros des APL, qui vient d'entrer en vigueur. "On réfléchit à organiser des meetings de députés dans les facs pour étendre la mobilisation", nous révèle ainsi Eric Coquerel, député de Seine-Saint-Denis. 

Un activisme tous azimuts qui n'est que la partie émergée de la stratégie esquissée à petites touches par Jean-Luc Mélenchon. Au-delà encore des terrains de lutte, c'est dans toute la société qu'il compte étendre la toile de son mouvement. Car plutôt que de commencer à préparer dès aujourd'hui les prochaines élections, les mélenchonistes préfèrent se concentrer sur la remise en cause par l'intérieur du système. "D'habitude, entre deux élections présidentielles, les partis d'opposition se contentent de régler leurs batailles internes et de désigner leur candidat. Nous, on continue à militer, à travers une bataille politique, une bataille sociale, une bataille médiatique et une bataille générationnelle", énumère Thomas Guénolé, politologue ouvertement "insoumis".

"Faire de notre action un phénomène de masse"

Objectif : constituer peu à peu une "contre-société", modèle en action de ce que pourrait être l'alternative concrète au dogme libéral. "On ne peut pas espérer prendre le pouvoir si on n'est pas capable de démonter l'idéologie dominante et de proposer un projet alternatif", détaille Eric Coquerel. Récusant le terme "contre-société", qu'il juge pas assez constructif, le député confirme néanmoins vouloir "proposer une société alternative" en bousculant les habitudes politiques inculquées par ce que les mélenchonistes nomme le "système". Et ce, à grande échelle : "On veut toucher des centaines de milliers de gens, faire de notre action un phénomène de masse".

Une stratégie a déjà été éprouvée par la gauche, en France par le Parti communiste de l'après-seconde guerre mondiale. Afin de crédibiliser son projet de renversement de l'ordre libéral, le parti de Maurice Thorez avait ainsi initié la création d'une galaxie d'organisations parallèles, censées montrer qu'un "autre monde est possible" : journaux, syndicats, colonies de vacances, fédérations sportives... Suivant le même schéma, les Insoumis ne veulent aujourd'hui laisser aucun espace vacant. Cela a commencé de manière anecdotique cet été, avec la création par des militants d'un groupe de rencontres amoureuses entre mélenchonistes - "Insoumeetic" -, qui participe au développement d'une socialisation interne au mouvement. 

Eduquer "les gens", la clef de la contre-société

A l'extérieur du parti, la clef de ce système se situe sur le plan d'une éducation populaire alternative. Ces deux derniers étés, la France insoumise a par exemple sillonné les villes de provinces avec une "caravane des droits", vouée non pas à faire de la propagande directe pour ses candidats mais à initier les citoyens à leurs droits. Dans la même veine, Jean-Luc Mélenchon a acheté en août une grande surface à Marseille - tout un étage d'un immeuble de 2.000 mètres carrés - qui doit dépasser le rôle habituel d'une permanence de parlementaire. Le néo-député ambitionne en effet d'en faire un lieu de formations et de conférences citoyennes. Ouvert sur le plus grand nombre pour, toujours, diffuser chez "les gens" une vision alternative du monde.

Selon l'historien du communisme Roger Martelli, cette stratégie de la "contre-société" peut s'avérer très efficace mais aussi piégeuse : "Il y a incontestablement des ressemblances entre la démarche de Jean-Luc Mélenchon et celle du PCF pendant la guerre froide. La multiplication des initiatives voués à nourrir un dynamisme militant en est une. Par ce fourmillement d'actions, on soude un peuple militant. C'est très fort. En même temps, le risque est celui de tomber dans une démarche identitaire, du type 'ceux qui ne sont pas avec moi sont contre moi'. Or, l'histoire montre que l'union de la gauche est nécessaire pour gagner". L'historien rappelle en particulier le sectarisme du PCF, qui raillait la SFIO comme le "parti américain" dans les années 1950, rendant par là impossible toute alliance nationale.

L'universitaire explique cette démarche par la conviction ancrée chez le leader du mouvement que le régime d'Emmanuel Macron peut céder à n'importe quel moment : "Jean-Luc Mélenchon pense que les phénomènes historiques ont des évolutions imprévisibles. Rien n'est prédéterminé. Tout est possible, et notamment l'effondrement du capitalisme à un moment inattendu. Pour provoquer cela, il faut continuer à militer, sans attendre les élections". A l'appui de cette démonstration, Thomas Guénolé cite A la conquête du chaos, un ouvrage publié par Jean-Luc Mélenchon en 1991. Dans l'essai, le député se fonde sur la "théorie du chaos" en sciences physiques, qui postule que les phénomènes physiques évoluent le plus souvent de manière imprévisible, donc chaotique, pour en tirer cette idée d'un militantisme total. D'où l'idée, martelée sans cesse, qu'une dissolution de l'Assemblée nationale est possible et ce, à tout moment. L’idée étant aussi qu'à ce moment-là, la société puisse se tourner vers le contre-modèle dont il aura entretemps posé les jalons. Avec un côté méthode Coué : en 2014, Jean-Luc Mélenchon défendait déjà cette thèse d'une dissolution imminente.