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Retraites: attention à la casse

retraite

Lien publiée le 14 juin 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.alternatives-economiques.fr/christian-chavagneux/retraites-attention-a-casse/00084962

« Ma crainte est que le système ne soit pas juste, pas simple, pas équilibré financièrement », explique le haut commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, dans une interview au Parisien. Soit. Qui ne souhaiterait pas que nos futures retraites soient plus justes, plus simples et bien financées ? Mais derrière ce programme consensuel, auquel chacun peut contribuer grâce à une consultation citoyenne, se profile le risque d’une réforme purement politique visant la bête noire du gouvernement, les fonctionnaires, tout en offrant aux « premiers de cordée » l’accélération de la capitalisation.

Garantir l’égalité entre les salariés ?

Notre système de retraite comporte de fait un certain nombre d’injustices et se dirige vers une hausse des inégalités entre retraitésSelon l’Insee, il y a treize années d’écart d’espérance de vie entre les 5 % les plus pauvres et les 5 % les plus riches. L’OCDE montre que les travailleurs pauvres subissent, en plus, un taux de remplacement plus faible que les autres et que 90 % des inégalités de salaires se retrouvent en inégalités de retraites.

Est-ce que le gouvernement compte trouver les moyens de combattre ces injustices ? A priori, non. « L’objectif est qu’à carrière identique, revenu identique, la retraite soit identique », explique le haut commissaire. Donc, à carrières incomplètes et faibles revenus, retraite frugale, mais au moins ce serait pour tout le monde pareil.

Cette volonté d’un traitement identique pour tous – le fameux un euro de cotisation doit ouvrir des droits identiques pour tous – rejoint le deuxième objectif du gouvernement, la simplification.

Simplification : casser les régimes spéciaux

Le gouvernement souligne que la France compte 42 régimes de retraite différents. Son objectif est de simplifier tout cela. Pour comprendre dans quel sens, il suffit de jeter un œil sur les grandes masses des retraités.

Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la Santé (Dress), la France recense 16 millions de retraités (17 millions si on ajoute ceux qui bénéficient de la retraite de leur conjoint décédé). Un tiers des retraités sont des « polypensionnés » c’est-à-dire qu’ils ont cotisé à plusieurs régimes de retraite différents (salariés du privé/fonctionnaires/indépendants, etc.)

En gros, 13 millions de personnes ont les droits provenant du régime de base (retraite de base + Agirc-Arrco). S’y ajoute 1,9 million parce qu’ils ont été fonctionnaires, 1,9 million de salariés agricoles 1,7 million d’artisans-commerçants. On peut ensuite comptabiliser les 17 000 retraités de la Banque de France, les 34 000 de la RATP, les 177 000 de la SNCF ou les 400 de la Comédie française… Sans oublier les marins, mineurs, prêtres, clercs de notaire, parlementaires, etc. On constate que s’il existe un nombre important de régimes spéciaux de retraite, en termes de masse trois ou quatre sortent du lot, pas plus. Comme on imagine mal ce gouvernement aller contre les intérêts des artisans, des commerçants ou des salariés de la Mutuelle agricole aux petites retraites, il reste un gros « régime spécial », celui des fonctionnaires. Pour les autres, Jean-Paul Delevoye a déjà précisé que certains régimes pourront conserver leurs spécificités. L’un des objectifs de la réforme consiste donc à remettre en cause le régime de retraite de la fonction publique.

Faire des économies sur le dos de qui ?

Cela correspond à la dernière cible du gouvernement, qui souhaite un système plus équilibré financièrement. On peut effectivement jouer à se faire peur avec des statistiques : sachant qu’il y a 60 retraités pour 100 actifs aujourd’hui, en 2070, il y aura 80 retraités pour 100 actifs. Mais quelle est réellement l’amplitude financière du problème ? Faible, en tout cas, largement gérable.

Comme le souligne l’économiste Oliver Passet de Xerfi, après les nombreuses réformes déjà mises en œuvre en France depuis les années 1990, il va falloir travailler plus de trimestres pour obtenir sa pension à taux plein (172 trimestres à partir de la génération née en 1973) et la progression des revenus des retraités a été organisée de telle sorte qu’elle soit plus lente que celle des salariés : l’augmentation des retraites est indexée sur les prix et celle des salariés sur la productivité, et la seconde monte plus vite que les premiers. Le résultat : aujourd’hui, un retraité gagne environ les deux tiers de ce que gagne un salarié, ce sera environ 60 % en 2030 et la moitié seulement en 2050.

Ainsi, selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), la France doit passer un cap à l’horizon 2025-2035 : ce seront les années les plus dures enmatière de déséquilibre financier, même si ce passage durera moins longtemps et sera moins important que dans beaucoup d’autres pays européens (Allemagne, Italie, Espagne). Encore une fois, doit-on s’en inquiéter ? Nous devrions connaître un déficit d’environ 0,5 %-1 % du produit intérieur brut (PIB) entre 2025 et 2035, selon des scénarios plus ou moins optimistes. Le système de retraite devrait toujours être déficitaire en 2050 si tout va de travers, et enregistrer des excédents – oui, des excédents – si tout va bien.

Il ne s’agit donc pas de nier qu’il y ait un besoin de financement à venir, mais, hors catastrophe, il reste mesuré. Comme le reconnaît le haut commissaire : « Aujourd’hui, nous n’avons pas le couteau sous la gorge. »

Dans ces conditions, un petit tour par les chiffres permet de comprendre où veut aller le gouvernement : entre les 570 euros de montant moyen brut de retraite du salarié agricole et les 2 300 du fonctionnaire d’Etat (1 240 pour le salarié du privé) qui devrait être visé en premier par des économies, si ce n’est le fonctionnaire ?

Le piège de la retraite par points

Mais le gouvernement semble vouloir aller plus loin en évoquant la possibilité d’une retraite par points, sa promesse de campagne : chacun accumule des points au cours de sa vie professionnelle et regarde la valeur du point au moment où il souhaite s’arrêter. Si le total lui convient, il prend sa retraite, sinon, il travaille plus longtemps. Un âge minimal reste fixé à 62 ans pour éviter que les gros salaires partent plus tôt et vivent sur le dos de la collectivité.

La question clé est comment serait fixée la valeur du point ? En fonction de la croissance, de la démographie, de l’espérance de vie, de certains de ces critères ou de tous ? On ne sait pas. Mais il vaudra mieux avoir la chance de prendre sa retraite avant une crise qu’après ! Il n’y aura, a priori, plus de retraite minimum garantie puisque la valeur du point variera de telle sorte à toujours équilibrer le système. Pour obtenir ce résultat, le niveau des pensions sera ajusté en permanence.

Enfin, pour les plus fortunés (au-dessus de 120 ou de 160 000 euros annuels), le gouvernement souhaite encourager la possibilité du recours aux fonds de pension. Aujourd’hui, les plus de 300 milliards dépensés pour les retraites sont financés à 95,2 % par des cotisations sociales (4,8 % proviennent d’une épargne individuelle) et seulement 2 % des pensions sont le fruit de produits d’épargne particuliers.

Davantage de capitalisation, risque de retraites moindres pour tous et remise en cause pour les fonctionnaires des modalités actuelles, telles sont les orientations possibles de la réforme des retraites que prépare ce gouvernement, décidément pas au service du plus grand nombre.